Le Seigneur soit avec vous ! ou Testament spirituel d'un curé à ses paroissiens (2e édition) / par Dubouis,... (2025)

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Titre : Le Seigneur soit avec vous ! ou Testament spirituel d'un curé à ses paroissiens (2e édition) / par Dubouis,...

Auteur : Dubouis, Étienne (curé de Farens, Abbé). Auteur du texte

Éditeur : V. Palmé (Paris)

Éditeur : Librairie catholique de l'oeuvre de Saint Paul (Paris)

Date d'édition : 1884

Sujet : Dubouis

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30360825p

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (56-275 p.) ; in-16

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Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6490856s

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LN27-34278 (BIS)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 29/04/2013

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Le Seigneur soit avec vous !

or

TESTAMENT SPIRITUEL D'un Curé à ses Paroissiens # Par M. DUBOUIS, Curé de Fareins L'Ami ilu Vénérable Cure d'Ars

DErXIÈME ÉDITIC)y

CHEZ LE DIRECTEUR DE L'IMPRIMERIE NOTRE-DAME

PIERRE (par Tout)

PARIS

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE LIBRAIRJB CATHOLIQUE VICTOR PALMÉ 70, rue des Sakits-Pères, 76

LIBRAIRIE CATHOLIQUE DiO

L'ŒUVRE SAINT-PAUL 6, rue Cassette, G

l'vus droits réserves

NOTICE BIOGRAPHIQUE

SIUn

H. ETIENNE DUBOUIS

NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR

M. ETIENNE DUBOUIS

CURÉ DE FAREINS

l'îtfMI DU VÉNÉRABLE VIANNEY

CURÉ D'ARS

PAR

J. M. D.

NANCY IMPRIMERIE SAINT-EPVRE — FRINGNEL ET GUYOT

1883

AVERTISSEMENT

Nous croyions notre tâche finie après la publication du Testament spirituel du digne curé de Fareins, M. Dubouis, à ses paroissiens; nous remercions avec M. l'abbé Buisson, (i) la divine Providence d'avoir béni notre piété filiale dans le succès, de la lro édition écoulée en moins de huit mois (2) lorsqu'on est venu nous solliciter de donner une notice biographique sur l'auteur de cet excellent ouvrage.

Nous préférerions, assurément, céder le travail à une plume mieux taillée ; cependant, plutôt que de le voir abandonné, nous essayerons de retracer à grands traits cette

(i) Curé de Murs (Ain).

(2) Edition tirée à 1,500 exemplaires.

douce, cette sympathique et vénérable figure sacerdotale.

1° Pour en laisser le souvenir plus durable à ses chers paroissiens et à ceux qui l'ont connue ; 2° Pour venger des sottes calomnies des indifférents et des impies, le clergé de la campagne, d'autant plus digne d'estime qu'il remplit sa mission de dévouement dans le silence et l'obscurité.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR

M. E. DUBOUIS CURÉ DE FAREINS

Sa naissance, sa famille.

Etienne Dubouis naquit le 7 octobre 1806 à Belmont (département de la Loire) de Blaise Dubouis et de Claudine-Marie Déclas, tous deux sortis de familles patriarcales, vivant sous l'œil de Dieu du fruit de leurs champs. Aussi reçurent-ils les bénédictions des patriarches, car ils comptèrent dix enfants dont Etienne fut le troisième. Comme toujours, le Seigneur préleva sa part en ouvrant son ciel à deux encore tout jeunes et en appelant à son service, avec le curé de Fareins. son frère Nicolas qui mourut en 1864, sainte et héroïque victime de la charité, en visi-

tant et administrant les malades contagieux à Saint-Germain-Laval (Loire) où il était vicaire (1).

et la plus jeune de la famille, sœur Marie-Philomène, religieuse Mariste, décédée à Collonges.

(Ain) il y a quelques années.

Chrétien, de vieille roche, le père Dubouis était à la tête des confréries du Très-Saint-Sacrement et du Très-Saint-Rosaire. Il allait régulièrement à la messe les mercredi et vendredi, faisait rigoureusement son carême, et cela jusqu'à l'âge de 78 ans, c'est-à-dire jusqu'à la fin de sa vie.

Homme de Dieu, il était aussi homme de tous.

par ses œuvres de charité ; l'homme de bons conseils, l'homme de pacification dans les querelles, l'homme de consolation pour les affligés, de se cours pour les pauvres, et si la maison Vianney était toujours ouverte à ces derniers à Dardilly.

la maison Dubouis était aussi leur étape ordinaire.

Il y a plus, il visitait les malades, toujours prêt à les soulager.

De même qu'on attribue la vocation au sacerdoce du Vénérable curé d'Ars à l'illustre mendiant, saint Benoît habre en retour de l'hospitalité reçue, de même, aimons-nous à croire que la vocation de M. Dubouis fut la récompense de la grande charité faite par ses parents, car les

(1) Sa mort fut pour la paroisse un deuil général; elle se leva comme un seul homme pour l'accompagner au cimetière où elle lui érigea un monument en reconnaissance.

pauvres sont les amis de Dieu et leurs prières retombent sur la terre en bénédictions sur les bienfaiteurs.

« Que de fois on est venu l'appeler au milieu de la nuit ! alors il me faisait lever pour l'accompagner et nous partions par tous les temps (1). »

Souvent même il remplaçait monsieur le curé pour leur faire la recommandation de l'âme, les exhortant, les encourageant, les soutenant en ce terrible passage du temps à l'éternité. Le dimanche et aux grandes veillées d'hiver, il aimait à réunit chez lui les enfants du voisinage pour leur faire le catéchisme, car il avait une grande instruction religieuse.

Mais, dira-t-on peut-être, comment pouvait-il tenir à 'tout ? Pour un cultivateur, c'est un peu fort, assurément, les i-ntérêts de la famille devaient en souffrir.

En effet, aux ignorants et aux indifférents, cela doit paraître extraordinaire, pour ne pas dire incroyable. Qu'ils le sachent bien ; homme de foi profonde et éclairée, le père Dubouis utilisait à la gloire de Dieu et au service du prochain tous ses moments de loisir. Il comprenait que le temps donné à la prière, à la messe surtout, loin d'être perdu, est une bénédiction pour le temps du travail, que la religion est la plus sûre

(2) Rapport de madame Buisson, sa fille.

garantie de la prospérité et du bonheur domestique. Aussi, sa maison était-elle un modèle d'ordre, d'union et de paix. Ce fut donc à Belmont une douleur universelle que celle de la mort de ce pieux patriarche et monsieur le curé ne put s'empêcher de s'écrier : « Quel beau présent le ciel reçoit aujourd'hui de la terre ! (1). »

Madame Dubouis, de son côté, copie.fidèle de la femme forte que nous offre la Bible, secondait admirablement son époux. Elle mettait tous ses soins à le rendre heureux par la propreté et l'économie dans le ménage, et plus encore par les sentiments de respect filial qu'elle savait inspirer aux enfants envers leur père, ainsi qu'envers eux-mêmes ceux de la plus tendre fraternité. En retour, comme elle était aimée et chérie de tous !

Où puisait-elle cette douce fermeté dans la direction générale, ce tact exquis de l'éducation de chaque caractère, ce maniement victorieux des cœurs, cette sagesse dans toute sa conduite, cet ensemble enfin, de toutes les qualités de la mère de famille, car, après tout, elle n'était qu'une femme de la campagne: Ah ! c'est que le monde et la plupart des mères d'aujourd'hui ne savent rien et, par conséquent, ne comprennent rien des forces divines accordées à la maternité. D'où

(1) Paroles de monsieur le curé sur le cercueil du père Dubouis.

vient cela ? de ce qu'on n'a plus le sens chrétien.

Mais madame Dubouis, nous l'avons dit plus haut, sortie de race patriarcale, sentant profondément l'honorable et auguste mission donnée par Dieu à la mère, de façonner, de développer, d'embellir son image dans l'âme de l'enfant, avait commencé à imprimer en son sein sanctifié, à chacun des siens la foi et l'amour qu'elle portait à Notre-Seigneur-Jésus-Christ. De même que le père Dubouis allait trois fois par semaine à la messe demander de nouvelles forces et de nouvelles lumières, de même la mère, malgré une distance de trois kilomètres et ses nombreuses occupations se levait à 4 heures en hiver comme en été pour assister à 5 heures au divin sacrifice, et tous les jours, afin d'y retremper la vertu nécessaire à la tâche délicate et difficile de l'éducation de la famille. C'est là, soyons-en sûrs, qu'à l'école de Jésus-Eucharistie, elle acquit la science de former des saints. Ils ne se plaignaient pas, ainsi que nos chrétiens dégénérés d'aujourd'hui, d'avoir trop d'enfants, encore moins comme ces parents inqualifiables qui en calculent le nombre sur le chiffre de leurs revenus. Heureux, au contraire, de l'honneur de participer à la paternité de Dieu, c'est avec un vertueux respect qu'ils recevaient son image, voyant en elle une nouvelle bénédiction au foyer domestique. Quelqu'un qui les aurait suivis dans leurs pieux devoirs les

eût surpris certainement se penchant sur le berceau de l'enfant, ange de pureté, et, à l'exemple du père d'Origène, baisant ce front innocent, cette poitrine immaculée, sanctuaire vivant du SaintEsprit, avec plus de vénération que l'or de nos tabernacles.

Pareillement, qu'il devait être agréable au ciel le spectacle de cette religieuse famille, à la prière du soir, le père et la mère demandant au Seigneur de conserver leurs enfants dans la crainte de son saint nom ; les enfants le priant de leur conserver longtemps des parents qui le représentaient si bien dans son autorité pleine de douceur et de bonté !

Nous finirons le portrait de madame Dubouis par ce témoignage de la population de Belmont, qui vaut à lui seul le plus bel éloge de la femme : « On ne la surprit jamais à parler mal du prochain. »

Enfance d'Etienne Dubouis.

Formé à l'école d'un père si chrétien et d'une si pieuse mère, le petit Etienne annonça de bonne heure ce qu'il serait plus tard, un hOIL me de prière, un apôtre de la charité. Chose admirable !

Plus on lit la vie du Vénérable Vianney, plus on remarque des traits de ressemblance entre lui et le curé de Fareins, ce qui amène naturellement à croire que le dernier s'appliqua à copier le premier. Rien de surprenant , d'ailleurs ; les deux familles de Dardilly et de Belmont se ressemblaient ; elles devaient donc recevoir la réalisation des paroles de l'Esprit-Saint : « Les justes engendrent des enfants dignes d'être bénis de Dieu (1) ». Comme le jeune J.-Marie Vianney, Etienne Dubouis aimait à se cacher pour prier, et si, à la maison, ses frères et sœurs n'avaient qu'à le regarder pour se recueillir, à la prière du soir, de même à l'église, sa vue suffisait pour édifier les fidèles et les porter à la piété. D'un esprit vif et pénétrant, d'un jugement rare à cet âge, loin de se prévaloir de ces qualités, il n'en était que plus modeste. Il avait un cœur d'or, toujours prévenant, dévoué, prêt à céder, à faire plaisir. Aussi, madame Dubouis ne cessait-elle de le donner à ses autres enfants en exemple de charité fraternelle, de respect et d'obéissance aux parents. « Il fallait voir comme nous l'aimions, nous disait dernièrement sa sœur, madame Buisson ! bien qu'il ne fût encore qu'un enfant, il nous donnait déjà des conseils, nous apprenait à aimer le bon Dieu, etc. Nous avions

(1) Psaume 111, 2.

en lui une grande confiance et lui portions une espèce de vénération que nous lui avons gardée jusqu'à sa mort. »

Préparé au catéchisme de la paroisse par celui de la famille, notre jeune Etienne avança de progrès en progrès sous l'habile direction de M. le curé Boisson, dont le souvenir est resté vivant ;'i Belmont, et fut jugé capable, à 11 ans, de faire sa première communion. Qui pourrait dire la joie du pieux enfant à la nouvelle de ce suprême bonheur ! N'était-ce pas pour lui, en ce jour fortuné. comme signer dans le sang de l'Agneau divin sa bienheureuse éternité ? Nous pouvons toutefois nous faire une idée des dispositions qu'il apporta à cette action la plus auguste qu'il soit donné à l'homme de faire ici-bas par les soins que nous lui verrons plus tard prodiguer à ses petits paroissiens de Fareins. Qui nous dira aussi la sainte joie de ses vertueux parents ! Car dans cette famille bénie d'en haut, c'était un grand et beau jour de fête que celui de la première communion d'un des enfants. Tout le monde s'y préparait par de ferventes prières afin d'attirer sur la maison des nouvelles faveurs du ciel. Et pour la paroisse, quel spectacle ravissant! Quel exemple plus édifiant que celui de parents et d'enfants accompagnant à la Sainte Table ce nouveau Louis de Gonzague! (i) On

(i) C'est ainsi qu'on l'appelait il Belmont.

rapporte ceci du Vénérable Vianney: « Quand j'étais jeune, je ne connaissais pas le mal, je n'ai appris à le connaître qu'au confessionnal » (1).

Ne pourrions-nous pas, sans témérité, en dire autant du vieux curé de Fareins. S'il faut en croire le témoignage de ceux qui l'ont connu (2), on ne l'entendit jamais prononcer une parole déplacée. Tout en lui, au contraire, sa tenue, ses regards et ses gestes prêchaient éloquemment la modestie et sa présence seule imposait le respect pour l'aimable vertu.

Le jeune Dubouis chez son oncle maternel, M. Déclas, curé de Saint-Jean-sur-Veyle (Ain).

A cet enfant si bien préparé pour le recevoir, qui lui avait apporté une âme purè, un esprit droit, un cœur plein d'amour, une volonté soumise, Jésus-Eucharistie imprima son divin cachet comme gage du futur sacerdoce. Pouvait-il mieux récompenser et honorer à la fois la

(1) Vie du Vénérable curé d'Ars, Page 26e

(2) Ses parents, ses condisciples, ses paroissiens.

famille Dubouis ? Elle n'était pas comme la plupart de celles d'aujourd'hui qui préfèrent pour leurs enfants à l'insigne honneur du service des autels les dignités et les richesses du monde.

Ainsi que le jeune Samuel Etienne entendit la voix du Seigneur et répondit généreusement à son appel. « Oh ! qu'il était ravissant à voir, avec sa figure angélique ! nous dit une de ses sœurs ; la grâce qui l'embaumait semblait se communiquer à nous tous et nous inspirait envers lui une amitié respectueuse. » (i) — IL Cet enfant, disait de son côté la population, sera certainement un prêtre. »

Et admirons ici un nouveau bienfait de la divine Providence à l'égard de M. Dubouis : de même qu'elle ménagea à.M. Viannay un maître et un directeur pour l'instruire et le conduire dans ses voies en la personne de M. Balley, curé d'Ecully (Rhône), de même elle réservait à son élu le digne et respectable M. Déclas, curé de Saint-Julien-sur-Veyle, qui fut, plus tard, un des fondateurs de la société des maristes. En effet, ce dernier étant venu à Belmont quelques mois après la première communion de son neveu, charmé de tout ce qu'il entendait dire de lui, proposa à ses parents de le lui céder pour lui commencer les classes de latin. La réponse ne se

(i) Mmc Buisson.

fit pas attendre. Aux remerciements profonds du père et de la mère Dubouis, l'enfant mêla ses larmes de joie et de bonheur. Les adieux, sans doute, ne furent pas sans de vives émotions; c'était le trésor de la famille qui s'en allait, mais restait l'espérance de le voir revenir plus riche encore qu'auparavant.

Installé dans sa petite chambre, au presbytère, désormais tout à Dieu et à l'étude, le jeune Etienne n'avait rien à désirer et ne savait comment reconnaître assez les bontés de son oncle.

Il s'efforçait donc d'y répondre par les prévenances les plus délicates et le plus filial attachement. Il mettait ses jouissances à le servir à l'autel, auprès des malades, et à l'accompagner partout. M. Déclas, de son côté, appréciant la riche nature de son neveu, sa correspondance à la grâce, ne douta bientôt plus de sa vocation et ne négligea rien pour cultiver cette fleur naissante du sacerdoce. Il n'est pas douteux qu'à si bonne école, M. Dubouis, avec sa piété et son rare jugement, ne prît le germe de toutes les qualités de pasteur des âmes, qu'il fit briller dans la suite à Fareins. Le père Déclas, du reste, était un curé modèle. A une foi invincible, à un zèle ardent pour le salut des âmes, à une austérité de mœurs, qui en aurait imposé aux esprits les plus légers, il joignait une charité compatissante à toutes les souffrances et généreuse pour

tous les besoins. C'est ainsi qu'il employa son patrimoine à fonder à Saint-Julien unt école congréganiste de filles. Nous ne décrirons pas la scène des adieux quand vint le temps de la séparation, celui d'entrer au petit séminaire de Meximieux. Elle dut être touchante comme à Belmont, davantage peut-être, car ici, le sentiment surnaturel l'emportait sur le naturel. A- l'exem- ple de M. Vianney à l'égard de M. Balley, M.

Dubouis a gardé le souvenir le plus filial à M. Déclas et n'en parlait jamais qu'avec attendrissement.

Voici une lettre qu'il écrivait le 30 mars 1868 à son neveu, M. l'abbé Buisson, alors au petit, séminaire de Meximieux. Elle dira mieux que nous, toute l'estime qu'il avait pour cet oncle bien-aimé.

MON'CHER NEVEU, Je remercie Dieu de ta bonne santé, j'espère que tu en profiteras pôur avancer dans la science et dans la vertu. Votre belle fête, la visite, les sermons de Mgr. le Carême, la Semaine sainte, que. de voix vous crient bien haut: soyez saints.

La sainteté, voilà le but de la science, le but de la vie.

Notre cher oncle, le père Déclas, a montré par sa vie et par sa mort qu'il avait pris au sérieux

la sainteté. Que de choses il a faites pour Dieu, pour les âmes et par conséquent pour le ciel !

Essayons de ressembler, de loin au moins, à celui que nous pouvons bien regarder comme la première gloire de notre famille, et un des beaux modèles de vie sacerdotale; en pensant à lui, notre pensée se portera au ciel plutôt qu'au purgatoire. Cependant notre devoir est de prier encore pour le cher défunt.

Je ne sais pas encore quand je] pourrai aller à Meximieux. Mille choses affectueuses au bon directeur, à M. Bayard, Cusin. Mes respects à M. le supérieur.

Ton oncle dévoué.

ET. DUBOUIS.

Le jeune Dubouis aux petits séminaires de Meximieux et de Belley

Ce fut au mois de novembre 1823 qu'il entra au petit séminaire de Meximieux dans la classe de cinquième. Modèle de vertus domestiques au milieu de ses frères et sœurs à Belmont, Etienne se montra tout d'abord le modèle de ses condisciples par son amour de la prière et de l'étude ;

par son respect et son obéissance aux maîtres ; en un mot, par sa fidélité parfaite au règlement de la maison. Aussi gai et jovial en récréation qu'il était grave et sérieux en classe et à la chapelle, il avait des manières si aimables, un caractère si bien fait que tous, même les plus difficiles, recherchaient sa société. Venait-on à le plaisanter? il répondait par une saillie spirituelle qui, sans trop blesser le plaisant, rangeait les autres de son côté. Où il brillait surtout, c'était par sa tendre charité envers tous, particulièrement envers les petits, les faibles et les malades, dont il se faisait le soutien, le défenseur, le consolateur. Digne héritier des qualités de sa mère, comme elle, il ne parlait jamais mal de personne, ni dans sa jeunesse, ni jusqu'à la fin de sa vie ; caractère distinctif de la charité envers le prochain. Le petit séminaire de Meximieux était alors en pleine prospérité et comptait 300 élèves.

La famille de Belmont saluait avec joie l'époque des vacances qui ramenait Etienne au foyer domestique, tant il y occupait uùe large place.

« Chacun ressentait la douce influence de sa présence. Sa piété, sa modestie, sa gravité nous le faisaient déjà regarder comme un ministre du Seigneur, ce qui lui donnait une autorité sur tous. » (i) Il allait tous les jours à la messe et

(i) Madame Buisson.

communiait fréquemment. Le temps des vacances n'était pas pour lui le Far niente, selon la coutume des écoliers. Il lisait et travaillait beaucoup. Cependant, ayant pris, un jour, l'envie d'aller à la chasse, ses frères et sœurs partirent par un éclat de rire en le voyant s'éloigner, le fusil à l'épaule et un livre à la main. — Gare aux lièvres de la montagne ! se disaient-ils. Pauvre chasseur ! il ne tira qu'un seul coup et il suffit d'une plainte de la part d'une bonne femme effrayée sans motif pour qu'il ne retouchât plus le fusil et n'eût d'autres armes désormais que la prière et l'étude. Toutefois, cette vie si sérieuse et si appliquée alarmait vivement sa tendre mère qui aurait voulu beaucoup de distractions à un tempérament aussi délicat et faible que le sien. Plusieurs fois elle lui sortit les livres de la main et l'envoyait en commission. « Il n'arrivera jamais au bout, s'écriait-elle ; » et lorsqu'arrivait la rentrée au petit séminaire, « pauvre enfant !

soupirait-elle encore, il ne reviendra pas aux vacances. » Nous pensions tous de même, et malgré sa faible santé, nous l'avons vu curé et vieux curé. » (1) Le Seigneur était avec lui.

Le cours de philosophie ne se faisant pas à Meximieux, Etienne Difbouis partit à Belley en compagnie de 2 ou 3 condisciples. En ce temps-

(1) La même.

là, on ne voyageait pas en chemin de fer mais en diligences plus ou moins commodes. Nos jeunes gens venaient d'arriver à Saint-Rambert en Bugey et, durant le relais, regardaient le pays lorsqu'ils furent interpellés par un bicorne : « Vos papiers ! ) Laissez-moi faire, dit Etienne à ses compagnons, puis, descendant de la diligence : « M. le gendarme, nous sommes quatre séminaristes qui allons à Belley faire la philosophie, nous n'avons que les passe-ports de nos supérieurs. Allez, ne craignez rien; vous êtes, vous autres, les soldats du roi eh bien 1 nous, nous sommes de futurs soldats du pape. » Le brave gendarme, voyant cette figure si franche et si candide. « c'est bon. jeune homme, remontez en voiture. » (1) Il fut à Belley ce qu'il avait été à Meximieux ; excellent camarade, élève accompli, honoré de l'estime de ses maîtres et de ses condisciples.

Venait-il à s'élever entre ces derniers quelque différent, on en appelait au bon Dubouis tant était grande la confiance en sa droiture et en son jugement. A son esprit sérieux et réfléchi, la philosophie fut pleine de charmes et lui fit désirer davantage la science maîtresse : la théologie..

(1) M. Dubouis aimait à raconter cette impression de voyage.

Le grand séminaire

C'est là qu'Etienne Dubouis se trouva pleinement à l'aise, dans son centre, au comble de ses souhaits. Possédant déjà les vertus cléricales, il n'eut qu'à les accroître en lui ; car, au rapport de ses condisciples, il était comme leur modèle de douceur, d'humilité, de piété, de charité, mais de cette charité aimable, prévenante, qui gagne aussitôt les cœurs. Dans cette maison de profonde retraite, nous pouvons nous le représenter méditant sa sublime vocation, s'élançant plus ardemment vers le Dieu de l'Eucharistie, engageant résolument la lutte de l'homme intérieur contre l'inférieur et commençant cette vie de mortification et de renoncement à soi-même, qui, malgré ses soins à la cacher, perça néanmoins et fut un des traits les plus frappants de ressemblance avec M. Vianney.

Sa vocation au sacerdoce paraissait trop manifeste aux yeux de tous pour qu'elle souffrît. la moindre difficulté de la part de messieurs les directeurs' du grand séminaire, aussi à chaque ordination reçut-il successivement les -ordres

mineurs et majeurs, et fut-il ordonné prêtre le 22 juillet 1832.

Si la première communion donna à son cœur d'enfant l'avant-goût des joies célestes, ce dut être le ciel lui-même à cette heure fortunée où.

étendu sur le pavé du sanctuaire, il se consacra, se donna tout entier sans retour, sans partage au Seigneur qu'il prenait pour son unique héritage.

Cette consécration, du reste, tout émouvante qu'elle puisse être à l'assistance, reste le secret du jeune prêtre alors comme écrasé sous le pressoir de l'amour divin.

Monsieur Dubouis, vicaire

À peine revêtu du sacerdoce, M. Dubouis fut nommé vicaire à Lagnieu, chef-lieu de canton (Ain). Sa figure ascétique, mais pleine de douceur ; son air modeste, mais affable et aisé lui acquirent promptement la sympathie générale et son confessionnal ne tarda pas à être assiégé. On aimait à entendre sa parole claire, nette, persuasive, sortant d'une poitrine tout embrasée du feu sacré. « Mon cher abbé, lui demanda un jour le digne et vénéré M. Bouveyron, où prenez-

vous les matériaux de vos prônes ? Vous ne prêchez pas comme nous autres, vous me charmez. »

— « Monsieur le curé, répondit le modeste vicaire, je les tire du Nouveau et de l'Ancien Testament. » (i) Les Saintes Ecritures, en effet, étaient sa lecture, ou mieux, son étude favorite.

Où saurait-on puiser plus sûrement qu'à ces sources qui jaillissent du ciel? N'est-ce pas dans la méditation des merveilleuses tendresses du cœur de Jésus et dans les oracles du Saint-Esprit que le prêtre trouve abondamment de quoi remplir son esprit et son cœur de lumière et d'amour ? Hélas ! la paroisse de Lagnieu n'eut que le temps d'apprécier le trésor qui lui avait été seulement prêté, car on ne se souvient aujourd'hui de M. Dubouis qu'en l'appelant: Le petit saint.

Monseigneur Devie, d'illustre mémoire, qui se connaissait en hommes, le nomma, au bout de quelques mois, au double poste de vicaire et d'aumônier à la paroisse et au collège de Nantua, chef-lieu d:arrondissement. M. Dubouis y fit beaucoup de bien, au collège surtout, qui avait grand besoin d'une direction habile. Sa douce fermeté, sa bonté paternelle envers les élèves, ses manières d'exquise politesse envers les maîtres lui gagnèrent tous les cœurs, comme ses

(i) Raconté par M. Dubouis lui-même.

rapports pleins de prudence et de charité lui acquirent l'estime de la population de la ville.

Mais là encore, il ne fit, en quelque sorte, que passer. Il avait rempli, à la satisfaction de ses supérieurs, le but proposé, c'était assez.

Monsieur Dubouis, curé de Fareins.

Déplorable état de la paroisse

La paroisse de Fareins réclamait un pasteur de la trempe de saint François de Sales, tant était triste son état ; aussi passait-elle pour le poste le plus difficile du diocèse. Un court exposé le fera comprendre. Elle eut le malheur de recevoir en 1775 pour curé un M. Bonjour que ses idées de sectaire, tendant même à l'immoralité, avaient obligé Mgr de Montazet, archevêque de Lyon, de sortir d'une cure du Forez avec la promesse d'une conduite plus régulière et plus décente à Fareins. (1) Il n'en fit rien, et se voyant sous la menace de l'interdiction, il confia l'exécution de ses projets pernicieux à son frère cadet, François Bonjour, son vicaire, et se démit de sa cure

(1) Le diocèse de Belley était alors administré par l'archevêque de Lyon.

en sa faveur. Ce dernier ne fut pas plutôt sur la scène qu'il dépassa, par les siens propres, les excès de son aîné. C'étaient des assemblées nocturnes, des tête-à-tête scandaleux, des filles enlevées à leurs parents ; puis, se donnant des airs de prophètes, on annonçait la fin de la religion catholique, un règne de mille ans, un nouveau paradis terrestre. A côté de cela, une morale subversive, niant le droit et l'autorité des évêques, même celui de propriété. Chassés de Fareins par la double autorité civile et religieuse, les malheureux prêtres y rentrèrent en triomphateurs, grâce à la tourmente révolutionnaire de 1793. Et comme dans toute apostasie sacerdotale, on trouve ordinairement une femme au commencement ou à la fin, M. Bonjour, oubliant ses vœux et la gloire de son sacerdoce, devint tristement père. Certes, c'en était assez pour éclairer et vaincre l'obstination de ses prosélytes.

Pas du tout. Loin de trouver cette conduite criminelle et infâme, ils en firent un prodige ; ils regardèrent et saluèrent l'enfant du sacrilège comme un enfant du miracle, un nouveau Messie, un Dieu, l'Esprit-Saint incarné, et ne lui ménagèrent pas les chants les plus élogieux. (i) Le mal ou l'erreur ayant pour auxiliaires

(i) Ce court résumé est tiré de l'admirable opuscule de M. Dubouis lui-même, sous ce titre : A nos Frères séparés de Fareins.

toutes les mauvaises passions, sans parler de la liberté favorisée par la révolution, il arriva que la paroisse de Fareins en fut aux deux gros tiers infectée. Ecoutons ici M. Vianney, curé d'Ars, disant à M. Dubouis : « Mon ami, Mgr Devie voulait me nommer curé à Fareins : j'ai eu peur de la secte. Les païens se convertissent plus vite que les jansénistes. Un jour, quatre de vos pauvres gens sont venus me demander s'ils pouvaient se sauver en n'allant pas à l'église, en disant la messe chez eux, en faisant des prières, des aumônes. Mes amis, que penseriez-vous d'un enfant qui dirait : J'aime bien mon père,, mais ma mère, je ne veux pas la voir. Dieu vous a donné l'Eglise pour mère, il ne sera pas content, si vous ne lui obéissez pas. »

Eh bien ! voilà le poste auquel Mgr Devie appelait, sur le refus du vénérable curé d'Ars, un jeune prêtre de 26 à 27 ans. Avouons qu'un pareil choix de la part d'un évêque si judicieux et si habile administrateur est le plus beau témoignage du mérite de Monsieur Dubouis. C'est donc sur ce nouveau théâtre que nous allons le suivre et admirer ses qualités et ses vertus.

L'homme de prière et d'étude

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, Fareins comptait les deux bons tiers de sa population dans la secte Bonjour, c'est-à-dire 800 sur 1,200 lorsqu'arriva M. Dubouis en 1833. Elle avait ses ministres qui baptisaient, catéchisaient, mariaient, enterraient, etc. Et cependant, d'excellents et dignes prêtres, entr'autres M. Lacroix, qui fut plus tard vicaire-général de Belley, puis archevêque d'Auch, avaient tour à tour apporté leur zèle et leurs efforts à défricher cette terre ingrate.

Quelle tâche ardue pour le jeune et nouveau curé ! Elle demandait à la fois une grande mansuétude, un zèle aussi prudent qu'éclairé qui, sans heurter les sectaires, sût néanmoins leur répondre, soutenir et conserver les catholiques dans leur foi, par sa science, et' gagner l'estime de tous par sa tendre charité. C'est ce que comprit et fit M. Dubouis. Il se mit donc tout d'abord A observer la place, à étudier les esprits, les caractères des uns et des autres, et comme le curé d'Ars, à son arrivée, resta chez lui, parta-

geant son temps entre la prière et l'étude, mettant toute sa confiance en Celui qui tient les cœurs dans sa main. Une telle conduite ne tarda pas à frapper les gens de Fareins et à leur faire dire, comme ceux d'Ars à l'égard de leur pasteur : « Avez-vous vu notre nouveau curé ? il n'est pas un homme comme un autre; il y a en lui quelque chose d'extraordinaire. C'est un saint. » — « Rien qu'à le voir prier, nous racontait dernièrement une paroissienne, on se sentait porté vers Dieu. » Pour nous, qui l'avons soigneusement étudié, qui, en différentes fois.

avons eu le bonheur de vivre avec lui, des mois entiers, nous pouvons attester hautement que sa vie était comme une prière continuelle, s'il est vrai de dire qu'elle n'est autre chose que le recueillement de l'âme et son union à Dieu. Cette habitude de la méditation n'a pas peu contribué, il faut le croire, à la solidité remarquable du jugement chez M. Dubouis.

Il se levait régulièrement à quatre heures et, après ses prières, se mettait à l'étude jusqu'à l'heure de la sainte messe, plus ou moins matinale selon la saison.

« Le temps, a dit un homme d'esprit, est l'étoffe dont la vie est faite. » Hélas ! combien dans le monde, même parmi les chrétiens, arrivent au bout de leur rouleau avec une étoffe gaspillée !

Il n'en était pas ainsi chez le curé de Fareins. Il

ne perdait pas une parcelle de ce temps si précieux, donné pour gagner l'éternité ; il employait tous les loisirs que lui laissaient les exercices de piété et du ministère paroissial à l'étude de l'Ecriture sainte, de la théologie, de la patrologie, de l'histoire ecclésiastique, etc. Il prenait ses récréations dans la lecture des revues savantes et pieuses : l'Année liturgique, les Annales Catholiques, etcyet ne sortait jamais pour aller voir un malade sans un livre à la main. De là, cette érudition que nous admirions en lui. Qu'on n'aille pas' croire, pour cela, qu'il fût d'une humeur sombre, sévère. Il était au contraire l'homme le plus affable, le plus aimable en société, s'oubliant lui-même pour être tout à tous, ne manquant pas d'entrain et de gaîté. Narrateur charmant, il savait alimenter la conversation d'histoires intéressantes ou édifiantes. La prévoyait-il tourner au désavantage du prochain, sa charité amenait adroitement un de ces mille traits dont son heureuse mémoire était fournie, et laissait ainsi à la porte la médisance.

Quelle journée mieux remplie que la sienne, à la gloire de Dieu, au service de ses frères et à sa sanctification personnelle ! A dix heures du soir, il rentrait dans sa chambre à coucher, seule témoin de ses mortifications.

Sa tendre piété et son zèle pour la maison de Dieu.

La piété est utile à tout (1), dit saint Paul, et le pasteur, pour l'inspirer à ses ouailles, doit l'avoir à un degré élevé. On a beau posséder la foi, même une foi éclairée, si la piété n'est là pour la soutenir, l'alimenter en quelque sorte, elle diminue bientôt, se refroidit, puis ne s'en tient qu'aux préceptes. C'est le cas de l'enfant que la crainte, plutôt que l'amour, rattache à son père. Oh ! le pieux M. Dubouis le comprenait si bien, qu'à l'exemple de M. le curé d'Ars, il mit tous ses soins à inspirer cette piété qui fait aimer Dieu d'un amour tout filial, qui ne voit en lui que le père, le bienfaiteur, l'ami, vertu suave et douce qui rend léger et facile son saint joug. N'est-ce pas par là qu'ont réussi les saints à gagner les coeurs ? Or le curé de Fareins excellait en cet art de les manier. Doué d'une grande sensibilité et d'une riche imagination, il savait faire ressortir les mille bontés de la divine Providence, les merveilleuses richesses du Sacré-Cœur de Jésus, les tendresses maternelles du Cœur-Immaculé de Ma-

(1) Saint Paul,lre à Timothée — IV, 8

rie, le patronage puissant de saint Joseph, les bons services de l'Ange-Gardien, toutes dévotions touchantes et moelleuses dont on voyait, à son accent embrasé et ému, qu'il en était pénétré lui-même.

Aussi la paroisse changea-t-elle de face. On revint en grand nombre aux Vêpres et plusieurs à la prière du soir. « Notre bon curé, disait-on, a beau prêcher trois fois par jour (le dimanche) on ne se lasse jamais de l'entendre. » Tout heureux de ce retour aux services divins, il employa toutes ses ressources financières et son industrie à réparer et à embellir l'église, à lui donner les chapelles du Sacré-Cœur, de saint Joseph, de la Passion, une belle chaire en pierre, un maîtreautel magnifique. « Nous ne savons pas vraiment où notre curé trouve tant d'argent, répétaiton, pour faire ces jolies choses. » Comme il était joyeux, lorsqu'il recevait quelque don pour sa chère église 1 « Venez voir, venez voir, disait-il à ses paroissiens, le beau tableau, ou, la belle statue qu'on m'a envoyée. »

Son zèle pour le salut des âmes.

Si le zèle de M. Dubouis était ardent pour en-

richir et décorer la maison du Seigneur, il l'était bien davantage pour les temples vivants-du Saint-

Esprit et ne négligeait rien pour leur attirer les grâces divines. Non-seulement, comme nous l'avons vu, il s'efforçait à leur faire aimer l'église par l'érection et la réparation des chapelles, par la pompe des cérémonies, le chant des cantiques, et par de fréquentes instructions, toutes choses qui portent au recueillement et à la piété, mais pour' mieux les 'saisir et les attacher à la religion , il releva les confréries du TrèsSaint-Sacrement et du Très-Saint-Rosaire, tombées en désuétude, il érigea celles du SacréCœur de Jésus et de Notre-Dame-des-Victoires, pour la conversion des pécheurs. Dès lors, les communions furent plus nombreuses et fréquentes, les offices plus régulièrement suivis; l'église enfin, devint (ce qui doit être) le rendez-vous béni de la famille catholique. Il fallait le voir au milieu des petits enfants, soit au catéchisme,

soit aux écoles. Comme il était heureux! C'était bien l'image expressive du bon Sauveur Jésus, caressant de sa main divine ceux de la Judée. De quelle tendre sollicitude il les entourait, surtout à l'époque de la première communion ! Quel éclat il donnait à la fête afin de mieux faire comprendre à la paroisse entière l'importance et les conséquences de cette action, la plus auguste, la -plus fortunée de la vie ! Il allait à la salle d'asile où elle était réunie comme en un cénacle, la petite troupe innocente qu'il amenait processionnel-

lement à l'église, aux cierges allumés, au son des cloches et au chant du Veni Creator. Les dissidents eux-mêmes étaient émus d'un tel spectacle. Ce jour-là, l'église de Fareins était de beaucoup trop étroite, à cause du concours des paroisses voisines accourues aux vêpres pour entendre les petits prédicateurs ; oui, les petits prédicateurs choisis au nombre de cinq à six parmi les jeunes communiants, qui, après le Magnificat s'avançaient devant la Table de la communion et tournés du côté des fidèles, débitaient les traits les plus touchants sur le bonheur de recevoir Notre-Seigneur-Jésus-Christ. On ne saurait rendre l'effet de cette scène et, en vérité, il fallait la piété ingénieuse du curé de Fareins pour l'imaginer.

Tout le monde s'en allait édifié, content, mais à coup sûr, personne n'était plus satisfait que le bon pasteur, offrant au Pasteur éternel de nouvelles brebis à nourrir.

Fidèle disciple du divin Maître, il ne se donnait ni trêve ni repos pour le salut des âmes, ne connaissait ni la nuit ni le mauvais temps pour leur porter secours. A toute heure, à tout instant il était prêt à aller au confessionnal, même pour les étrangers, et certes, ils ne manquaient pas, surtout aux grandes fêtes, tant était grande la confiance qu'on avait en sa charité et en son expérience.

Particulièrement pour les frères séparés.

Qu'on n'aille pas croire que ce zèle de M. Dubouis ne s'exerçât qu'envers les catholiques, ce serait peu connaître son cœur d'Apôtre. Il avait trop gravées à l'esprit et au fond de l'âme les paroles de Notre-Seigneur-Jésus-Christ : « Ce ne sont pas les justes, mais les pécheurs que je suis venu appeler. (1) » pour ne pas donnnerson dévouement à ceux que sa charité appelait nos frères séparés. Si son zèle pour leur salut ne se manifestait extérieurement que par des manières affables et polies en toute rencontre, par des visites et des aumônes à leurs malades et à leurs pauvres, n'était-il pas par là même le plus éclairé, le plus prudent, le plus sur pour les gagner plus tard? Et ces jeûnes, ces mortifications secrètes et de toute sorte, cette vie austère et retirée de sacrifices et de prières, pourquoi cela ?

sinon pour attirer la miséricorde divine sur les pauvres égarés et leur mériter la lumière et la chaleur de l'Esprit-Saint. Et n'est-ce pas également pour eux qu'il appela plusieurs fois, et à

(1) Saint Mathieu, IX, 13.

ses frais, des pères Dominicains afin de donner à la paroisse un grand mouvement qui leur serait salutaire. En effet, emportés par l'enthousiasme général, quelques-uns rentrèrent dans le giron de l'Eglise, pendant que plusieurs autres se glissaient furtivement à la tribune pour jouir de l'éclat des cérémonies au salut du soir. Il y eut en 1874, notamment lors de la mission prêchée par les saints Pères, un ébranlement tel qu'on crut au retour des dissidents en masse quand Satan vint agiter au milieu d'eux ce fantôme aussi terrible que ridicule, le respect humain. Jamais meilleure occasion pourtant de revenir ne s'était encore offerte. C'était le petit-fils du malheureux Bonjour qui, converti, écrivait alors de Paris à M. le curé la lettre la plus émouvante dans laquelle il le félicitait d'avoir des religieux missionnaires et formait les vœux les plus ardents pour la conversion de ses anciens corréligionnaires (1). Oh ! le respect humain ! n'est-ce pas lui qui retient la plupart des chrétiens à remplir les devoirs sacrés de la confession et de la communion, surtout à Pâques ? Si cependant on se donnait la peine de réfléchir, que trouverait-on en lui? Pas autre chose qu'une faiblesse d'esprit, une lâcheté de coeur, une lâcheté de cœur, parce que, après tout, sacrifier au respect humain, c'est être esclave de

(1) Voir à la fin du volume cette belle lettre du fils Bonjour et la réponse de M. le curé Duhouis.

préjugés absurdes, c'est préférer la doctrine du monde à celle de Dieu, c'est apostasier publiquement sa foi ; c'est donc être sans vertu, sans principes, sans honneur. Aussi, disait en gémissant M. Dubouis : « Il y a à Fareins un démon particulier, le démon du respect humain. »

On lit dans la vie de saint Grégoire-Thaumaturge que sur le point de mourir, il demanda combien il restait d'infidèles dans la ville de Néocésarée. — 17, lui fut-il répondu. — « Dieu soit béni, reprit-il ! c'est autant que j'y ai trouvé de chrétiens quand j'ai pris l'administration de ce diocèse. » (2) Assurément, le pieux et zélé curé de Fareins n'a pas eu ce bonheur à sa mort, toutefois, il a eu la consolation de laisser le nombre des catholiques de beaucoup plus considérable que celui des dissidents, car, de 400 qu'ils étaient sur une population -de 1,200, à son entrée en cure, ils sont aujourd'hui plus de 800. Ce succès n'est-il pas l'effet de la bénédiction céleste sur l'apostolat de M. Dubouis ? Il y a donc à espérer que de là-haut il attirera mieux encore au bercail le reste des brebis égarées d'autant plus qu'il a emporté d'elles une estime vraiment affectueuse et le plus vif regret comme on le verra à ses funérailles.

Mais Fareins était encore trop circonscrit pour

(2) Bréviaire romain.

ce grand cœur sacerdotal. Il avait besoin de porter ailleurs le feu sacré qui le dévorait. Nonseulement il était le directeur du clergé des environs et le confesseur extraordinaire de quelques communautés religieuses, il se mettait en outre au service de qui le demandait pour des retraites, des missions et des jubilés, toujours prêt à monter en chaire ou au confessionnal. Il ne laissait pas pour cela sa paroisse en souffrance, car, à moins d'une fort longue distance, il y rentrait chaque soir, après 7, 8, 9 et même 10 kilomètres de marche, heureux d'avoir travaillé pour Dieu et ses frères.

Sachant le rôle important que joue la presse à notre époque et son influence même dans les campagnes, l'infatigable curé ne se contentait pas de mettre ses paroissiens en garde contre les productions malsaines en journaux et brochures, il combattit l'ennemi sur place, répandant autour de lui. partout où il était besoin, le contre-poison. Il pensait avec raison que l'aumône faite à l'intelligence et au cœur est parfois préférable à l'aumône matérielle. C'est dans ce but qu'il composa l'excellent opuscule : Je crois à l'Eglise, et l'autre fort spirituel : Vie et mort ou photographie des péchés capitaux et des vertus qui leur sont opposées, « Frères, nous disait-il souvent, le cœur serré, que nous sommes en retard, nous autres catholiques-romains, en fait de propa-

gande oui, nous sommes en retard de trente ans dans cette lutte du bien contre le mal, et encore aujourd'hui, sommes-nous aussi ardents, aussi dévoués que les artisans du mensonge ? »

Quelques traits de sa charité, quelquefois héroïque

Une femme ayant perdu ses deux enfants en l'espace de huit jours, s'en alla, comme folle de désespoir, consulter un prétendu sorcier sur la cause de feur mort. Le misérable ! il ne trouva rien de mieux que de l'attribuer au vénéré curé de Fareins. La pauvre mère, ajoutant foi à ce mensonge odieux, voua dès lors une haine implacable à M. Dubouis. Elle ne cessait de l'injurier à chaque rencontre et l'aurait un jour frappé du bâton sans l'intervention d'un paroissien.

D'autres fois, elle lui jetait des pierres. — « M.

le curé, lui dit-on, il faut la faire arrêter. » — « La pauvre mère 1 répondait-il, elle est bien déjà assez malheureuse, il faut plutôt la plaindre et prier pour elle. » C'est ce qu'il faisait sans doute, car il mérita, par sa patience, la joie de la voir revenir à la raison, puis dans son confes-

sionnal, où il versa dans son âme affligée le baume de la consolation et de la paix.

C'était en 1840, alors que la Saône, quittant son lit et se répandant au loin, emportait tout sur son passage. Elle avait envahi le village entier de Beauregard, ses rues et ses maisons.

L'une de ces dernières attirait surtout les regards de la foule épouvantée. Elle renfermait un vieillard que personne n'osait aller délivrer.

Encore un instant et le bâtiment, déjà chancelant sur sa base, menaçait de s'effondrer. Tout a coup paraît le curé de Fareins : il voit le danger, s'élance dans la maison, prend le vieillard dans ses bras et l'emporte. A peine avait-il franchi le seuil qu'on entendit l'écroulement. Il ne borna pas là son dévouement : Il provoqua une souscription en faveur des victimes de l'inondation, en recueillit plusieurs, leur donnant son dernier sou selon l'expression populaire. Disons à la louange de M. Courtois, l'adjoint au maire de Fareins, qu'il seconda de son mieux M. le curé dans cette œuvre de charité. Le bon Dieu lui avait ménagé cet excellent chrétien, comme autrefois il avait donné le père Dubouis au curé de Belmont. Aussi M. le curé de Fareins l'appelait-il son meilleur ami.

Revenant, une soirée, de la visite d'un malade, il vit étendu dans un fossé un malheureux

qui y était tombé. Sans s'inquiéter de ce qu'il était, il le tire avec des efforts inouïs, puis le traîne comme il peut jusqu'au village, et le remettant à l'aubergiste : — « Ayez bien soin de cet homme, lui dit-il, je payerai tout. »

Une autre fois, rencontrant un pauvre sans chaussure, il lui donna ses souliers et rentra tout joyeux au presbytère, persuadé de n'avoir eu pour témoin que le Père céleste. Mais le Père céleste permit qu'il fût aperçu par une personne qui n'eut rien de plus pressé que de raconter cette belle action.

Une mère de famille, tourmentée sans cesse par sa petite fille, pour avoir une nouvelle robe.

— « Que veux-tu, ma pauvre enfant? Tu sais bien que je n'ai point d'argent », — et, croyant se débarrasser de ses sollicitations, « va en demander une à Monsieur le curé », lui dit-elle.

L'enfant tout joyeux court au presbytère. —

« Monsieur le curé, ma mère m'envoie vous prier de m'acheter une robe pour. l'hiver. » — « Combien coûte une robe, ma petite? » — « Je ne sais pas, Monsieur le curé. » — « Tiens, voilà, et dis à ta mère de t'acheter une robe bien chaude. »

Nous avons choisi ce trait parmi beaucoup d'autres. Il suffira sans doute pour montrer que

la bourse du bon curé s'ouvrait à chaque besoin de ses ouailles.

M. Merline, un des notables de Fareins, portait à M. Dubouis la plus grande estime. Désirant le lui témoigner par quelque présent, il lui envoya un tonneau du meilleur vin de sa cave.

— « Ça fortifiera l'estomac de ce cher curé, disait-il. il en a si besoin. » Mais voilà qu'au moment où on déchargeait la pièce, arrive une pauvre veuve qui, outre deux enfants, avait encore à sa charge une sœur infirme. Elle demande à M. le curé un peu de vin pour la malade. Le bon Pasteur, qui ne savait rien refuser.

— « Vous venez bien à propos, mère », lui dit-il, et il fait emmener immédiatement chez elle la pièce entière. — Eh bien ! Monsieur le curé, lui demanda M. Merline à la première rencontre, comment avez-vous trouvé le vin 1 » Qu'on juge de l'embarras de M. Dubouis à répondre ; il ne l'avait pas même goûté.

Durant l'hiver de 1870, on s'en souvient encore à Fareins, la petite vérole fit beaucoup de victimes. La panique avait gagné la commune.

En bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, le charitable curé se multiplia en quelque sorte.

Il était partout, encourageant de l'exemple comme de la parole, visitant, soignant, consolant

indistinctement catholiques et dissidents. Il fit davantage : ayant appris qu'il y avait dans la paroisse voisine une famille atteinte du choléra, il y court vaillamment, puis, après avoir admi nistré les pauvres malades, il répond à 8eux qui le suppliaient de ne pas s'exposer ainsi au danger. « Que diriez-vous d'un soldat qui fuirait le champ de bataille ? » (i)

Portrait de monsieur Dubouis

Nous l'avons dit, en commençant sa biographie, M. Dubouis, une fois à Fareins, s'appliqua à copier le modèle qu'il s'était choisi dans M.

Vianney ; de là cette ressemblance frappante entre lui et le Vénérable, qu'on remarque mieux encore après la mort de ce dernier, ce qui faisait dire dans la contrée du curé de Fareins : c'est un second curé d'Ars. Nous avons admiré son amour de la prière et de l'étude, son zèle pour le culte extérieur, surtout pour le salut des âmes, son inépuisable charité envers tout le monde, sa patience à toute épreuve, autant de vertus qui brillèrent à un degré éminent chez M. Vianney.

Il le faisait revivre également dans son humi-

(i) Ces traits, connus d'ailleurs de tout Fareins, nous ont été.

rapportés par les personnes les plus recommandables.

lité profonde, dans sa pureté, sa vie de sacrifices et sa foi inébranlable et pleine d'amour à la sainte Eglise catholique-romaine. Oh qu'il était beau, grand et ravissant à entendre ce prêtre selon le cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il parlai(du Pape ! Comme il tenait bien à la chaire de Pierre par toutes ses entrailles ! Dans sa foi vive et son bon sens, il ne comprenait pas la raison d'un catholicisme libéral. « Que signifie cela, s'écriait-il, sinon un vieux reste de gallicanisme, la révolte de la raison humaine contre la raison divine, en définitive, l'esprit de parti, qui est l'orgueil? Non, je ne comprends pas qu'on se dise l'enfant de l'Eglise et qu'on n'obéisse pas au Pape, son premier docteur et son chef! » Aussi, dans les discussions qu'il eut à soutenir avec les adversaires de - l'infaillibilité pontificale, était-il ferme, solide comme le roc sur les principes d'une logique inexorable en même temps que d'une charité et d'une patience admirables envers les personnes. Il voulait la vérité intégrale, sans concession ; sa foi, en un mot, était tout d'une pièce. Est-ce que l'immortel Pie IX n'a pas flétri le catholicisme libéral en l'appelant une plaie pire que la Commune ?

Outre la ressemblance de vertus et de qualités entre les curés d'Ars et de Fareins, il en existait une autre fort sensible pour le physique. Tous deux étaient de taille moyenne, d'une excessive

maigreur, d'une nature très nerveuse dont ils durent constamment combattre les tendances à une grande vivacité. Comme son modèle, le curé de Fareins avait le regard pénétrant et doux ; ses yeux rendaient la limpidité de son âme; le visage bien qu'empreint du cachet de la mortification, avait ce je ne sais quoi de bon et d'affable qui attire les cœurs. Comme M. Vianney, encore, il avait l'à-propos, les saillies et la finesse de l'esprit. En voici des exemples : Une femme pauvre lui demandant de l'argent pour acheter des bottines à sa petite fille, « des bottines ? fit-il, je n'en ai jamais porté, mais tenez, ma bonne, voilà pour des souliers, ils la chausseront plus chaudement. »

Un jour qu'il revenait de visiter les malades, une femme de la secte l'abordant : M. le curé, j'ai quelque chose à vous dire : « Vous croyez, dans votre religion, que c'est le Fils de Dieu qui s'est incarné, eh bien ! nous croyons nous autres que c'est le Saint-Esprit. » — « Ah ! répond M. Dubouis, je connais la mère du Fils, pourriez-vous me dire quelle est la mère du Saint-Esprit ? » La sectaire tout attrapée, se retira:en grommelant.

Un jour, à 11 heures du matin, une bonne paroissienne le voyant plus exténué qu'à l'ordinaire lui dit : « Je suis sûre, M. le curé, que vous

êtes encore à jeun, vous faites vraiment trop de pénitences, offrez-en, s'il vous plaît, un peu pour moi. » - « Hélas ! mon enfant, lui répondit-il; en ce remède chacun fait pour soi. »

En visitant un homme de la secte, car sa charité allait à tous sans distinction, il le trouva lisant l'Evangile. « Le beau livre que voilà, monsieur le curé 1 » — < Oui? quel livre est-ce donc? »

— « Mais c'est l'Evangile. » — « Vous vous trompez,mon ami, c'est un mauvais livre pour vous.» - « Comment donc? » — « C'est qu'il renferme votre condamnation. Notre-Seigneur Jésus-Christ n'y dit-il pas à ses apôtres : Celui qui vous écoute, m'écoute, celui qui vous méprise, me méprise ? »

Il n'est donc pas étonnant que ces deux grands serviteurs de Dieu, avec tant de rapprochements se soient mutuellement voué une affectueuse vénération. On rapporte que lors de la grande maladie de M. le curé'd'Ars, la paroisse désolée fit dire une messe à l'autel de sainte Philomène par M. le curé de Fareins. A ce moment même, le malade que la fièvre n'avait pas quitté, s'endormit pour la première fois d'un sommeil paisible au bout duquel il se réveilla guéri (1). De son côté, M. Dubouis a certifié à des personnes de notre connaissance, que lui-même, après la con-

(1) Vie du vénérable M. Vianney.

sécration, avait eu. un sentiment indéfinissable de conviction que le ciel accordait cette guérison tant souhaitée. Toutefois, l'opinion générale est que sainte Philomène a apparu à son cher dévot.

Y aurait-il témérité à croire qu'elle a reçu avec plaisir la supplique de l'ami de son ami et qu'elle l'a chaudement appuyée auprès de Dieu? Nous ne le pensons pas.

Maladie, mort et funérailles de monsieur Dubouis.

Malgré ses 76 ans et sa vie laborieuse, M. Dubouis conservait de la vigueur et rien ne faisait prévoir qu'il fût sitôt enlevé à sa paroisse qu'il aimait tant et dont il était tant aimé, car son attachement, autant que son humilité lui avait fait refuser l'honneur de succéder au vénérable curé d'Ars. On croit que c'est dans une de ses visites qu'il faisait quatre fois par an, comme confesseur extraordinaire, aux communautés religieuses, qu'il prit le germe de sa maladie en la rigoureuse saison de l'hiver, en fin décembre, d'autant plus qu'il allait et revenait à pied le même jour. En tout cas, il a bien été le soldat frappé sur le champ de bataille. Le plus attristant fut le progrès rapide du mal qni l'a emporté en huit jours

avec les circonstances les plus douloureuses. Le bon curé eut-il un pressentiment de sa fin prochaine ? On serait porté à le croire par les dernières paroles qu'il adressa à ses ouailles le 1er de l'an.

« Mes frères, leur dit-il en recueillant le reste de ses forces, elle a passé bien vite, cette année., semblable à un éclair, à une ombre, emportant dans l'éternité nos bonnes et mauvaises actions.

Oh ! le temps ! l'éternité ! qu'on y pense peu dans le monde ! Cependant le premier ne nous est donné que pour gagner la seconde et nous la rendre heureuse. C'est au cimetière, c'est auprès d'un cadavre qu'on fait les plus salutaires réflexions. Oh ! mes frères, n'oubliez pas vos morts. »

Deux jours après, il se mettait au lit pour ne plus se relever. Le quatrième jour, il perdit la parole, aussitôt qu'il eut reçu les derniers sacrements, puis, le 6e il perdait la vue, la paralysie s'étant emparé de presque tout son corps.

Qui pourrait dire la désolation que répandit cette déchirante nouvelle? Vous eussiez vu la paroisse entière frappée comme d'un coup de foudre. Dès lors, le presbytère fut assiégé tous, sans distinction, dissidents et catholiques, voulaient voir le cher et vénéré malade, contempler pour la dernière fois cette figure paternelle, hier encore si souriante ; puis chacun s'en retournait navré de douleur, plusieurs éclatant en sanglots.

a Durant les 49 ans qu'il a passés avec nous, disaient-ils, sa vertu ne s'est pas démentie un instant. Il a bien été le bon pasteur, donnant sa vie pour ses brebis. Quelle bonté de père ! Quelle tendresse pour nos enfants ! quelle sagesse dans ses conseils ! quelle charité, quel dévouement pour tous ! Oh 1 que notre perte est grande ! » Le dimanche, huit janvier, les chantres, pas plus que les prêtres, n'eurent le courage de chanter la messe et lorsque nous recommandâmes à l'assemblée des fidèles leur curé moribond, il fallut toute la majesté du lieu saint pour retenir les sanglots, mais les larmes inondaient bien des visages. Ce fut à quatre heures et demie du soir de ce même jour que M. Dubouis alla recevoir du divin Maître la récompense promise au bon et fi-dèle serviteur.

Le jour des funérailles, on aurait dit que chaque famille de Fareins avait perdu quelqu'un des siens, tant la consternation était générale.

Aussi, tout le monde s'est-il fait un devoir d'accompagner les restes de ce père bien aimé à l'église et au cimetière. « Ceci n'est pas un enterrement, mais un triomphe » a dit un étranger. Il avait raison. C'était, en effet, le triomphe du soldat de Jésus-Christ qui, après de longs combats, allait recevoir la couronne du vainqueur. Assurément, monsieur le curé du canton a retracé avec le plus vif intérêt les qualités et les vertus

du vénéré défunt, et M. le maire de Fareins, par ses paroles pleines de cœur a été vraiment l'interprète des sentiments de la commune, mais l'immense concours du voisinage, et par-dessus tout, les larmes d'une population sont toujours le plus éloquent panégyrique.

Le vénérable curé d'Ars a laissé, à sa mort, de nombreux sermons recueillis en quatre volumes, qui continuent dans le monde son apostolat, comme il parle encore, de sa tombe, par les faits merveilleux qui s'y opèrent.

Le digne curé de Fareins a voulu aussi, outre les opuscules que nous avons cités, laisser à ses chers paroissiens un testament spirituel ; le souhait du bonheur suprême en un volume riche des plus sages conseils. A la lecture de ce remarquable ouvrage, de ces pages émues, on sent battre le cœur du prêtre dévoué à l'Eglise et à la France, comme on voit son âme attristée des maux que leur cause l'impiété révolutionnaire.

La paroisse de Fareins, nous aimons à le croire et à l'espérer, restera fidèle aux enseigneirfents de celui qu'elle pleure encore. Elle ne saurait mieux honorer sa mémoire et mériter sa protection auprès de Dieu. Si M. Dubouis n'a pas l'auréole de M.. Vianney, il a néanmoins reçu de ce dernier le témoignage le plus enviable.

Un jour qu'il recevait un honoraire de messe

d'une pèlerine, apercevant à quelques pas de lui M. Dubouis, « mon enfant, dit-il, portez-le à ce bon curé, il dira mieux la messe que moi, c'est un saint. » (i) Après un pareil éloge, nous n'avons plus rien à dire.

J. M. D.

Fareins. le 30 mars 68.

Note.

Les trois lettres écrites à l'occasion de la petite mission prêchée à Fareins par les R. P. Dominicains en 1874: Fareins, 30 mars 1874.

MONSIEUR, Vous serez sans doute surpris de recevoir la lettre que nous vous adressons. Nous ne vous l'aurions point écrite, si nous n'avions cru, en le faisant, remplir un devoir de conscience. Vous êtes honnête homme, et vous aimez certainement la vérité. Permettez-nous donc de vous la dire avec franchise.

Il nous semble qu'il est de votre devoir de ne pas rester étranger au mouvement religieux qui se produit en ce moment-ci dans la paroisse de Fareins. Vous professez les mêmes croyances que nous ; mais vous vous privez de la partiçi-

(i) Entendu par des personnes dignes de foi.

pation à nos sacrements, sans lesquels il n'y a point de vie chrétienne. Considérez qu'il y va du salut de votre âme et de celui de tous les membres de votre famille. Nous sommes persuadés que votre bonne foi a été trompée : vous en aurez la preuve en lisant la lettre que vient d'adresser à M. le curé de Fareins un des descendants directs de M. Bonjour. Vous verrez par cette lettre que la famille qui a eu la plus grande influence parmi vous, a tout entière abandonné les traditions de son aïeul. Les uns sont revenus à l'Eglise et sont maintenant d'excellents catholiques. D'autres, par une pente fatale, sont tombés dans un protestantisme mitigé qui ne vaut guère mieux qu'une indifférence absolue. Soyez persuadé que dans quelques années il en sera de même ici. Les uns reviendront à la pratique de la vraie religion ; les autres s'en éloigneront tout ■V fait. Vous avez une bonne occasion, dans ce moment-ci, d'étudier ces questions, et pour notre part nous serions heureux d'en conférer avec vous.

Voilà, Monsieur, ce que nous désirions vous dire. Nous n'avons point voulu faire du bruit et parler de ces choses publiquement: nous vous les écrivons en secret. Nous espérons que vous comprendrez la délicatesse du procédé dont nous usons envers vous, et que vous ne verrez dans nos démarches qu'un témoignage du vif intérêt que nous portons à vos âmes.

Lettre de M. Jules Bonjour à M. le curé de Fareins.

Ribemont, le 25 mars 1874.

MONSIEUR LE CURÉ, Je viens d'apprendre par un billet du R. P.

Nespoulous (i) que vous possédez en ce moment à Fareins deux RR. PP. Dominicains.

Je désire bien ardemment et de toute ma foi catholique, que leurs efforts soient couronnés de succès, et qu'ils fassent pénétrer les rayons de la véritable lumière dans le cœur de ceux de vos paroissiens qui sont restés fidèles aux théories professées autrefois par mon aïeul.

A Paris, à Nantes, à Château-du-Loir, où jadis existait un petit noyau d'adeptes de cette religion (très improprement appelés jansénistes) il n'y a plus rien aujourd'hui.

La mort de mon père, survenue en septembre 1866, a porté le dernier coup à cette hérésie, et je crois qu'il faut aller dans votre paroisse pour rencontrer encore des tenants de cette prétendue religion.

Si ma déclaration peut être utile à quelqu'un de vos paroissiens, je vous autorise de grand

(i) Le R. P. Nespoulous a prêché dernièrement une mission à Ribemont, où il a connu intimement M. Jules Bonjour, qui est sans contredit l'un des meilleurs catholiques du pays.

cœur, Monsieur le curé, à faire connaître à ceux qui pourraient en avoir besoin, que je me suis séparé depuis vingt ans de ces doctrinaires, pour m'attacher d'une manière indissoluble, j'espère, à la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine.

Selon le monde, j'ai de bonnes relations avec ceux de mes frères et sœurs qui restent attachés à ce qu'ils appellent le jansénisme, mais qui n'est en réalité que le protestantisme. Du reste, leur religion est assez commode et ne leur impose aucune privation, ni jeûne, ni confession, ni quoi que ce soit. Nous ne causons jamais ensemble ni de religion, ni de politique ; et j'attends que le bon Dieu, dans sa miséricordieuse bonté, daigne ouvrir leurs yeux à la lumière et leurs cœurs à la vérité, Tel est le but de nos prières les plus ferventes, et j'ose espérer, Monsieur le curé, que vous voudrez bien vous unir à nous, dans cette charitable intention. 1 Je vous présente, M. le curé, mes très humbles et dévouées salutations. JULES BONJOUR.

Réponsç de M. le curé de Fareins à M. Bonjour.

Fareins, le 27 mars 1874.

MONSIEUR, Depuis bientôt quarante ans que je suis le pasteur du petit troupeau de Fareins, je n'ai pas

éprouvé de joie sacerdotale plus vive que celle que j'ai ressentie en lisant votre lettre.

Merci, Monsieur, mille fois merci ! Dieu seul

pourra vous récompenser pour le bien que vous avez fait en écrivant cette lettre. Votre parole si belle, si noble, si franchement catholique, portera, je n'en doute pas, la lumière dans bien des âmes. On ne s'autorisera plus de votre nom pour vivre et mourir dans une des sectes les plus étonnantes des temps modernes. On reviendra à la vérité ; avec la vérité et l'obéissance aux lois de Dieu et de l'Eglise, on se replacera avec bonheur sur le chemin qui seul conduit au Ciel.

Nos bons PP. sont bien écoutés et bien aimés.

Votre lettre leur donne comme à moi beaucoup de joie, et ils me prient de joindre leurs remerciments aux miens.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, avec un profond respect, votre tout dévoué serviteur.

ET. DUBOUIS, Curé de Fareins.

LE SEMEUR SOIT AVEC VOUS!

ou

TESTAMENT SPIRITUEL D'un Curé à ses Paroissiens

Le Seigneur soit avec vous !

ou

TESTAMENT SPIRITUEL D'un Curé à ses Paroissiens Par M. DUBOUIS, Curé de Fareins L'Ami du Vénérable Curé d'Ars

DEUXIÈME ÉDITION

--CHEZ LE DIRECTEUR DE L'IMPRIMERIE NOTREDAME PIERRE (par Toul)

PARIS

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE LIBRAIRIE CATHOLIQUE VICTOR PALMÉ 76, rue des Saints-Pèr&s, 76

LIBRAIRIE CATHOLIQUE DE

L'ŒUVRE SAINT-PAUL 6, rue Cassette, 6

Tous droits réservés

A SA GRANDEUR Mort L'ÉVÊOUE DE BELLEY

Murs, 12 juillet 1882.

MONSEIGNEUR,

Parmi le s dernières volontés que mon cher et digne oncle, curé île Fareins, m'a laissé à exécuter, se trouvait celle de publier un manuscrit sous le titre : Le Seigneur sott avec vous ! Ce souhait du bonheur suprême, il était si heureux de le donner à ses paroissiens durant les 48 ans passés au milieu d'eux, qu'il le leur a laissé par écrit, enseignant à chacun les moyens d'avoir ici-bas l'avant-goût de ce bonheur qui ne sera plein et parfait que là-haut.

Fidèle exécuteur de ce testament spirituel, je viens le déposer aux pieds de Votre Grandeur, la priant de le bénir, assuré que la bénédiction du premier pasteur du diocèse sera la meilleure recomman-

dation de l'ouvrage auprès des familles chrétiennes, comme la meilleure garantie des fruits que produira sa lecture dans les âmes.

C'est dans cette douce confiance, Monseigneur, que je prie Votre Grandeur d'agréer, avec l'hommage du Testament spirituel de mon oncle, celui de mon profond et filial respect en Notre-Seigneur.

PIERRE-MARIE BUISSON, curé.

APPROBATION

Ce petit opuscule, dernier fruit de l'expérience et du zèle du vénéré M. Dubouis, sera regardé par les fidèles de Fareins comme le testament spirituel d'un Curé qui a emporté dans la tombe leur bon souvenir, leur affection filiale.

Nous en recommandons-aussi la lecture aux âmes désireuses de retrouver un de ces livres où, sans même songer aux agréments de la forme, on est saisi par la force de la vérité et entraîné à suivre ses leçons.

Brou, 5 juillet 1882.

F. DE BOISSIEU, Vicaire général.

AVANT-PROPOS

Six semaines avant sa mort, que nous étions loin de soupçonner, tant il y avait de vie active chez lui, M. Dubouis, curé de Fareins, nous confiait son manuscrit pour le revoir avant de le donner à l'imprimeur. Nous étions à la veille de lui en dire notre pensée, lorsqu'on vint nous appeler auprès de son lit de douleurs, qui fut, au bout de trois jours, sa couche funèbre, sans pouvoir recueillir ses dernières instructions. Toutefois, sachant son intention bien arrêtée de laisser à ses chers paroissiens, comme un gage de sa sollicitude paternelle, cet ouvrage que nous appelons pour cela Testament spirituel, nous croirions manquer à l'amitié dont il nous a honoré durant cinquante ans si nous ne nous faisions un

devoir de nous joindre à son héritier pour exécuter les volontés de ce saint prêtre. Et ce qui nous donne confiance en cette entreprise, c'est le conseil et l'encouragement que nous recevons de personnes les plus recommandables du clergé par leur savoir et par leur expérience consommée. « Ce n'est pas seulement la paroisse de Fareins qui profitera de ces graves enseignements, nous ont-elles dit, mais encore tous les lecteurs de ce livre aussi intéressant qu'utile. »

En effet, chaque âge de la vie, chaque état de la société, depuis l'enfant jusqu'au vieillard, depuis le prince jusqu'au berger, y trouvera une règle de conduite, et comme le titre : Le Seigneur soit avec vous! révèle bien toute l'âme du bon pasteur, ses désirs ardents du salut de ses ouailles ! N'est-ce pas là le souhait du bonheur suprême, le meilleur qu'il puisse faire à l'exemple de l'Eglise qui le lui fait donner à chaque prière, à tous ses enfants?

Comme aussi ce souhait arrive à propos en nos temps si tourmentés où les ennemis de Notre-Seigneur Jésus-Christ (qui sont par là même les nôtres) s'efforcent de le chasser de partout, de l'armée, de la magistrature, des

hôpitaux, des salles d'asile, du cimetière, des places publiques, de l'école par la loi athée, du foyer domestique par celle du divorce !

Dévoré d'un double amour pour Dieu et la patrie (l'un ne va pas sans l'autre), le digne et vaillant curé de Fareins sentait vivement toutes les blessures faites à l'Eglise et à la France, qui toujours ont eu leurs destinées unies et solidaires dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.

Que de fois, dans nos entretiens intimes, nous l'avons entendu gémir sur les malheurs du présent, sur les humiliations et les abaissements de notre chère France autrefois si grande, si belle, si glorieuse, elle, la reine du monde, aujourd'hui la captive de la Révolution ! « Ah ! s'écriait-il de tout son cœur français, elle recouvrerait bien vite sa vieille gloire en reprenant ses vieilles traditions de justice, d'honneur, de fille aînée de l'Eglise. Eh bien 1 frère, espérons, prions beaucoup le SacréCœur qui peut seul la sauver, car après tout, c'est encore elle qui peut le mieux faire régner le Christ dans le monde. »

Quiconque a connu M. Dubouis, le retrouvera tout entier dans son livre, tel qu'il était

en chaire, théologien sûr et clair dans la doctrine, moraliste aussi inexorable envers le vice que plein d'affectueuse compassion pour le pécheur ; tel qu'il était en conversation, aimable et charmant narrateur dans les traits nombreux dont il a su émailler et faire aimer sa morale.

Peut-être, dira-t-on, la forme littéraire laisse parfois à désirer. - Mais, répondrons-nous d'abord, la mort n'a pas donné à l'auteur le temps de revoir et de retoucher son manuscrit.

Puis, le Curé de Fareins, comme le vénérable Curé d'Ars, s'attachait plutôt au fond, à la pensée, au trait qui devait saisir les âmes. Il y avait dans ces deux grands cœurs d'apôtres une ressemblance si frappante de caractère que, pour cette raison, nous nous sommes gardé de changer la forme du style dont l'originalité ne manque pas de sel et fera mieux ressortir cette ressemblance honorable.

Voulez-vous, chers lecteurs, connaître davantage cette douce et grande figure qu'on peut appeler l'émule du doux et grand J.-M.-B.

Vianney? Détachons une page écrite par des hommes qui, comme nous, ont vécu longtemps près d'elle, qui ont pu l'étudier à loisir et l'ap-

précier: que de fois n'avons-nous pas entendu dire du bon Curé de Fareins : « C'est un second Curé d'Ars!» En effet, ces deux prêtres admirables avaient de nombreux traits de ressemblance; tous deux avaient ce même air austère qu'éclairait un sourire dès que le nom de Dieu était prononcé devant eux. Une maigreur excessive leur donnait cette apparence fragile, cette expression de souffrance qui dévoilait les efforts de leurs âmes ardentes pour rester dans leurs enveloppes mortelles.

Tous deux avaient aussi cette parole profonde, pénétrante, qui frappait le cœur plus encore que l'oreille; cette charité qui se privait pour vêtir les pauvres et jeûnait pour les nourrir; cet amour pour Dieu, qui les transformait en séraphins; ce zèle pour les âmes, qui en faisait de véritables apôtres; aussi, une même auréole, un même reflet les entouraient tous les deux, et Dieu les avait marqués du sceau qu'il met au front de ses élus pour les montrer au monde.

Nous pourrions citer beaucoup de traits charmants qui confirmeraient la ressemblance entre ces deux serviteurs comme la vénération qu'ils s'étaient réciproquement

vouée. Nous résumerons tous ces souvenirs en deux exemples : Lors de la grande maladie du Curé d'Ars, la paroisse désolée fit célébrer une messe à l'autel de sainte Philomène, et le prêtre qui offrait à Dieu les supplications de son peuple était le curé de Fareins. Nouveau Moïse, il sut, par sa ferveur, éloigner la douleur qui menaçait Ars et les pèlerins. La « chère petite sainte (1) » écouta cette voix angélique et ne put résister à ses accents. Comme nous, peutêtre, elle fut frappée de la ressemblance de ce prêtre avec son serviteur et elle obtint de Dieu le miracle demandé.

Un jour, une pèlerine remettait un honoraire de messe au curé d'Ars ; celui-ci, levant les yeux, aperçut le Curé de Fareins ; le désignant alors du geste à la personne : « Allez, mon enfant, portez cette messe à ce prêtre qui est un saint», lui dit-il, avec cet accent qui gravait ses paroles dans la mémoire de ceux qui l'écoutaient. « Qui est un saint! » Ces mots résument tous les éloges

(1) C'est ainsi que. le curé d'Ars appelait sainte Philomène.

que le serviteur de Dieu aimait à donner à ce confrère selon son cœur.

M. le curé de Fareins, dit un autre, était prêtre du fond de l'âme ; il en avait toutes les vertus caractéristiques : la douceur, la bonté, le désintéressement, l'amour de l'étude, le zèle, la charité. Un mot, au besoin, suffirait pour faire son éloge : Il eut l'insigne honneur d'être l'ami du saint Curé d'Ars.

Affable pour tout le monde, il saluait, le premier, quiconque se trouvait sur son passage, car la foi lui faisait voir en tous, les membres de Jésus-Christ. Sobre et mortifié à l'excès, il trouvait le moyen d'économiser sur ses modiques ressources et envoyait toutes ses épargnes aux aumônes. Je ne sache pas qu'il eût laissé à sa famille d'autre héritage que l'honneur d'avoir donné un saint à l'Eglise. Comme celui du curé d'Ars, son mobilier n'était bon qu'à faire des reliques.

M. Dubouis avait pourtant des livres, car il tenait l'étude pour un devoir ; aussi le trouvait-on, aux heures libres de son ministère, toujours à sa table de travail, lisant, écrivant ou méditant. Bien que caché sous le voile de la plus grande modestie, son érudition ecclé-

siastique n'était pas ordinaire, et on ne le consultait jamais sans fruit.

Mais la vertu de choix de ce vénérable prêtre était la charité dont en mainte rencontre il poussa la pratique jusqu'à l'héroïsme. C'est ainsi que Fareins garde et gardera toujours le souvenir de son dévouement lors de la grande inondation de 1840 ; comme le village voisin n'oubliera pas non plus ce dévouement plus intrépide encore lorsqu'il s'agissait du salut des âmes. Il vit ce vaillant lutteur de la mort affronter le choléra pour s'approcher de ses victimes et les préparer au redoutable passage du temps à l'éternité.

D'après ces grands traits on peut juger de sa pratique journalière. C'était lui être agréable que de lui demander un service. Il mettait à le rendre une cordialité qui en doublait le prix. Un tel prêtre ne pouvait être qu'un excellent curé. M. Dubouis fut en effet le meilleur et le plus tendre des pasteurs pour la paroisse de Fareins, son premier et son unique troupeau. Il était là comme un aïeul au milieu de ses enfants. Lorsque mourut le Curé d'Ars, l'autorité épiscopale proposa sa succession à M. Dubouis, sachant bien que

nul ne ressemblait davantage au saint homme.

Son humilité lui fit refuser un poste si honorable. Son cœur resta à Fareins. Dieu l'avait mis là ; il voulut y vivre et y mourir. On l'y laissa; et c'est à Fareins que, après un apostolat de près d'un demi-siècle, repose sa dépouille mortelle (1).

Nous n'ajouterons rien à ces pages si éloquentes de vérité et de sentiment, sinon; et , c'est là notre confiance, qu'elles engageront mieux les amis de Dieu à recevoir et à propager le souhait de son bon et fidèle serviteur, M. Dubouis, curé de Fareins.

Le Seigneur soit avec vous!

Ars (Ain), 20 mai 1882.

J.-M. D.

(1) Extraits des revues diocésaines de Lyon et de Belley.

CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

Si scires donum Dei !.

Si vous connaissiez le don de Dieu !.

(ST JEAN, IV, 10.)

Aujourd'hui, plus que jamais, les dons de Dieu sont méconnus, méprisés, blasphémés dans les journaux, dans les cabarets, les ateliers et même dans certains salons où de grands messieurs et de grandes dames se croient des modèles de civilisation et d'honneur. Il y a des lycées où l'ignorance des dons de Dieu est rendue obligatoire.

Le Christ n'est plus là. On veut des enfants sans Dieu, des bacheliers sans Dieu, des docteurs sans Dieu, des magistrats, des soldats, des cultivateurs, des malades, des mourants sans Dieu, une France sans Dieu. Hos églises, nos cathédrales si vénérées, quand la France était la pre-

mière nation du monde : nos églises où se sont agenouillés tant de héros, tant de martyrs ; nos églises où tant d'ouvriers et de pauvres ont trouvé l'espérance d'une gloire que Voltaire n'a pas trouvée dans son génie, Crésus dans son or, Napoléon dans ses victoires ; nos églises, portes du ciel, sont regardées par quelques Français comme les portes de la superstition. On les démolira, on les convertira en magasins, en salles de bal, en clubs, en cavernes de démons incarnés. Paris, ville-lumière, a lu sur ses murs et dani les journaux ces paroles plus qu'infernales : Ni Dieu ni maître, par conséquent : Pas de prêtre, à la naissance, Pas de prêtre, à l'école, Pas de prêtre, au mariage, Pas de prêtre, à la mort.

Ainsi, naître, vivre et mourir en bête, voilà le rêve suprême de nos libre-penseurs.

Le sauvage dans son désert, conserve encore quelque chose de la dignité humaine ; on l'humilierait profondément en lui disant : « fils d'un singe, poussière organisée, tu ne trouveras rien au-delà du tombeau. » A cette dégradante assertion, sa réponse serait peut-être un coup de bâton ou de poignard.

Nier Dieu, c'est nier la source première de tout ce qui est vrai, beau et grand ; c'est quitter la route du ciel pour celle de l'enfer. « Q,.ti non cre-

diderit, condemnabitur ; l'incrédule sera condamné (1). Cette sentence a une solidité que le firmament n'a pas.

Éviter le noir, le brûlant, l'éternel enfer ; penser, parler, agir pour le ciel, c'est faire l'action la plus importante, la seule nécessaire, appelée le salut.

Il y a toujours grande folie dans ces paroles : Amis, cherchons aujourd'hui pour nos corps et pour nos âmes les voluptés que donnent la bonne chère, le bal, le théâtre, la lecture des romans ; à demain les pensées sérieuses, celles du salut.

Maître de tous les demains, Dieu les refuse quand il veut. On a vu des médecins mourir en visitant leurs malades, des blasphémateurs en blasphémant, des danseurs et des danseuses en dansant.

Dans une mairie, en présence de deux familles en habits de fête et la joie au cœur, un fiancé prononce le oui solennel qui va en faire un époux.

Il ne le sera pas ; sa jeune et belle fiancée pâlit, tombe et devient cadavre. On avait préparé un festin, un bal : il faut faire un cercueil, une tombe.

0 mort ! tous les hommes t'appartiennent. Heureux celui qui peut te dire : Sois la bien-venue J'ai besoin de toi pour entrer dans l'éternelle vie.

Près de Dieu, je le bénirai comme un des plus

(1) St-Varc. xvr, 16.

grands instruments de mon bonheur ! — « Bienheureux ceux qui meurent dans la paix du Seigneur ! (1) » Lorsqu'on n'a rien pour le ciel, on a toujours beaucoup pour l'enfer. Alors la mort est affreuse. « Mors peccatorum pessima (2) » Après le dernier soupir, le salut n'est plus possible ; on parait devant Dieu, on descend dans l'abîme où sa justice a placé des ténèbres, des remords, des feux éternels. Les maisons, les remparts, les montagnes et toutes choses solides ont des fondements. Il serait bien fou celui qui voudrait fonder son salut sur l'incrédulité, sur la présomption, sur la, boue des passions. Le salut a pour fondements inébranlables la Foi, l'Espérance, la Charité, trois dons surnaturels que Dieu ne refuse jamais à celui qui les demande avec ardeur.

LA FOI

Elle "est nécessaire aux riches comme aux pauvres, aux docteurs comme aux ignorants, aux pontifes comme aux cultivateurs. La Foi 1 c'est la lumière, la chaleur, la vie du juste: « justus ex fille vivit (3) ». Une âme sans la foi, c'est une

(1) Apoc. xiv. 13.

(2) Ps. XXXIII. 32.

(3) Saint Paul aux Galates. m. 11.

terre sans soleil, on n'y trouve que la nuit, des glaces et la mort.

L'ESPÉRANCE

Pauvres exilés ! que faisons-nous loin de la patrie? nous travaillons, nous soupirons, nous marchons péniblement vers l'inévitable tombeau.

Amie céleste, l'Espérance nous dit : courage !

Vous pouvez vous faire des béatitudes avec le travail, la souffrance, l'agonie et la mort. Eussiez-vous commis tous les crimes qui se commettent dans le monde pendant un jour, un an, un siècle, même ceux qui se commettront jusqu'à la fin des temps, courage encore ! la confession est une planche après le naufrage. Les clefs du ciel ne s'usent pas ; dites tout au prêtre et le prêtre vous répondra : Allez en paix vers l'autel, vers Dieu, vers le ciel.

Un homme avait perdu l'honneur, la liberté ; il allait mourir sur une croix. Son cœur s'ouvre à l'Espérance, il fait un aveu, il prie, et le Christ lui dit: « Aujourd'hui, vous serez avec moi en Paradis: hodie mecum eris in Paradiso (1) » Ah ! qu'ils sont à plaindre ceux qui meurent, comme Judas, dans le désespoir !

(1) Saint Luc. XXIII. 43.

LA CHARITÉ

Un corps où l'âme n'est plus et qui porte le nom de cadavre, est une laideur qu'il faut bien vite cacher dans un cercueil et sous six pieds de terre. Toutes les laideurs du tombeau ne sauraient nous donner une idée d'une âme où Dieu n'est pas. Pour cacher la laideur de cette âme sans Dieu, l'enfer n'aura ni trop de profondeur, ni trop de ténèbres.

Fût-il pauvre comme Job, couvert de plaies comme Lazare, celui qui possède la charité brillera un jour plus que le soleil au firmament, il sera roi, et son règne, ainsi que celui du Christ, n'aura pas de fin. Ecoutez le grand Apôtre : « Sans la charité je ne suis rien, rien avec le don des langues, rien avec les fravaux de l'apostolat, rien avec la gloire du martyre; sine caritate nihil sum (1). » Il vaudrait mieux n'être pas né que de vivre docteur ou monarque sans l'amour de Dieu. Dans un magnifique château où sont inconnus les dons de Dieu, la vie est plus triste, assurément, que dans une pauvre chaumière où père, mère et enfants disent ensemble: Notre Père, qui êtes aux

(1) Saint Paul. 1" aux Corinth. xm, 1. 2.

deux, donnez-nous un peu de pain, le pardon de nos fautes et la vie éternelle.

Allant au martyre avec un cœur brûlant de charité, un vieillard s'écriait: Courage, mes pieds, nous ne sommes pas loin de la patrie !

Outre les dons surnaturels de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, il y a les dons naturels dont nous devons dire quelque chose.

Excepté le péché qui est notre œuvre propre, tout ce qui est en nous et hors de nous vient de Dieu. S'il retirait ce qu'il a donné à nos âmes, l'intelligence, la raison et la liberté, nous ne serions que des idiots, des brutes et des machines. S'il retirait à nos corps les merveilles dont il les a enrichis, nos yeux ne verraient plus, nos oreilles n'entendraient plus, nos pieds ne marcheraient plus, nos mains ne travailleraient plus ; nous serions aveugles, sourds, muets, paralytiques, cadavres, poussière, néant.

De même, si Dieu retirait ses dons naturels qui sont hors de nous, on ne verrait plus ni lune, ni soleil, ni étoiles. Le firmament ne serait qu'une immense voûte noire ; la terre ne porterait plus d'êtres vivants, ni fleurs, ni brins d'herbe. Mais le Créateur des mondes visibles et invisibles, qui a imprimé en nos âmes l'image de son intelligence, de sa volonté et de sa liberté, Dieu nous a fait un don par excellence, au-dessus de tous les autres, un don suprême ; il nous a donné son

propre Fils, bon, puissant, éternel comme lui.

Ce Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a payé nos dettes avec son sang. Forts de sa puissance, nous pouvons vaincre dans tous les combats de la vie et mourir comme lui sur le Calvaire, pardonnant à nos bourreaux, revêtus des mérites du Sauveur ainsi que d'un vêtement splendide.

Nous pouvons dire à Dieu: nous sommes vos enfants, les frères de votre Fils, donnez-nous ce que vous lui avez donné, une part de ce beau ciel où le bonheur est parfait et éternel.

Le grand don de Dieu, le Christ, a été méconnu, par les Juifs. Ce peuple aveugle a préféré un scélérat à celui qui lui apportait lumière, vie, bonheur ; il s'est écrié : liberté à Barabbas, mort à Jésus ! Jérusalem, coupable d'un déïcide, je te vois bien malheureuse, ton ingratitude surpasse toutes les ingratitudes, et ton châtiment tout châtiment. Une puissante armée t'environne de toutes parts. La division, la terreur , la famine régnent en ton enceinte, à tel point que pour vivre quelques instants de plus, une mère fait cuire et mange son enfant. Allumé par la colère divine, encore plus que par celle des Romains, le feu dévore tes maisons, tes palais, ton temple.

Pauvre Jérusalem ! tes enfants sont, les uns égorgés, les autres vendus et le prix d'un superbe pharisien est parfois inférieur à celui d'un vil animal. Jérusalem ! Jérusalem ! le souvenir de ta

ruine traverse tous les siècles et tous les pays, criant bien haut : Malheur à ceux-qui méprisent le don par excellence de Dieu.

JÉSUS-CHRIST, SAUVEUR

Si Jésus-Christ, Sauveur, était bien connu, et surtout bien aimé, les fils d'Adam seraient des Abels, toujours ; des Cams jamais. Avec la même origine, les mêmes destinées ; il n'y aurait entre eux ni étrangers, ni sauvages ; ils ne se disputeraient pas, ne se tueraient pas pour un vil intérêt, pour une vaine gloire. On les verrait se tendre une main fraternelle au-dessus des fleuves, des montagnes et de l'Océan. Ils n'auraient qu'une voix pour chanter le Gloria in excelsis ; les riches seraient sans orgueil, sans dureté; les pauvres, sans jalousie, sans murmures. Si Jésus-Christ qui a été ouvrier, était bien connu, bien aimé,.

rien ne troublerait l'harmonie entre les patrons et les ouvriers ; les grèves ne désoleraient pas nos cités ; l'argent, destiné à l'entretien du ménage, n'irait pas payer des orgies et des émeutes ; on n'entendrait plus des ouvriers ivres chanter au cabaret pendant que leurs épouses et leurs enfants pleurent dans la mansarde le froid et la faim-

Si la morale de Jésus-Christ était bien connuebien observée, on ne verrait pas en si grand nombre des mendiants dans les chemins, des malades à l'hôpital, des coupables en prison.

L'Etat pourrait supprimer bien des gendarmes et des magistrats, le bourreau et l'instrument de mort.

Avec l'amour de Jésus-Christ et des saintes lois qu'il a données aux hommes, la paix sur la terre serait l'image de celle qui règne au ciel parmi les anges et les saints. Oh ! qu'il connaissait bien les dons de Dieu, ce patriarche qui saluait ainsi ses moissonneurs : Que le Seigneur* soit avec vous. Dominus vobiscum !

Héritière des lumières et de la charité des Patriarches, des Prophètes, des Apôtres, instituée par Jésus-Christ qui est la voie, la vérité, la vie, l'Eglise catholique a toujours eu et aura toujours pour le Dominus vobiscum une sainte passion. Il est dans son cœur constamment, souvent sur ses lèvres. Elle l'adresse aux enfants, aux jeunes gens, aux élèves du sanctuaire, aux fiancés, aux époux, aux pères et mères de famille, aux pauvres, aux riches, aux magistrats, aux nations, aux malades, aux mourants, aux morts. L'Eglise sait que sans Dieu, la vie est triste, la mort plus triste encore, et l'éternité affreuse.

Si donc les pensées que m'a inspirées l'amour du Dominas roMscum sont lues avec quelque profit; j'en bénirai cordialement Celui qui est la source de tout bien.

Fareins, 10 décembre 1881.

CHAPITRE I"

DIEU AVEC LES ENFANTS

Chez les païens, même les plus civilisés, les petits enfants étaient fort à plaindre. On pouvait les vendre, les tuer impunément, la loi ne les protégeait pas. Plusieurs mouraient le jour de leur naissance et leurs bourreaux, quelquefois, étaient leur propre père, leur mère, leurs sœurs.

A Carthage, dans les temps de calamité publique, on cherchait à apaiser les idoles d'airain en déposant de petits enfants dans leurs bras rougis au feu. Le peuple applaudissait et les mères des pauvres victimes recevaient avec joie ses félicitations. Et, en nos jours encore, sur plusieurs points du globe, particulièrement en Chine et au Japon, le trafic et le meurtre des enfants ne sont-

ils pas choses ordinaires ? Ici c'est une mère qui compte quatorze pièces de monnaie, prix de la vente de son enfant. Là, c'est un père et une mère qui voient, sans sentir remuer leurs entrailles, les derniers restes de leur petits enfants dans la gueule ensanglantée d'un animal immonde.

Mais, là où ne sont plus les ténèbres du paga nisme. là où règne Jésus-Christ, comme l'amour paternel et maternel surtout, grandit et s'élève parfois jusqu'à l'héroïsme! Loin de murmurer quand un enfant arrive, loin de s'en débarrasser par le crime, on le salue comme un précieux dépôt confié par le Père céleste ; ce bienvenu est oouvert de baisers et de larmes de joie ; puis il est vite porté à l'église où le prêtre lui donne ce que saint Rémi donna au premier roi de France : le titre sublime d'enfant de Dieu. Jésus est son frère, Marie sa mère, le ciel sa patrie. Ecoutez les dernières et ineffables paroles qu'adresse le prêtre au nouveau baptisé : Allez ea paix et que le Seigneur soit avec vous ! Dominus vobiscum!

Qui pourrait dire le bonheur de la mère chrétienne, recevant son enfant au retour de l'église?

Avec quelles larmes de tendresse elle l'embrasse et le presse sur son cœur ! De quel œil d'admiration religieuse elle contemple cette grande merveille de Dieu, ce petit ange ! Et quand la mort viendrait bien l'arracher alors à son sein, chrétienne résignée, cette mère regarde le ciel. ( Il

est là haut, dit-elle, avec la splendide beauté que lui a donnée le baptême ; mon ange, prie pour ta mère, j'irai te rejoindre un jour, bientôt peutêtre. > L'enfant qui vit est-il pauvre comme l'Enfant de Bethléem ? Il sera berger, laboureur, ouvrier dans une usine. Dévoré par le chagrin d'avoir quitté son père, sa mère, son village, ou vite usé par des travaux au dessus de ses forces et le manque de nourriture, il mourra ignoré dans un coin d'hôpital. La moitié d'un drap, un pauvre cercueil, quelques prières, quelques gouttes d'eau bénite, c'est tout ce que le pauvre enfant recevra avant d'être couché dans la poussière. Mais, s'il a toujours pensé, parlé, agi sous les regards de Dieu, Dieu lui donne ce que le grand Napoléon n'a pu donner à son fils. Oui, au ciel, un saint berger, près du Roi de gloire, règnera éternellement, avec une couronne sans épines, avec un bonheur sans nuages.

Qu'ils sont donc à plaindre les pères et les mères, les gouvernements, qui élèvent un enfant sans rien lui dire de son âme, de son Dieu, du jugement qu'il aura à subir et de l'éternité qui le suivra ! Il vaudrait mieux alors être le chien d'un impie que d'être son enfant. Oh ! heureuses les familles, heureuses les nations, où les enfants apprennent de bonne heure d'où ils viennent, pourquoi ils sont sur la terre et où ils iront un

jour ! Heureuses les familles, heureuses les nations où le scandale donné à un enfant est plus redouté que la mort donnée par un bourreau !

Heureuses enfin les familles et les nations où les enfants grandissent en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes !

Des insectes, des jours trop pluvieux, trop froids ou trop chauds, tels sont les principaux ennemis qui attaquent et tuent les fleurs des champs. Tendres fleurs de l'humanité, les enfants aussi sont bien exposés. A dix ans, à huit ans même, l'enfant peut voir, comprendre.

aimer le mal et devenir la désolation, la honte de

sa famille, et un grand dangerpour ses camarades.

A dix ans, à huit ans, un enfant peut être corrompu à l'égal des enfants de Sodôme. Or, la boue des passions éteint bientôt le flambeau de la foi, même celui de la raison. Notre siècle de lumières, cependant si fier de ses progrès, voit des horreurs que les païens ne virent jamais.

Chez ces derniers, les contempteurs des divinités avaient à craindre la prison et la mort. Mais aujourd'hui, dans le noble pays de France qui doit à Dieu tant et de si belles âmes, des chrétiens apostats saluent comme une espérance, comm'e une gloire ces horreurs qu'on appelle des Petits sans Dieu, déjà bouffis d'un orgueil satanique.

Un petit sans Dieu ! entendez-le vous dire dans .sa, folie précoce : a Le curé, l'évêque, l'Eglise, le

- Christ lui-même, n'ont pas de leçons à me donner; celles que j'aime, je les trouve dans le journal : sois libre-penseur, libre-parleur, lïbreviveur et méprise la prière, le catéchisme, l'Eglise et Dieu. Ah ! un enfant va vite avec la libre pensée; il va vite et loin pour son malheur, pour celui de sa famille et de la société. En voici quelques exemples : Dans un tribunal du Nord, les spectateurs ne peuvent voir sans étonnement une petite fille sous le poids d'une grave accusation.

« Malheureuse enfant 1 lui dit le magistrat, pourquoi avez-vous mis le feu à la maison? Votre père et votre inère pouvaient mourir dans les flammes. »

— « J'ai voulu me venger, répond la petite sans Dieu, pourquoi m'ont-ils punie?» Non, il n'y a pas en France et peut-être dans le monde, une forêt où se commettent tant de vols et d'assassinats qu'à Paris, et ce qu'il y a de plus effrayant, c'est que parmi ces voleurs et assassins de la capitale, on en compte qui n'ont pas quinze ans.

Agé de 14 ans seulement, le fils d'un pharmacien écrit à sa sœur.

« Ma chère, puisque papa et maman ne m'aiment pas, qu'ai-je à faire dans la vie ? Adieu!» et le petit sans Dieu s'en va en enfer, croyant rentrer dans le néant. - Et que dire des écoles sans Dieu?

N'est-ce pas préparer la ruine de la famille et de

la société ? Où Dieu n'est pas. il y a ténèbres dans l'intelligence, faiblesse dans la volonté, corruption dans le cœur, et la terre dès lors n'est plus que le vestibule de l'enfer.

iu moment même où nous écrivons ces lignes, nous apprenons ceci par le journal la Guyenne: La loi athée commence à porter ses fruits. Un enfant de la première communion présente un billet ainsi conçu : « Monsieur l'abbé, je vous prie de rayer mon fils de la liste de première communion. Il ne la fera pas. Je vous salue, veuve X. » Le catéchiste, doutant de l'authenticité de l'acte, fait appeler la mère. Le billet n'est qu'un faux fabriqué par l'enfant. La pauvre mère en pleurs réprimande son fils. — « Ma mère, lui répond froidement le philosophe de douze ans, pourquoi, voulez-vous que je fasse ma première communion? Je ne crois pas en Dieu. » Tout commentaire est superflu.

Pourquoi donc cette barrière entre l'école et le curé ? Comme son divin maître, le prêtre n'est-il pas et ne reste-t-il pas toujours le meilleur et le plus dévoué ami des petits enfants, toujours prêt à les caresser, à les bénir, à leur répéter à l'école les mêmes paroles qu'à l'église? « Mes chers petits amis, que le Seigneur soit avec vous! Dominus voMscum ! Qu'il soit en vos esprits pour les éclairer, en vos cœurs pour les fortifier dans l'amour du vrai, du beau 1 Soyezpar vos vertus

ce que sont les fleurs du printemps, une espérance, une belle espérance pour la famille et pour la patrie. Anges de la terre, que le Seigneùr soit avec vous comme il est avec ses anges du ciel ! »

Une fleur qui tombe est un bien petit malheur assurément; mais l'enfant qui tombe des hauteurs d'une vertu angélique dans la boue d'une vile passion, et qui des mains de Dieu se jette dans celles de Satan, voilà le malheur des malheurs, qu'il faudrait pleurer avec des larmes de sang.

Etrange aberration des hommes ! Sous la République , comme sous tout autre gouvernement, ceux quiiblessent ou tuent le corps d'un enfant ont à redouter les gendarmes, la prison, le bagne et l'échafaud ; et ceux qui par leurs écrits, leurs discours et leurs exemples, tuent les âmes en les séparant de la vertu et de Dieu, sont souvent bien payés, bien fêtés, parfois même décorés de la croix d'honneur, et pour la plus grande honte de notre société, deviennent même des députés, des sénateurs, des ministres, maîtres de la nation à la place de Dieu !

Si le corps, devenu cadavre par la séparation de l'âme, et livré aux vers et à la pourriture, n'est plus qu'un objet qui soulève le cœur, l'âme d'un enfant séparée de Dieu, qu'on le sache bien, est une laideur tellement dégoûtante et hideuse que sa vue suffirait à donner la mort.

Oh ! qu'il comprenait bien la nécessité de Dieu dans l'école, ce député qui a eu le courage de s'écrier, à la tribune française : « J'entends les ouvriers, les laboureurs vous dire avec l'accent du cœur : Pour une patrie que nous aimons, vous nous avez demandé le sang de nos fils, nous l'avons donné ; aujourd'hui, au nom de la souveraineté de l'Etat, vous nous demandez encore l'âme de nos enfants ; nous nous souvenons que nous sommes chrétiens et pères, vous ne l'aurez jamais. D Ah! pourquoi cet énergique jamais ne serait-il pas toujours prononcé par ceux et celles qui ont l'honneur d'être pères et mères? D'où vient que la valeur de l'âme de l'enfant est si souvent méconnue dans la chaumière, dans l'atelier, dans le château et même dans les écoles de la grande cité? Un enfant, cependant, avec l'innocence de son baptême, avec Dieu dans son esprit et son cœur, n'est-il pas la plus belle des fleurs de la terre, la richesse au-dessus de toutes les richesses, la plus grande des merveilles de la création ?

Ecoutez ici le langage d'un père et d'une mère vraiment chrétiens : Il Notre enfant, c'est un ange à nous, il nous sourit, il nous parle, nous obéit et nous aime. Il sera le Tobie de nos vieux jours ; sa foi encourage la nôtre ; sa piété fortifie notre piété et son amour de Dieu est comme un feu qui échauffe nos âmes. »

« Maman, disait une toute petite fille à sa mère.

il y a une chose qui me trouble ; Jésus a dit que ceux qui veulent régner avec lui doivent souffrir avec lui. Si je mourais maintenant, où donc irais-je? je n'ai pas encore souffert. Je me dis que cela serait bon si Dieu m'envoyait une maladie, parce que je pourrais lui plaire en la supportant patiemment. » Ces paroles ont une éloquence qu'on ne trouve pas toujours même dans nos grands orateurs. C'est que cette enfant avait le Dominus vobiscum. A peine sortie du berceau, Françoise d'Amboise, future duchesse de Bretagne, faisait déjà les délices des personnes qui avient le bonheur de l'entourer. Elle était si douce, si bonne, si pieuse que les chrétiens qui fréquentent les sacrements sont loin d'aimer NotreSeigneur comme l'aimait Françoise à quatre ans.

Le superbé palais qu'elle habitait, lui paraissait un petit coin dans l'exil, car elle avait souvent les mains et les yeux vers le ciel aussi bien que son cœur. Assistait-elle à la sainte messe, elle versait d'abondantes larmes à l'élévation de la divine Eucharistie; et comme sa mère un jour la voyant pleurer, lui demandait le sujet de son chagrin : « Madame, répondit la petite sainte avec des sanglots, vous et toute la cour, avez joui d'une grande faveur, celle d'avoir reçu le Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ,et moi seule, à cause de mon âge, je suis privée de ce bonheur; voyez, si je n'ai

pas sujet de pleurer » (1). Et puisque nous en sommes à de si édifiants exemples, encore celui d'un petit berger, dont le langage sur le Pater ferait envie à un théologien, à un évêque, au Pape lui-même.

Un jour, dit l'abbé Postel, un saint prêtre voyageant dans les montagnes de Clermont, en Auvergne, aperçut non loin de la route un jeune berger dont l'air grave et modeste indiquait quelque chose d'extraordinaire. Il faisait tranquillement paître ses moutons. S'étant approché de lui : mon ami, lui dit l'ecclésiastique, seul toute la journée, le temps doit vous durer. — Oh ! non, monsieur le Curé, je ne m'ennuie pas le moins du monde, je suis sans cesse occupé. —Et quelle est cette occupation ? — Je sais ufcie charmante prière !

Oh! qu'elle est belle et consolante, cette prière!

Aussi je ne me lasse pas de la dire. —Mais enfin, tu ne pries pas pendant toute la journée ? — Si, monsieur le Curé, et encore je ne puis arriver au bout de ma prière, tant elle est admirable et encourageante. Elle remplit mon cœur de joie et si je savais parler comme les messieurs, je vous en dirais bien davantage. — Et quelle est donc cette excellente prière, mon enfant? Vraiment tu m'intéresses et il faut qu'elle soit bien longue

(1) Vie de la Bienheureuse, par Ms" Richard, coadjuteur de l'Archevêque de Paris.

puisqu'un jour ne suffit pas à la dire?—Elle est, au contraire, très courte, mais si belle, si belle !

-Je ne te comprends pas, mon ami, elle est courte et une journée ne suffit pas pour l'achever. Cependant, tu n'es pas bègue et tu t'exprimes aisément — Ah! voyez-vous, monsieur le Curé, je l'aime tant ma prière, elle est si touchante que, dès que je l'ai commencée, mes yeux se remplissent de larmes malgré moi, et en voilà jusqu'au soir. - C'est fort bien, cher enfant, mais tu ne m'as pas encore dit qu'elle est cette prière et comment tu la récites. —

Cette prière, monsieur le Curé, est le Notre Père. „

Voici comment je fais; avant de commencer, j'élève mon cœur à Dieu, ensuite je dis : Notre Père qui êtes aux cieux; là, je m'arrête, pensant à la bonté de Dieu qui veut bien que je l'appelle mon Père.

Est-il possible que moi, pauvre petit berger, j'aie pour Père un Dieu et un Dieu si bon, si grand, si puissant? un Dieu qui a fait ce ciel bleu, ce soleil qui nous éclaire, cette terre avec ses forêts, ses montagnes, ce Puy-de-Dôme qui est, toute la journée, devant moi, cette bonne herbe que mes moutons mangent du matin au soir et qui repousse sans cesse, ces moissons superbes qui couvrent la vallée, et tout le reste, et les hommes qui s'y promènent, et les officiers, et les préfets, et les rois? Oui, il me permet à moi, qui ne suis rien, de lui dire; mon Père. Voilà mes pensées, monsieur le Curé, et bien d'autres qui me viennent et que je

ne saurais comment vous exprimer, car les mots me manquent; je n'ai pas étudié dans les livres et ne connais que notre patois. Quand donc je réfléchis à cela, je suis tout ému, je pleure et ne puis continuer ma prière. Voyez-vous, là-bas, entre ces deux arbres ce petit village composé de quelques maisons? c'est là que je demeure, j'appartiens à la famille la plus pauvre, et cependant, comme les bourgeois de la ville, je puis dire à Dieu : vous êtes mon père et je suis votre enfant.» Frappé de ces sentiments élevés, reconnaissant l'Esprit divin qui habitait en cette âme simple et droite, le prêtre dit au jeune berger: « Continue de prier ainsi, mon petit ami ; il est impossible que Dieu ne te bénisse pas. »

Vous le voyez, ne sachant que le patois de son village,un pauvre berger de moutons porte dans son intelligence des lumières célestes et dans son cœur un cœur angélique.

Plusieurs fils de bourgeois vont à Paris dépen ser beaucoup d'argent et de temps pour apprendre à se passer de Dieu et de la vertu. On les verra revenir avec leur diplôme de bachelier et de docteur, puis vivre et mourir en bêtes.

Qu'on le sache bien, toute science qni ne mène pas à la vérité, à la vertu, à Dieu, au ciel, mène infailliblement au mensonge, au vice, à Satan, à l'enfer. Paris est plus à craindre qu'un tombeau, séjour de la nuit et de la corruption. Lorsqu'un

enfant a le bonheur d'éviter la nuit pour son âme, la corruption pour son cœur, lorsque sa vie est angélique, on voit bientôt briller en lui les grandes vertus qui font la gloire du catholicisme et que le ciel se plait à bénir et à couronner.

Envoyant son enfant chez les Frères, un pauvre ouvrier lui donnait un morceau de pain et cinq centimes pour acheter un fruit quelconque. L'enfant épargnait les sous et les cachait au fond d'un meuble. La mère, les ayant découverts, dit à son cher Isidore : Je crois que tu te fais voleur. — 0 ma mère, jamais de la vie. - D'où viennent donc tous ces sous que j'ai trouvés? - Ce sont ceux que vous m'avez donnés, avec mon père, je les ramasse pour. — Explique-toi donc, pourquoi faire? — Pour les donner aux pauvres, le jour de ma première communion (1).

Vivre longtemps de pain sec pour secourir les pauvres, certes, cette aumône a une valeur bien supérieure à celle d'une pièce d'or donnée par le riche. C'est ainsi qu'en versant sa petite bourse dans la main d'un vieillard pauvre, Vincent de Paul préluda à ces grandes œuvres de charité que la France et le monde entier admirent encore.

Un jour dans une instruction familière, un prêtre dit : « Voulez-vous convertir une âme qui

(1) Semaine religieuse de Paris.

vous est chère ? Souffrez pour elle. » Ces paroles frappèrent une enfant du peuple qui venait de faire sa première communion. La pauvre enfant voyait souvent sa mère pleurer et elle rougissait de honte à la vue de son père rentrant le soir à la maison, abruti par le vin. S'armant d'une résolution énergique, elle embrasse sa mère avec une effusion de tendresse qui fait tressaillir la malheureuse épouse. Maman, lui dit-elle, soyez tra nquille, papa, bientôt, ne vous fera plus pleurer. Le lendemain, au repas de midi, le seul qui se prenne en famille, l'enfant accepte le potage, un morceau de pain et refuse tout le reste. — Tu es donc malade, lui demande sa mère étonnée ? — Non, maman. — Mange donc, dit son père. — Pas aujourd'hui. On crut à un caprice et on laissa l'enfant à sa prétendue bouderie. Le soir, le père revint ivre selon son habitude. Sa petite fille couchée et qui ne dormait pas, entendant ses blasphèmes, se mit à pleurer. Le lendemain, comme la veille, elle refuse toute autre nourriture que du pain sec et de l'eau. La mère s'inquiète, le père se fâche ; je veux que tu manges, dit-il en colère. — Non, mon père, répond l'enfant avec fermeté, non, tant que vous vous enivrerez, que vous ferez pleurer ma mère et que vous blasphémerez. Je l'ai promis à Dieu, je veux souffrir pour qu'il ne vous punisse pas. Le père baisse la tête ; le soir

il rentre calme à la maison ; la petit e est charmante de joie et d'appétit. Mais l'habitude entraîne encore le père et ramène le jeûne de l'enfant. Cette fois, le père n'ose rien dire ; seulement une grosse larme roule dans ses yeux et il cesse de manger. La mère pleure et la fille reste calme.

Le père alors se levant et la prenant dans ses bras : Mon enfant, lui dit-il, ferais-tu tous les jours ainsi? — Oui. papa, jusqu'à ce que je sois morte ou que vous soyez converti. — Ma fille, ma fille ! je ne ferai plus pleurer ta mère (1).

UN PETIT ANGE AU CHEVET D'UN MOURANT

Un riche négociant de Nevers avait beaucoup travaillé pour la terre, mais peu pour le ciel. Sa petite fille lui dit : « Papa, tu es bien malade ; le médecin a dit que tu mourras peut-être demain.

Maman pleure dans sa chambre et personne ne peut la consoler. Vois-tu, j'ai entendu dire au catéchisme que c'est un gros péché de laisser mourir ses malades sans confession. Personne n'ose te le proposer. Allons ! petit papa, il faut te confesser. » — Je te remercie, mon enfant, répondit le malade attendri jusqu'aux larmes ; va chercher de suite M. le Curé. Que Dieu te bénisse ! Je te devrai mon salut. Il reçut les sa-

(1) Semaine religieuse d'Amiens.

crements et mourut en effet le lendemain, après avoir dit : « Je suis bien confessé, mais sans ma petite fille, sans cet ange chéri, qu'allais- je devenir?. (1) ® Honneur et gloire aux parents qui aimeraient mieux voir mourir leurs enfants que de les voir sans vertu, sans Dieu ! Leurs corps, en effet, après avoir passé par la pourriture du tombeau, ressusciteront un jour, glorieux comme celui du divin Sauveur, tandis que ceux qui auront servi d'instruments à de viles passions, iront rejoindre leurs âmes maudites en enfer, avec l'éternelle laideur du péché.

Honneur et gloire aux enfants qui comprennent ce qu'il y a de grand, de beau dans ces deux mots ; Dominus vobiscum, le Seigneur avec vous ! Car l'enfant qui demeure avec Dieu , demeure avec le bonheur pour le temps et pour l'éternité.

(1) Si l'auteur n'a pas dans plusieurs traits cité les lieux et les personnes c'est sans doute par prudence et par délicatesse.

CHAPITRE II

DIEU AVEC LES JEUNES ENFANTS

Le soleil de l'été donne à la terre beaucoup de lumière, de chaleur et de vie, mais en retour le ciel de l'été n'est pas toujours un ciel bleu, un ciel ami. Il se couvre parfois de nuages bien gros et bien noirs ; l'éclair brille, le tonnerre gronde et, semblable à une mitrailleuse terrible, la grêle frappe les arbres, le blé, la vigne. Les pauvres cultivateurs pleurent leurs espérances, leurs récoltes anéanties : c'est pourquoi la sainte Eglise notre mère, nous invite chaque année aux prières appelées Rogations et nous fait pousser vers le ciel ce cri suppliant. « A fulgure et tempestate, libéra nos, Domine ! De la foudre et de la tempête, délivrez-nous, Seigneur (1). »

(1) Prières des Rogations.

Durant la jeunesse, été de la vie, il y a plus de chaleur dans le sang, et l'imagination s'abandonne aux plus beaux rêves de bonheur. Ce bonheur, elle le cherche où il n'est pas, dans les passions. Les passions forment des nuages, petits d'abord, puis bientôt formidables. Sous ces nuages, l'âme alors, cesse de voir l'abîme sous les fleurs et se laisse séduire. A ses yeux, la vertu n'est plus une beauté, ni le vice une laideur. Les bals, les théâtres, les romans, les journaux les plus immoraux n'offrent plus aucun danger et elle ne croit plus à l'oracle divin : « Qui aime le danger périra dans le danger (1). »

Elle dévorç un mauvais livre comme l'affamé un morceau de pain, ignorant, la malheureuse ! que semblable à l'opium, le poison d'un mauvais livre endort et tue en donnant de beaux rêves. Hélas !

si quelques minutes de tempête font verser des larmes aux pauvres cultivateurs sur leurs champs et leurs vignes ravagés, un océan de pleurs et des plus amers ne suffirait pas pour déplorer les ruines faites par le péché, tempête spirituelle qui n'a duré souvent qu'un instant. Hier, ce jeune homme, riche, comme un Louis de Gonzague, de son innocence et de sa foi, marchait libre et joyeux avec Dieu vers le ciel: esclave aujourd'hui du péché, il marche avec Satan vers l'éter-

(1) Eccles. m. 27

nel abîme. Cette jeune personne brillait hier dans la société comme un beau lis au milieu des épines ; elle vient de succomber à la tentation, ce n'est plus qu'une fleur flétrie par la boue du mal, une de ces laideurs qui seront éternellement cachées en enfer.

Sous le poids d'une première faute, plusieurs jeunes gens et plusieurs jeunes personnes soupirent et pleurent la paix de l'âme perdue, et la crainte des jugements de Dieu est à leur .cœur comme une pointe de poignard : mais viennent de nouvelles chutes, la voix du remords s'affaiblit et est bientôt étouffée. On se met au-dessus de la honte et de la crainte de Dieu. Ecoutez plutôt leur langage ; ï Peccavi et quid mihi triste accidit « J'ai péché et que gn'est-il arrivé de fâcheux ? (1) » Mes lèvres n'ont prononcé que des blasphèmes , au lieu de prières ; j'ai fait du dimanche un jour de travail ou de plaisir. Si parfois je me suis trouvé avec les fidèles dans la maison de Dieu, j'y étais mal à l'aise ou dans l'ennui. J'ai mis une certaine vanité à mépriser les lois qui me prescrivaient la messe, la confession, la communion pascale, le jeûne, l'abstinence à certains jours, pour obéir à ma sensualité. Oui, j'ai désobéi à Dieu, à l'Eglise, j'ai vécu en vrai païen ; ma vie a été un scandale pour ma

(2) Eccles. v. 4.

famille et mon pays ; eh bien ! que m'est-il arrivé de fâcheux ? La terre est aussi fertile pour moi que pour un dévot. J'ai peut-être plus de santé, plus de fortune, plus d'honneur qu'un dévot. A ses vanteries insultantes la sainte Ecriture répond : « Dieu est patient, parce qu'il est éternel, Deus patiens quia æter'nus. » Patience 1 le châtiment n'en sera que plus terrible. Encore quelques années, quelques jours peut-être, la mort viendra vous jeter dans les ténèbres extérieures, séjour d'horreur, de pleurs et de grincements de dents. Alors que votre cœur sera dévoré par le remords, comme un cadavre l'est par les vers ; alors que vous sentirez mille feux vous brûler sans vous consumer, vous ne direz plus : Peccavi, j'ai péché et que m'est-il arrivé de fâcheux ?

0 jeunes gens et jeunes personnes, retenez bien ceci : Là, où n'est pas la crainte de Dieu, il y a toujours folie. Soyez donc sages, craignez, évitez le péché et, en face de lui, criez au Seigneur, comme les Apôtres sur le lac orageux : « Seigneur ! à notre secours, nous périssons (1). »

Celui qui commande aux tempêtes qui agitent la mer, commande également aux orages qui agitent le cœur. Aller à Jésus, c'est aller au salut.

Il est partout comme Dieu ; comme homme il

(1) Saint Matth. VIII. 25.

n'est qu'au ciel et au Saint-Sacrement de l'autel.

C'est là, dans l'Eucharistie, qu'il continue, ainsi qu'au temps de sa mission sur la terre, à être la voie, la vérité, la vie (1). Allez le recevoir quelquefois par la communion ; oh ! alors, comme vous sentirez mieux qu'il est la lumière de votre esprit, la chaleur de votre cœur, la force de votre volonté dans le bien ! C'est là que, enfants, femmes et vieillards venaient aux premiers temps de l'Eglise, puiser le courage et une force invincible à supporter l'exil et la prison, à braver la fureur des tyrans , la férocité des bourreaux et des bêtes, à recevoir vaillamment la mort. Ah ! c'est que, porteurs de Jésus-Eucharistie, les généreux martyrs portaient avec lui la victoire sur le monde et l'enfer î

LA FÊTE-DIEU

Afin d'honorer d'une manière plus solennelle le Dieu-Eucharistie, l'Eglise a institué une fête bien touchante et toujours chère aux cœurs chrétiens fermés à l'impiété; c'est la Fête-Dieu.

Notre-Seigneur Jésus-Christ sortant ce jour-là du tabernacle où le retient prisonnier son amour pour les hommes, se promène en roi et en père, en bienfaiteur et en ami à travers les rues, sur

(1) Saint Jean. xiv. 6.

les places publiques. Oh ! que de bénédictions sa divine présence répand sur la famille chrétienne ! On le salue avec piété filiale, l'enfance comme le bouclier de l'innocence ; la jeunesse comme sa force et l'espérance dans les premières luttes de la vie ; la vieillesse comme son soutien et sa consolation ; les pauvres et les malades comme la source de leur patience et de leur résignation. tous enfin, comme le pain des voyageurs vers l'éternité. Quel beau spectacle que celui où tous les fronts s'inclinent sous la bénédiction de ce Père céleste, Roi des Rois, Souverain Maître du ciel et de la terre i C'est sous l'inspiration de la foi que nos pères élevaient à Jésus-Eucharistie, à Dieu avec nous, ces églises splendides qui nous semblent des merveilles. Pourquoi donc aujourd'hui ces chrétiens apostats qui ne rougissent pas de dire : Le Christ ? Nous n'en voulons point, il est de trop dans nos cœurs, dans nos rues et sur nos places publiques ; comme nos pères de 93, enlevons-lui la liberté de sortir de sa maison et d'aller visiter les malades, de consoler les mourants. Pauvre France ! qu'as-tu fait du noble et antique héritage de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis ?

Sans Notre-Seigneur Jésus-Christ et par conséquent, sous l'inspiration de Satan, on tombe bien vite dans la nuit : on prend l'erreur pour

la vérité, le mal pour le bien, la mort pour la vie. Ainsi périssent les familles, ainsi périssent les nations.

Filles de la France I osent s'écrier les libNpenseurs n'écoutez pas les prêtres avec leur Dominus voMscum, ralliez-vous sous l'étendard de la liberté, n'allez pas vous confesser, ni communier, tout cela est du fanatisme; la prière n'est point nécessaire pour bien vivre et mourir.

* Venez à nous, nous avons des écoles sans Dieu, - des plaisirs et du bonheur sans Dieu. « Elevée par des maîtres sans Dieu, la jeune fille sera peut-être un petit prodige de science et de morale indépendante ; mais à coup sûr, elle ne brillera ni par l'humilité, ni par la chasteté, ces deux aimables vertus qui font de la jeune personne la sœur des anges. Non, ces jeunes filles qui abandonneraient le Credo à la résurrectron de la chair, à la vie éternelle pour le Credo à la bestialité et au néant, ne seront jamais dignes de la France ; ce serait au contraire pour elle le plus grand malheur que Lucifer lui-même puisse désirer. Et même durant sa vie, quelle triste existence que celle de la jeune fille qui a passé par l'école sans Dieu 1 L'idée de Dieu dont elle cherche à se débarrasser fatigue son intelligence et plus encore son cœur. Elle dit à Celui qui est la lumière : Séparons-nous. Le Christ part, la nuit vient; la pauvre enfant ne voit plus l'abîme

caché sous les fleurs ; elle vit comme si elle n'avait pas un enfer à éviter, un paradis à gagner. Dégoûtée de lectures sérieuses elle se jette dans celle des romans ; et comme l'a dit l'impie Rousseau lui-même, la jeune fille liseuse de romans est perdue. Elle ne vit plus que dans un monde fabuleux, ne rêvant que toilette et plaisir de tous les sens.

Chose horrible ! On a vu. la nuit, au cabaret, des liseuses de romans sourire à des hommes qui leur versaient à boire jusqu'à l'ivresse ; pendant que d'autres atteintes d'une maladie mortelle, n'ayant que quelques jours avant de paraitre devant le Souverain Juge, trompaient la vigilance d'une mère pour se livrer encore à des lectures infâmes. Est-il étonnant, après cela, que les petites maisons reçoivent des malheureuses victimes de romans ? Et lorsqu'elles ne laissent pas leur raison dans cette passion funeste, leur vie n'est-elle pas plus amère encore?

Fille sans Dieu, elle est sans consolation véritable dans le malheur, et ses larmes sont stériles.

Plus d'espérance, plus de courage ; le désespoir conduit au suicide. Les parents, les amis la pleurent et l'enfer se réjouit parce qu'il vient d'acquérir une grande réprouvée qu'un bon livre aurait pu ramener au repentir, à Dieu, au ciel. Ecoutez le testament écrit par une jeune fille quelques instants avant de se donner la mort :

« Je donne mon corps à la pourriture, mon « âme, oui., mon âme, car je ne puis la nier, « mon âme au démon ; au démon aussi l'âme c des auteurs des mauvais livres qui m'ont « perdue ; au démon les âmes de mon père et ( de ma mère, qui m'ont permis ces lectures. »

En France, en Europe, dans le monde entier, les malheureux qui propageraient le phylloxera qui détruit la vigne, soulèveraient l'indignation générale et seraient aussitôt traînés devant les tribunaux. Et pourquoi donc cette impunité pour les empoisonneurs qui tuent les hommes chaque jour par leurs livres, brochures et journaux aussi immoraux qu'impies ! Pourquoi cette impunité à tous ces propagateurs de poison moral et intellectuel, qui le colportent partout dans les campagnes comme dans les cités, dans les ateliers comme sur les places publiques ? Au lieu de repousser toutes ces infâmes productions, on les encourage, on les achète, on les dévore, et les pères et mères, les maîtres et maîtresses, et même les magistrats ne disent rien 1 Voilà où en est la société sans Dieu. Enivrée de doctrines sataniques, elle ne peut plus supporter la doctrine céleste ; la vanité et le plaisir sont des divinités ; le blasphème remplace la prière ; elle a peur de la Croix ; de la croix, cette suprême consolatrice de tous les souffrants ; cette unique espérance de l'humanité tombée. La croix ! nos

libre-penseurs ne la veulent plus dans l'école, ni dans l'hôpital, ni sur la place, ni sur le clocher, ni sur les tombeaux. Pauvre France !

qu'en serait-il bientôt de toi si tu restais longtemps à la merci de ces hommes sans foi, sans Dieu ? Tu ne renfermerais plus que des aveugles et des barbares ; l'étranger n'aurait plus à te jeter que le mépris, une immense pitié ; l'enfer te saluerait comme le premier de ses vestibules.

Ah ! détournons notre esprit de ces pensées lugubres ; portons-le plutôt sur la jeunesse avec Dieu.

LE CÉSAR ET LA JEUNE FILLE

Les victoires de César, d'Alexandre et de Napoléon sont loin d'égaler celles remportées par des jeunes gens, par des jeunes filles de 15 ans : C'était aux premiers siècles de l'Eglise, il fallait sacrifier aux divinités du paganisme ou mourir par mille tourments plus cruels les uns que les autres. La fille d'un consul est arrêtée, elle n'avait que onze ans. « Prisca, lui dit le « tyran, je veux vous honorer de tout l'éclat de « ma puissance ; la gloire de l'empire est à vos « pieds si vous sacrifiez. » Au lieu de répondre à ces promesses magnifiques, Prisca, s'adressant à Dieu: « Seigneur, montrez-vous», et le

SEigneur entend la voix de son enfant. La terre tremble, la statue d'Apollon est brisée, une partie du temple s'écroule, écrasant les prêtres du faux Dieu et grand nombre de spectateurs.

« Vierge Prisca, s'écrie le démon, pourquoi viens-tu me troubler dans ma demeure ? Prends garde, César 1 cette jeune fille vaincra ta puissance, tu tomberas avec honte. » Mais l'empereur Claude ne veut pas tomber. Il donne ses ordres. Prisca est saisie, souffletée et, les bourreaux s'arrêtant de fatigue : frappez, frappez toujours, leur crie le tyran. « Soyez béni. ô Seigneur ! s'écrie l'enfant martyre en élevant ses regards au ciel ; vous donnez la grâce et la gloire à ceux qui croient à Vous. » Et voilà qu'une lumière éclatante l'environne, et qu'une voix céleste lui adresse ces mots : « Confiance, ma fille 1 ne crains rien, je suis le Dieu que tu adores, je ne t'abandonnerai pas. » Flutôt que de s'apaiser, la colère de l'empereur grandit davantage. Alors, nouvel interrogatoire ; nouvelle réponse énergique : « Fils du démon, lui dit Prisca, vous devriez rougir de disputer ainsi avec une jeune fille; Satan, votre père, est le prince des fornicateurs, des larrons, des hommes livrés à tous les crimes. » Les bourreaux se remettent à frapper, et la victime regardant les coups de fouets et de bâton comme des faveurs célestes, en remercie le tyran. — « Ou

sacrifie, ou tu seras dévorée par les bêtes. —

Avec la grâce de Dieu, je ne crains rien, » ditelle en faisant le signe de la croix. A l'instant même, descend un feu céleste qui dévore l'autel, réduit l'idole en cendres et brûle même une partie du manteau de l'empereur; et la sainte de s'écrier : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de donne volonté ! »

Désespéré et couvert de confusion: « Prenez cette fille, dit Claude au préfet du prétoire, et faites-la déchirer avec des ongles de fer. » Le préfet obéit et le corps de la jeune vierge n'est plus qu'une horrible plaie. Mais voici qu'un nouveau miracle la guérit. Elle est alors livrée à un énorme lion, et le lion, respectant cette héroïne, se couche à ses pieds et la caresse. Plus féroce que la bête, l'empereur fait accabler de nouveaux coups sa victime et préparer un immense bûcher qu'une pluie torrentielle éteint aussitôt. L'impuissance des idoles étant suffisamment démontrée, Prisca arrivée au lieu de son dernier supplice, fait cette prière : « Jésus, mon Sauveur, je vous loue et vous adore ; après m'avoir sauvée de tant d'épreuves, faites, je vous en conjure, que j'échappe aux supplices de la damnation, les seuls redoutables ; que je sois trouvée irréprochable dans la confession de votre saint nom et digne d'être admise à la gloire du paradis. » Se tournant ensuite vers le bour-

reau : ( Faites ce qui vous est commandé. » Et la tête de l'héroïque martyre tombe sous le tranchant de la hache.

Tel fut ce duel entre un César et une jeune fille de onze ans. Le César avait pour lui les docteurs les magistrats, les soldats, les bourreaux du paganisme, il avait le fer, le feu et les bêtes du désert pour triompher de son adversaire. La jeune fille n'avait que sa foi et son Dieu. César est battu et Prisca est victorieuse, elle triomphe par ses paroles, par ses souffrances, par sa mort. Tout le monde chrétien aujourd'hui admire, honore et prie sainte Prisca. Qu'est devenu César avec sa tyrannie? Ah ! d'est que la vérité de Dieu demeure et sa puissance aussi.

Si une persécution venait à s'organiser dans notre France contre les amis du Dominus vobiscum. aimons à croire que nous verrions des jeunes personnes faire revivre les Prisca, les Blandine, les Philomène et confondre à jamais les amis de Satan.

DIEU AVEC LE BERGER BENEZET

Un jour de l'année 1177, un berger des montagnes du Vivarais entendit une voix céleste qui lui dit : « Benoit, mon cher fils. » — « Qui êtesvous, Seigneur? je vous entends et ne vous vois pas. » — « Je suis le Christ qui de rien ai fait

toutes choses. » — < Et que voulez-vous que je fasse? )( Je veux que vous laissiez là votre troupeau et que vous alliez bâtir un pont sur le Rhône. ) — « Je ne sais pas ce que c'est que le Rhône et je n'oserais pas quitter les moutons de ma mère. » — « Vous aurez un guide et votre troupeau ne sera pas abandonné. » — c Mais enfin, Seigneur, on ne fait pas un pont avec rien ; je n'ai que trois deniers. » — c Ayez confiance en moi et ne vous mettez pas en peine. » Pénétré d'admiration et de confiance, Benezet laisse ses moutons et part sur l'heure. Un jeune homme se présente pour le conduire sur le bord du Rhône à l'endroit.-même où Dieu voulait qu'il bâtit un pont.

Effrayé de la largeur et de la rapidité du fleuve, Benezet dit à son guide : « Il n'est pas possible de faire là un pont. » - Ne craignez rien, lui dit l'ange qui le conduisait ; faites ce que Dieu vous a ordonné ; il ne commande jamais rien d'impossible. Passez la barque, allez trouver l'Evêque et exposez-lui votre mission. » L'Evêque se croit en présence d'un fou, et lui dit en riant : « Allez trouver le préfet de la ville. » Benezet reçoit cette parole comme un ordre, il va dire au préfet : « Je suis envoyé de Dieu pour bâtir un pont sur le Rhône, il faut que vous m'aidiez. » Montrant une pierre que trente hommes auraient eu de la peine à remuer, le

gouverneur dit en riant : « Je te donne cette pierre, emporte-la pour être la première pierre. »

Benez et s'avance, fait le signe de la croix, prend cette pierre et la met sur sa tête avec autant de facilité que si c'eût été un petit caillou.

Averti de ce miracle, l'Evêque arrive et avec lui le clergé, la noblesse, le peuple. L'admiration est grande, toutes les bourses s'ouvrent et sous la conduite d'un berger de douze ans, on voit commencer et'croître un ouvrage que les empereurs de Rome et les rois de France n'avaient jamais osé entreprendre. Sous la direction du jeune berger, une société de Frères, appelés Frères du pont fut organisée. On bâtit un hôpital pour les pèlerins.

Benezet mourut à 19 ans. Il fut pleuré par la ville entière. Son corps reposa dans la chapelle construite sur la troisième pile du pont, où il passait chaque jour plusieurs heures en prière.

En 1670, le tombeau de saint Benezet fut ouvert en présence du vicaire capitulaire et d'une foule immense. Le corps fut trouvé intact, quoique les barres de fer qui soutenaient le tombeau fussent toutes rongées. Les habits et les linges étaient aussi entiers que le jour des funérailles.

La vie, la mort, la tombe, les miracles du berger du Vivarais'disent bien haut; entre les mains de Dieu, la faiblesse fait de grandes choses.

Heureux les jeunes gens riches et pauvres qui

n'ont pas sur la terre de plus grands plaisirs, de plus grands bonheurs que d'entendre et de méditer ces deux mots : Dominus vobiscum : le Seigneur soit avec vous!

Répétons-le en finissant : une jeunesse élevée dans les principes religieux, une jeunesse humble, obéissante et chaste, voilà pour les familles et la patrie une des plus chères espérances. Mais que la jeunesse le sache bien, l'humilité, l'obéissance et la chasteté ne peuvent naître et grandir que dans la méditation et l'amour de ces deux mots :

Le Seigneur avec vous!

Dominus vobiscum !

CHAPITRE III

DIEU AVEC LES FIANCÉS

Des hérétiques ont osé blâmer le mariage, comme aujourd'hui nos libres-penseurs en font un lien fragile qu'on peut rompre par le divorce.

Or, le mariage est un état saint, et il y a des vocations pour le mariage comme pour le sacerdoce. Dieu a béni Adam et Eve au paradis terrestre. Les patriarches ont béni leurs enfants et petits enfants. L'union de Marie avec Joseph a - été bénie. C'est aux noces de Cana que NotreSeigneur Jésus-Christ a donné son premier miracle. Devenu sacrement de la nouvelle loi, le mariage, par conséquent, est une source de paix et de bonheur pour le temps et pour l'éternité.

Pourquoi donc, après quelques temps de ma-

riage, ces paroles dures, cette désunion, même de la haine dans certaines maisons, dans certains châteaux ? Ah 1 c'est qu'on ne s'est pas préparé à recevoir dignement le saciement. Ces époux si malheureux auraient dû, suivant le conseil de nos vieux pères, consulter sérieusement Dieu, le mettre à leur tête, en faire le maître et Seigneur du foyer. « Ceux que Dieu garde sont bien gardés. > Non-seulement ils n'ont pas consulté leurs familles, ni même le bon sens, mais se fiant mutuellement à des promesses magnifiques, faites dans un tête à tête, ils ont rêvé un avenir sans nuages, ni tempêtes.

Une amie, croyant remplir un devoir de charité, dit à son amie: « Prends garde! ma chère, le jeune homme qui désire unir sa vie à la tienne, a-t-il les qualités qui rendent une femme heureuse? Son caractère est dur. » — ( Mais non, je le trouve, au contraire, doux, aimable. » — « Il fait souffrir son père, sa mère, ses frères, ses sœurs. » — « Il m'a promis de me rendre heureuse ; sois tranquille, je trouverai dans l'époux les sourires du fiancé. » — « Il vit comme si la prière, la messe, la confession, la communion, n'étaient pas des devoirs rigoureux, il a cessé d'aimer Dieu, son Créateur et son Père. » « J'en suis persuadée, il ne cessera pas de m'aimer. » — « On parle de dettes contractées dans le jeu et au café. » — « Il me l'a encore promis:

il ne jouera plus et ne boira plus, pour me faire plaisir. » Imprudente jeune fille! revêtez vos ha-

bits de noce, .allez à 1 £ mairie, à l'église, prononcer le oui solennel. Vous ne tarderez pas à le regretter, à le pleurer amèrement. Celui qui a joué et bu, jouera et boira encore jusqu'à l'ivresse.

Vos jours seront tristes et vos nuits davantage ; au lieu des paroles mielleuses que vous recevez avant le mariage, vous entendrez des imprécations, des blasphèmes. Vous serez peut-être réduite à vivre dans une mansarde, sans feu. sans pain, peut-être battue par celui qui vous fait aujourd'hui les promesses du bonheur. Quel aveuglement que celui d'une jeune chrétienne qui ne craint pas de donner sa main à un joueur et buveur, et sûrement à un impudique, car la luxure est dans le vin (1) ! Il vaudrait cent fois mieux pour elle qu'elle épousât un honnête domestique, ou un honnête berger.

Oh! oui, les noces qui ne sont pas préparées et présidées par Jésus-Christ, sont toujours préparées et faites sous l'inspiration de Satan.

Disons-le, à la honte de notre siècle : Dans beaucoup de familles, le mariage n'est plus qu'une question d'argent ; on cherche à unir deux fortunes, plutôt que deux cœurs. Si la mère est chrétienne, elle dit à son fils : « la jeune per-

(1) PROV. XX. 1.

sonne que - tu demandes lit plus de romans que de livres pieux. Elle se passionne trop pour la toilette, elle est trop légère dans-sa conduite, trop raide de caractère et oublié trop ce grand précepte : « Tes père et mère honoreras, afin de vivre Longuement (1). » Sa langue blesse souvent la charité et parfois la modestie. » — « C'est vrai, ma mère mais elle est riche. » — « Après la vertu, mon lils, la santé est le plus grand trésor pour toute la vie, et surtout pour la vie conjugale, et précisément la jeune lille est souvent malade. » — « C'est vrai encore, mais avec sa richesse, nous aurons de quoi payer les médecins et les remèdes. » — « Elle pourrait te laisser veuf de bonne heure. » — « Mais son argent ne l'accompagnera pas dans la tombe. »

Si on savait ce qui se passe de tristesse entre deux cœurs unis par l'argent ! Que de larmes sont versées plus abondantes et plus amères que celles que versent les pauvres qui manquent du nécessaire ! J'ai vu une maison pleine d'enfants, de joie et de prospérité. Au moment de leur mariage, le père et la mère n'avaient que dix francs, mais ils se marièrent dans Dieu, pour Dieu, et Dieu ne cessa de les bénir et de pourvoir à leurs besoins.

Comme nous l'avons dit plus haut, le mariage

(1) 4e Commandement de Dieu.

est un sacrement que saint Paul appelle grand,.

magnumsacramentum (1). Pour le recevoir saintement, il faut une vocation céleste, une instruction suffisante, une intention droite, un cœur purAvant de donner le oui, ce lien que la mort seule; doit briser, les Tobie et les Sara de la loi nouvelle .réfléchissent beaucoup, prient beaucoupAmis du Dominus vobiscum, voulant plaire à Dieu qui va les bénir, ils conservent la sainteté dans leurs paroles, dans leurs regards, leurs pensées et leurs actions. Leur examen de conscience est très sérieux, ils se confessent commela veille de leur première communion, avec la même sincérité, la même contrition. Leur communion est aussi fervente que celle des novices qui se proposent de vivre et mourir à l'ombre d'un cloître. Si donc pour se sanctifier dans le cloître, des Trappistes ont besoin de Dieu, peuton, sans lui, se sanctifier dans le mariage? Cela n'est pas possible. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire (2), » a dittle divin Maître. Avec lui, le mariage est un fardeau léger, mais sans lui, il est écrasant.

Le jour venu, les bons chrétiens se préoccupent peu de toilette, de festin, de musique, dedanses. Leurs pensées sont plus hautes. A l'heure

(1) Saint Paul, aux Ephés. v, 32.

(2) Saint Jean, xv, 5.

solennelle, près de l'autel où ils ont fait leur première communion, non loin de l'endroit où l'on déposera un jour, prochain peut-être, leurs dépouilles mortelles, sous les yeux mouillés de larmes d'attendrissement de leurs parents et amis, ils promettent de s'unir, de s'aimer en Dieu, pour Dieu, l'éternité.

En devenant époux, le vrai chrétien prend la résolution de rendre à son épouse son autorité douce et aimable, et la pieuse femme que Dieu lui donne en récompense de ses bonnes actions (1), fera revivre dans la maison de son époux la fidélité de Sara et l'amabilité de Rachel.

Pour rendre à la France ce qu'elle a perdu de paix, d'ordre, de gloire et de bonheur, il suffirait de la ramener aux idées religieuses, à l'amour du Dominus vobiscum qu'elle n'a plus. Dès lors, les vieux parents, la commune, la patrie auraient des cœurs pour les aimer, des bras pour les protéger.

0 France ! tes plus grands ennemis ne sont pas ceux qui t'ont pris ta gloire, cinq milliards et deux provinces ; tout cela ne vaut pas la foi de tes enfants, cette foi qui console en face d'une tombe où va descendre un père, une mère, un époux, une épouse, un enfant, un ami ; cette foi qui nous montre dans Jésus-Christ un frère, dans

(1) Eccl. xxx, 26.

Marie une mère, dans le ciel une patrie; cette foi enfin, nécessaire à nos âmes comme le soleil l'est à nos corps.

Tes ennemis, ô France bien-aimée ! ce sont ceux qui osent dirent si effrontément: Pas de prêtre à la naissance, Pas de prêtre à l'école, Pas de prêtre au mariage, Pas de prêtre à la mort.

C'est-à-dire: naître comme les bêtes, s'unir comme les bêtes, mourir comme les bêtes. En rêvant une France pareille, nos libre-penseurs se croient encore des hommes de progrès. Vraiment ! Ils sont en progrès d'une folie dont les sauvages eux-mêmes ne seraient pas capables.

Dans l'excellent petit livre intitulé: Directoire de la femme chêlienne, on lit : Pour le mariage cinq choses sont à considérer : Les principes religieux, le caractère, la réputation cle la famille, la sayifé, la fortune.

1° LES PRINCIPES RELIGIEUX. — Les cœurs sont toujours très mal unis lorsqu'ils ne le sont pas en Dieu, pour Dieu, pour l'éternité. Loin de Dieu,.

point de bonheur:, on souffre, on pleure, sans consolation, sans espérance, aussi bien dans les palais que dans les chaumières. Un roi, sans Dieu, n'est qu'un esclave du démon, en route pour l'éternel abîme.

2° LE CARACTÈRE. — La pauvre maison de

Nazareth était l'image du ciel. On n'y entendait aucune parole dure, ni amère. Une paix sans nuage faisait le bonheur de tous parce qu'ily avait là trois caractères très heureux, celui de Jésus: -celui de Marie, celui de Joseph. Quel époux oserait parler de sa félicité si, aux sourires gracieux de sa fiancée ont succédé presqu'aussitôt les mutineries et des bouderies incessantes? Elles ne sont pas rares non plus les femmes qui pleurent en se disant tout bas : « Je le vois bien, j'ai épousé un mauvais -caractère. »

3° LA. HÉPUTATION DE LA FAMILLE. — Grâce à Dieu ! la réputation de la famille est encore regardée comme le plus beau patrimoine. On aime à dire à ce jeune homme, à cette jeune personne : dans cette famille où vous entrez, il n'y a pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de probité, beaucoup de vertus. Dieu y règne ; son nom,

son jour y sont respectés. On y craint plus le blasphème qu'un coup de tonnerre. La foi, la pureté des mœurs, la piété filiale en font un séjour charmant.

40 LA SANTÉ. — On doit regarder la santé comme une des bases du bonheur conjugal. Avec elle, le travail est moins dur, le sommeil plus doux, plus réparateur. L'ouvrier trouve dans un morceau de pain noir plus de saveur que n'en trouvent les riches dans les grands festins préparés par les meilleurs cuisiniers. Sans la santé, tout est bien

triste, bien amer même pour les plus opulents.

Entrer donc dans une maison où il y a des maladies héréditaires, c'est ordinairement se préparer une existence de gémissements et de larmes que provoquera la vue des enfants infirmes pour lesquels il faudra bientôt peut-être des cercueils.

Voilà pourquoi, l'Eglise, intelligente et pru.dente, défend les mariages entre proches parents comme dangereux. Eu cela, les médecins sont en parfait accord avec elle (1). « Ces mariages, disentils, sont déplorables. Ils donnent généralement des enfants faibles de corps et d'esprit ; parfois des infirmes. des souds-muets, des idiots, etc. » Cette vérité, du reste, est accréditée en France, en Europe, dans le monde entier. Entre cent exemples, citons celui-ci : Au jour des noces de sa fille bien-aimée, un riche Parisien, pressant les mains d'un célèbre docteur en médecine : « Merci, mon ami ! mille fois merci ! d'être venu prendre part à notre fête de famille, lui dit-il; convenez avec moi que je suis le plus heureux des hommes. Marier ma fille unique au fils unique de ma sœur, réunir deux grandes fortunes en une seule ! M Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils s'aiment. Antoinette a dix-sept ans et Georges vingt-cinq. On le cite déjà comme

(1) Voir, à cet égard, les savantes pissertations de Belouino, Descurets, etc.

une lumière du conseil d'Etat. On leur donne aujourd'hui cent mille livres de rente, un magnifique hôtel ; on ne saurait entrer dans la vie d'une façon plus riante. » Loin de partager la joie de son riche ami, le vieux docteur soupira, puis pleura. Il voyait comme présents les malheurs qui allaient fondre sur ce jeune couple en apparence si fortuné.

Ah ! jeunesse, beauté, amour, avec cent mille livres de rente, tout cela n'est pas le bonheur.

Ecoutez la pauvre Antoinette bien vieillie avant l'âge : « Je traîne avec moi le malheur. Je suis mère de quatre enfants, et tous les quatre sont frappés d'idiotisme. L'incendie qui vient de dévorer ma maison a été allumé par un de mes fils.

Depuis trois ans, mon mari est mort de chagrin.

Moi, Monsieur, je suis venu habiter cette solitude pour me consacrer à mes quatre enfants privés de raison. Depuis quelques jours l'ainé éprouvait une agitation telle qu'il a fallu employer la force.

Il frappait, il blessait ceux qui l'approchaient.

Cette nuit, il s'est soustrait à ses gardiens et vous voyez autour de vous son ouvrage, Comprenezvous la vie que jemène, veuve avec quatreidiots ! »

A ce moment, on amena une voiture dans laquelle on fit entrer les quatre fous qui ne voulaient pas quitter le feu avec lequel ils s'amusaient.

Ah ! certes, il y a peu de mères qui pleurent comme la vicomtesse V.

5° LA FORTUNE. — La fortune, autant que pos-

sible, doit être à peu près égale, autrement le conjoint beaucoup moins riche aurait probablement bien à souffrir. Les promesses de bonheur coûtent peu à un riche fiancé. Une fois époux, il- aura pour son épouse un air et des paroles qui la rendront plus malheureuse que la femme d'un homme qui n'a pour toute richesse que ses bras et son cœur. Chaque année voit par centaine des mariages d'argent.- Qu'a-t-il? — Qu'a-t-elle ?

Voilà la première et souvent l'unique question.

Cejeune homme n'aime plus ni Dieu, ni parents, ni l'honneur. Il se dit sottement voltairien, lit romans et mauvais journaux, fréquente une société pourrie, libre-penseuse; mais il est riche, cela suffit, il est accepté pour époux.

Le caractère de cette jeune personne est bizarre, fantasque, grondeur, boudeur, hautain, revêche.

Elle ne rêve que fêtes et plaisirs. Son corps est malade, et son êtme plus encore. Qu'importe ? elle est riche, fort riche, c'est l'essentiel. Celui qui la demande a les yeux de l'intelligence bien fermés ; ils s'ouvriront bientôt et son premier cri sera: Que je suis malheureux !

L'argent est quelque chose assurément, on peut le désirer, même le chercher, mais il ne doit jamais occuper la première place dans des cœurs qu'éclairent la foi et la raison. La beauté corporelle est également peu de chose lorsqu'elle est seule. En effet, près d'une femme privée de l'in-

telligence et du cœur, un mari ne peut que souffrir.

Il n'a pas songé, l'insensé, que cette beauté physique qui l'avait séduit, sera dans quelques années couverte de rides, puis cachée dans une tombe.

Vici ce qu'a écrit un homme de grande expérience : « L'oiseau qui a étalé devant vous son plumage « étincelant de pierreries, ne fait entendre que « des cris perçants et rauques, tandis que celui a qui nous charme par l'harmonie de ses chants, « cache tout son mérite sous l'extérieur le plus « modeste.

« Certaines fleurs vous ravissent par la beauté « et la variété de leurs couleurs, mais elles n'ont « aucun parfum et parfois même elles répandent « une odeur désagréable et nuisible. Les plus « beaux arbres ne sont pas ceux qui portent les « meilleurs fruits. Tout ce qui brille n'est pas or.

« Ne vous laissez donc pas prendre à une beauté « vaine, qu'un accident, qu'une maladie, peut « faire disparaître sans retour. »

Mais si les attraits extérieurs ne'sont que les reflets des belles qualités de l'esprit et du cœur; si la jeune personne a été un ange pour son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, oh 1 alors, demandez-la, soyez saintement fier de l'obtenir. Elle sera pour vous une Rachel, à vos enfants une Monique. Elle fera votre couronne de bonheur pour le temps et pour l'éternité.

MODÈLE DE MARIAGE CHRÉTIEN.

On lit dans l'explication du catéchisme de l'abbé Guillois, le mariage d'un jeune médecin de la capitale avec des circonstances bien édifiantes.

Un de ses amis l'avait présenté à une famille, sous tous rapports fort recommandable, lui faisant espérer la main d'une fille unique, parfaitement élevée. La jeune personne fut bientôt promise au docteur aussi modeste que savant. La cérémonie nuptiale approchant, celuici vint seul trouver la mère de sa future épouse, et lui demanda à parler en particulier à Mlle Emilie. — « Cela n'est pas possible, répond-elle d'une manière obligeante, ma fille n'est pas bien depuis deux jours, elle a besoin de tranquillité. »

— « Mais madame, il m'est fort pénible de ne pouvoir m'entretenir un instant avec Mademoiselle; à peine ai-j e eu la satisfaction de la voir trois ou quatre fois en société. Jusqu'ici je n'ai point trouvé l'occasion de lui exprimer à mon aise mes sentiments et de connaître les siens. »

- Vos instances me peinent, mon cher monsieur, je vous le répète, ma fille n'est pas visible. » — « Cependant, madame, j'aurais à lui communiquer quelque chose de très important. » — Dans ce cas, je l'appellerai si vous le désirez et vous

lui parlerez en ma présence ; jamais ma fille ne s'est trouvée en tète à tête avec un homme. » -.

Mais bientôt je dois être son époux. » — « Oh !

alors monsieur, elle ne m'appartiendra plus ; jusqu'à ce moment je dois remplir à son égard les devoirs d'une mère chrétienne et prudente. »

— « Il faut donc, madame, que je vous confie mes intentions. Elevé moi-même par des parents pieux, je suis resté toujours fidèle à cette religion sainte qui vous dicte une conduite si sage. L'indifférence, qui existe malheureusement chez les hommes de mon art, a pu vous inspirer quelque défiance, mais loin de la partager, je me fais une gloire de suivre en tout point les pratiques de la foi. Plus je les étudie, plus elles me semblent grandes et respectables. Si j'ai tant insisté pour avoir avec mademoiselle votre fille un entretien particulier, c'est que je voulais sonder ses dispositions sur ce sujet et la prier de se disposer par une confession générale et la réception de l'adorable Eucharistie, à recevoir, avec la bénédiction nuptiale, toutes les grâces qui y sont attachées. »

A ces mots, la mère ne pouvant retenir des larmes de joie, se jette dans les bras du jeune médecin et lui dit: < Eh bien ! mon fils, nous communierons tous ensemble, allez voir votre épouse et dites-lui que je vous ai appelé mon fils ; allez, pieux jeune homme, vos sentiments me répondent de votre bonheur et de celui de ma fille. »

Ce docteur, chrétien ne se borna pas là. Durant huit jours il assista au saint sacrifice de la messe, afin d'attirer sur son union toute l'abondance des grâces célestes. LeR. P. Guyon ne fut point étranger à ces dispositions édifiantes ; mais ce qu'il y eut de plus beau et de plus attendrissant, ce fut de voir, le jour même du mariage, les jeunes époux à la Table sainte, environnés, l'un de son respectable père et de sa digne mère ; l'autre, de sa mère et de sa grand'mère, recevant tous ensemble avec leurs chers enfants le Dieu de consolation, d'amour et de paix.

Quel bel exemple pour les jeunes gens ! Quelle leçon pour tant de parents indifférents ou impies ! Ah ! si toutes les unions ressemblaient à celle-ci, comme la société serait tranquille et heureuse !

CHAPITRE IV

DIEU AvEC LES ÉPOUX

Quand un mariage a été préparé et célébré saintement ; quand, après de sincères félicitations au nouveau Tobie et à la nouvelle Sara, on a également sanctifié le repas des noces en ne disànt et ne chantant rien de contraire à la charité et à la modestie chrétienne, le lendemain de ce beau jour est, assurément, un lendemain sans re- mords. Le moment du départ arrivé, la jeune épouse sent bien des larmes dans son cœur et dans ses yeux, car il est toujours dur de se séparer d'un père, d'une mère, d'une maison, d'une paroisse où s'est écoulée une partie de sa vie : mais dans une autre paroisse elle entendra le même Credo, le même Pater, le même Dominus

voMscum. Fussent-ils fort loin sur une terreétrangère. fussent-ils abreuvés d'amertume comme les Israélites au bord des fleuves de Babylone, nos jeunes époux sauront se sanctifier, thésauriser pour le ciel parce qu'ils sauront prier, veiller, agir sous les regards de Dieu.

LA PRIÈRE

, Le Tout-Puissant, sans aucun doute, pourrait créer des fleurs plus belles que celles de nos parterres, des montagnes plus élevées que nos montagnes, un océan plus vaste que notre océan, un soleil plus lumineux que le nôtre, une intelligence supérieure à celle de Lucifer; il pourrait nous dispenser de la pauvreté, de la douleur et de la mort, mais il ne saurait nous dispenser de la prière. En effet, si l'homme était dispensé de prier, il vivrait dès lors et mourrait comme si Dieu n'était pas son créateur, son bienfaiteur, son père, son juge et sa dernière fin. Après sa nourriture, un animal immonde se roule dans la boue, voilà son bonheur. Le bonheur de l'homme n'est ni dans la boue des plaisirs sensuels, ni dans l'argent, ni dans les honneurs d'ici-bas, il n'est que dans Dieu. De même qu'on reconnaît la puissance des ailes d'un oiseau en le voyant s'élever dans les airs, de même avec la prière, l'homme s'élève bien haut vers le ciel, comme aussi sans

elle il .reste et vit terre à terre. Jésus-Christ, l'Eglise, le bons sens nous font un devoir de la prière. « Priez et priez sans cesse (1) », nous dit le Sauveur. On doit donc prier dans le mariage comme-dans le sacerdoce, dans un atelier comme dans un cloître, dans un château comme dans une-chaumière, Oh ! la prière! elle est la clef qui ouvre le cœur de Dieu. Si nos députés et nos sénateurs imitaient Moïse, ils parleraient beaucoup à Dieu avant de parler aux hommes. Notre tribune alors, deviendrait un petit Sinaï tout environné de lumières. Les discussions seraient calmeset sérieuses : il n'en sortirait, par conséquent, que des lois qui feraient à la fois la gloire et le bonheur de la patrie. C'est parce qu'il priait continuellement que le vénérable curé d'Ars a fait des choses si merveilleuses. Ses paroles bénies d'en haut tombaient sur les âmes, semblables àune rosée céleste. On était touché, attendri, on priait, on pleurait, on se confessait, et, dans le pauvre confessionnal de l'homme de prière, les grands messieurs et les grandes dames retrouvaient ce qu'on ne trouve guère dans les beaux salons : joie et bonheur.

Pour des époux qui commencent et continuent à marcher ensemble devant Dieu par une prière journalière, humble et fervente, le mariage n'est 1

(1) Saint Paul, 1re aux Thés. v. 17.

jamais un fardeau écrasant. La prière apporte les consolations et les forces que ne saurait donner la science, ni la fortune, ni l'éclat d'un grand nom, pas même d'un trône.

Si, au lieu de parlementer avec l'ange tentateur Eve avait dit un Deus, in adjutoriiim meum intende, le secours serait venu immédiatement, et avec lui la victoire. Nous n'aurions pas à pleurer ni à souffrir les conséquences désastreuses du péché originel. Toutefois, quoique chassés du paradis terrestre, Adam et Eve pleurent beaucoup, mais ils ne désespèrent point, parce qu'ils prient. La prière adoucit ce qu'il y a de plus amer dans l'exil, dans les larmes, dans la mort.

La prière est l'espérance de trouver un jour un Messie sauveur et de reprendre à sa suite le chemin de l'éternelle et bienheureuse patrie.

Sans être prophète on peut prédire l'avenir de deux jeunes époux. Ils seront heureux s'ils mettent en commun leurs joies, leurs tristesses, surtout leurs prières. Ils seront heureux si on les voit aller ensemble à la messe, aux vêpres, à la Table sainte ; ils seront heureux s'ils se montrent moins avides des richesses du temps que de celles de l'éternité. Près des riches demeures où des impies vivent sans prier, le pauvre qui prie n'aura peut-être point de pain, ni même un abri où reposer sa tête ; mais viendra le jour où il recevra bientôt une couronne supérieure à celle d'ici-bas,

car les têtes coùronnées sont plus ou moins déchirées par les épines, si toutefois elles ne tombent. pas sous les coups d'une émeute. Qu'il en est autrement des couronnes dues à la prière ! La mort ne peut les briser ; au ciel, les élus forment un peuple de rois pour l'éternité !

Quelques jours après son mariage, un jeune homme me disait : « Je serais bien heureux si « j'apercevais dans mon épouse un peu plus de « goût pour la prière. Elle ne sait pas tout le mal « qu'elle se prépare pour ce monde et pour l'au« tre. » Lorsqu'une femme abandonne l'exercice de la prière, elle cesse bien vite d'être aimable comme Rachel. fidèle comme Sara. Les sourires de la fiancée font place à des airs sombres ; sa parole est une espèce de tonnerre qui gronde toujours. Son mari souffre, ses enfants souffrent, ses domestiques souffrent, elle souffre elle-même et sa maison devient un enfer anticipé.

Au contraire, la femme amie du Dominus vobiscwn, éclairée et fortifiée par la prière, est un des plus riches trésors que le Ciel puisse donner à un époux, à la famille. Tout en elle est une prédication permanente des vertus chrétiennes : la douceur de son caractère, la modestie dans sa parure, l'humilité dans ses paroles, sa patience dans les épreuves, son zèle pour lagloire de Dieu, sa charité, sa bonté envers tous et surtout pour les pauvres. Le monde entier connaît ce qu'a fait

sainte Monique par la prière, et par ses larmes.

Il n'y a pas longtemps, un mari brutal et impie semblait porter dans l'éternité la responsabilité de sa mauvaise conduite, quand tout à coup il demande à se confesser. Rayonnant d'une sainte joie après avoir reçu son Dieu qu'il avait tant outragé, il dit en montrant son épouse : « Voilà mon ange gardien, je lui dois la paix et le bonheur de mon âme. » Oh ! ils sont nombreux les époux conduits àla vérité, à la vertu, au Seigneur, au ciel, par les prières d'une femme pieuse.

Le besoin de la prière se fait plus sentir encore alors que les époux chrétiens s'aperçoivent qu'ils vont devenir père et mère. Ils prient avec une ferveur nouvelle pour mériter les bénédictions et les lumières d'en haut, si nécessaires à l'accomplisment des grands et nouveaux devoirs de la paternité et de la maternité.

LES DEVOIRS -

Nous l'avons déjà dit, le mariage est une institution bien antérieure à toutes les institutions fabriquées par les hommes en France et ailleurs.

Il remonte au paradis terrestre. Dieu ne voulant pas qu'Adam fût seul, lui donna une compagne intelligente comme lui, et comme lui, destinée au bonheur et à l'immortalité. Qui ne sait le

drame lamentable qui se passa autour de l'arbre de la science du bien et du mal ? Devenus mortels parce qu'ils étaient devenus coupables, Adam et Eve ont transmis à leur postérité toutes les grandes misères de l'esprit, du cœur et du corps qui affligent l'humanité.

Plus tard vint le déluge, et malgré cette terrible leçon, les hommes furent pires qu'auparavant. Ils se livrèrent à l'idolâtrie et par elle, aux monstruosités les plus incroyables. Le mariage dès lors perdit tout souvenir de sa sainteté primitive et loin d'être l'union de deux cœurs faits pour s'aimer et supporter mutuellement les peines de la vie, il n'était plus que l'union d'un tyran avec une esclave.

Ecoutez les paroles d'un Gaulois ; elles résument la doctrine de tous les païens même les plus civi lisés: « Chez nous, la femme n'est pas notre égale. Nous avons sur elle et nos enfants droit de vie et de mort. A nous, le métier des armes, nous n'eu connaissons pas d'autre. A elle, le soin de l'agriculture et des travaux nécessaires à notre subsistance. Esclave, elle doit travailler pour son maître tant qu'il vit, et, à sa mort, s'immoler sur son tombeau pour le servir dans l'autre monde. II Un grave Romain répudiait sa femme parce qu'il l'avait trouvée non voilée dans la rue ; un autre, parce qu'elle n'avait plus d'argent à lui

donner. Ce que le païen aimait dans son épouse n'était pas la beauté de l'âme, mais celle du corps.

Aussi la malheureuse venait-elle à prendre quelques cheveux blancs, ou des rides, il la condamnait à être l'esclave de sa rivale, LU la renvoyait, ou bien la vendait à un prix inférieur à celui d'un vil animal.

Et aujourd'hui encore, dans les vastes contrées de l'Orient et de l'Afrique, là où n'a pas encore pénétré le flambeau de la foi, l'épouse est la plus malheureuse des créatures, regardée comme un instrument de passion brutale et comme une machine de peine.

Dieu soit loué ! le grand restaurateur de la dignité de l'homme ne pouvait oublier celle de la femme. Jésus-Christ Sauveur est venu la replacer à la hauteur d'où le hideux et féroce paganisme l'avait fait tomber. Le Dominus voblscum est pour la femme comme pour l'homme ; il lui apporte tout ce qu'il faut de lumière à l'esprit et de vertu au cœur pour faire de la mort le chemin de l'éternelle vie. La trompette du jugement qui sonnera le réveil sur le tombeau des hommes, le sonnera aussi sur le tombeau des femmes. Comme les hommes, elles se lèveront toutes pour un éternel opprobre ou pour une éternelle gloire. En élevant le mariage à la dignité de sacrement: souviens-toi, ô homme, dit le Christ Sauveur, que l'épouse, sous ma loi, n'est ni une esclave, ni une

domestique, mais une aide, une amie pour te rendre la vie moins dure, un autre toi-même.

« Epoux, dira plus tard le grand Apôtre des nations, aimez vos épouses comme Jésus-Christ a aimé l'Eglise (1). » C'est-à-dire : aimez pour le temps et pour l'éternité, non en paroles, mais en actions. Voilà pourquoi, obéissant à la voix de saint Paul, qui est celle de Dieu, grand nombre d'époux travaillent avec ardeur au bonheur temporel et spirituel de leurs épouses. Ils remplissent ensemble tous les devoirs du chrétien et, portant le même jugement sur les plaisirs ruineux et scandaleux du monde, ils versent dans leur caisse d'épargne, en prévoyance des infirmités et de la vieillesse, ce qui reste des fruits de leurs travaux après avoir fourni aux besoins de la communauté.

Tout récemment, une bonne veuve faisait ainsi l'éloge de son mari: « Tout le temps que j'ai vécu avec lui, il ne m'a pas clit une seule parole désobligeante ; je lui dois quarante ans de bonheur. » C'est que cet époux si justement regretté, avait aimé son épouse dans Dieu, pour Dieu, pour l'éternité.

Oh ! qu'il en est autrement quand un époux vit dans l'oubli de Dieu et de ce qui conduit à lui, comme la prière et les sacrements 1 C'est à leur place le blasphème et la fréquentation du cabaret,

(1) Saint Paul, aux Ephés. v. 25.

cette ruine de la famille et de la société aussi bien que de l'individu. Pauvre épouse, elle n'a plus à manger qu'un pain trempé de larmes, heureuse toutefois si elle conserve sa foi et sa confiance en Dieu!

L'ÉPOUX PARESSEUX

Au faubourg Saint-Antoine, rue Sainte-Maiv guerite, à Paris, vivait il y a quelque temps, une famille composée du père, de la mère et de deux enfants, savoir : une petite fille âgée de sept ans et un petit garçon plus jeune de dix-huit mois. La mère, Geneviève Dumont, mariée à François Verrier depuis une douzaine d'années, n'avait apporté, à , son mari que son trousseau d'ailleurs fort convenable, un joli mobilier et quelques centaines de francs; mais elle compensait largement ce qui lui manquait du côté de la fortune, par un aimable caractère et les qualités les plus précieuses. C'était un trésor, mais que François Verrier, comme bien des maris, hélas ! ne savait pas apprécior à sa valeur. François était ouvrier ébéniste en chambre, ouvrier excellent, rare même en tant qu'habileté, et on.le recherchait ponr les pièces qui exigeaient un goût délicat. Malheureusement le travail régulier, persévérant, était insupportable à François ; quand il avait pendant trois ou quatre heures poussé le rabot avec zèle et tenu le ciseau, il jugeait

sa journée faite : l'air de l'atelier le gênait, il lui fallait aller respirer l'air du dehors; mais, au dehors, il rencontrait des camarades, des ouvriers enclins comme lui à la flânerie. Pourvu qu'il ne travaillât point, il était content et peu de chose suffisait à le distraire et à l'amuser. Paresseux avec délices, selon l'expression du poète comique, il regardaitdes heures entières des voiturespasser, étendu sur un banc du boulevard, ou bien accoudé sur le quai aux fleurs, il s'oubliait indéfiniment devant les pêcheurs à la ligne. François avait ce que les ouvriers appellent les côtes en long. La gêne arriva dans le ménage. Les bij oux de la femme, ses meilleures robes, le linge, les effets mobiliers furent portés au mont-de-piété, ou vendus avec perte. Le pain lui-même devenait rare. A la vue d'une si profonde misère, François pleurait parfois avec sa femme et ses enfants ; il promettait de devenir plus laborieux. Sa vieille habitude de paresse revenait toujours et avec elle une misère plus grande.

Pauvre mère, pauvre petite Henriette, sous sa mince robe d'indienne rapiécée, dans une chambre sans feu, sans pain ! Pour faire quelques pas, il lui fallait le bras de son frère. Un soir, dan.s son petit lit de douleur, la pauvre enfant fit entendre un de ces cris qu'un cœur de mère n'entend jamais sans être profondément déchiré: Ah! maman, que j'ai faim! A cette exclamation, la mère répond

par un sanglot; le désespoir se présente, elle n'y succombe bas; la pensée de Dieu, la pensée de sa

pauvre Henriette lui donne du courage. La voilà sur le boulevard; elle chante, plusieurs passants s'arrêtent et mettent dans la main de l'infortunée chanteuse une pièce de monnaie. Ses mains dans ses poches, la pipe à la bouche, à la manière des flâneurs, François arrive près de sa femme, la reconnaît et lui saisissant vigoureusement le bras, il s'écrie: que fais-tu là, malheureuse? — Ce que je fais., ce que fait une mère qui ne peut pas laisser mourir de faim les enfants auxquels il manque un père.

Puis, voyant qu'autour d'eux un groupe se formait, elle prit le bras de son mari et l'entraîna brusquement dans la rue voisine. François à qui , sa conscience intérieurement ne ménageait pas les reproches, se laissa conduire par sa femme n'osant pas l'interroger. Ils arrivèrent à leur maison, montèrent l'escalier, et, à travers la porte, ils entendirent comme un gémissement. La mère se hâta d'ouvrir et d'allumer la mince chandelle qu'elle avait eu soin d'acheter avant de monter. A cette faible clarté, le spectacle le plus déchirant s'offrit à ses regards. Sur le chétif grabat où sa fille était étendue, elle l'aperçut plus pâle que jamais, ses yeux presque éteints et fixes, et tendant vers sa mère ses petits bras amaigris, la tête soutenue par son frère qui pleurait à chaudes larmes.

La pauvre mère montra à son mari le groupe désolé, par un geste piteux qui semblait dire : voilà votre œuvre ! — Ma. a. man, murmura la petite fille, d'une voix à peine intelligible, viens m'embrasser, viens, oh 1 je croyais bien que. la bonne Vierge que j'ai taDt priée t'a ramenée a. avant. avant. Elle n'acheva pas. A ce moment Geneviève se penchait vers elle et la couvrait de ses baisers, les yeux de l'enfant se fermèrent; on entendait un soupir qui semblait le dernier, et le mari sentit soudain le petit corps glacé de ce froid terrible qui annonce que la vie s'est retirée.

A la vue de sa chère enfant sans mouvement, la mère eut le cœur percé comme d'un glaive ; ses larmes qui coulaient brûlantes s'arrêtèrent soudain, laissant tomber le corps sur le grabat, elle s'affaissa sur ses genoux, les bras pendants, contemplant son enfant dans un silence morne, avec le visage, avec le regard dont nulle langue humaine ne saurait rendre la désolation.

Son mari que la honte, le remords, la conscience de ses torts avaient d'abord arrêté, contemplait lui aussi comme anéanti cette poignante scène. La vue de sa fille étendue là inanimée, et de sa femme brisée par la douleur, remuait enfin les fibres engourdies de son cœur ; il se sentait devenir vraiment père et torturé par d'affreux déchirements. Cependant, moins abattu que sa

femme, il ne voulait pas croire encore à un malheur irréparable. Il lui dit en se penchant vers elle, et avec l'accent de l'affection: Mais, mon amie, tu te laisses aller au désespoir comme si tout était fini, peut-être as-tu tort !

La pauvre mère qui ne doutait plus de son malheur tressaillit en entendant cette voix ; car c'était la voix de celui qu'elle accusait d'être le bourreau de sa fille. Furieuse comme une lionne à laquelle on vient de ravir ses petits, elle se dresse avec un regard qui lançait des éclairs, avec un geste menaçant et un accent sauvage, et dit à François terrifié : Ma fille. rends-moi ma fille! ah 1 misérable, tu me reproches de la plaurer, toi infâme qui l'as tuée!. — Mais mon amie. — Tu vois, tu vois, morte! oh! bien morte, et par ta faute, morte de faim 1 ô mon Dieu ! qu'as-tu à dire pour ta défense ? N'as-tu pas deux bras comme les autres et un bon métier dans les manis, et tu la laisses mourir de faim!. lâche, lâche! ô mon Dieu 1 Et c'est le père de mon enfant !

Et l'infortunée se laissa tomber à terre fondant en larmes. La violence n'était point dans son caractère. Son mari attéré par ces foudroyants reproches qu'il sentait trop mériter, s'agenouilla sans rien dire au pied du lit et en essuyant d'une main de grosses larmes, il souleva de l'autre l'enfant. Soudain il tressaillit. Sur les joues

pâles de l'enfant il avait cru voir une rougeur inespérée et il lui semblait qu'un soupir avait glissé à travers les lèvres moins serrées ; il mit la main sur le cœur, on y sentait un battement léger. Hors de lui, il prit la main de sa femme et la plaça sur le cœur de son enfant. Quand la pauvre mère sentit sous ses doigts le furtif mouvement, en même temps qu'une douce chaleur, et surtout qu'elle entendit ce murmure : Maman f maman ! folle de joie, elle ne sait que se précipiter sur sa fille et l'embrasser, ne remarquant même pas qu'elle disait: j'ai faim.

Le père ému lui aussi, et plus calme, comprit que c'était un dernier effort de la nature pour disputer à la mort sa victime ; il comprit qu'il fallait la seconder. Dans un verre se trouvait un peu de vin que la mère, avant de monter, avait eu soin d'acheter ainsi qu'un peu de sucre qu'il mit dans une cuiller; puis écartant sa femme qui le regardait avec une sorte de stupeur, il approcha le cordial des lèvres de l'enfant. La petite le prit avec empressement et parut fortifiée. Une seconde cuillerée lui fit plus de bien encore. Le père alors, dans un peu de vin coupé avec de l'eau, fit tremper de la mie de pain que l'enfant mangea, et bientôt elle put dire, en souriant plusieurs fois : Ah ! papa, que c'est bon !

petit père, que c'est bon! j'avais si faim, val encore. je t'en prie. Mais le père crut prudent

de borner l'enfant à ce léger repas. Non. petite, dit-il, en ce moment cela te ferait mal ; plus tard nous verrons, quand tu auras dormi ; tâche de dormir. — Oui père, je sens qu'à présent je dormirai bien quand vous m'aurez embrassée, dit-elle avez un ravissant sourire.

- Le père et la mère se penchèrent à la fois sur l'enfant, et leurs têtes se rencontrèrent au-dessus de la sienne. Tous deux, ils avaient les larmes dans les yeux, tous deux, sur leurs lèvres, un sourire de bonheur. L'épouse, la première, prenant les mains de son époux et le regardant avec une expression de tendresse lui dit avec un accent où passait le cœur tout entier ? Mon ami, mon ami, tout à l'heure j'ai été pour toi bien eruelle, mais j'étais follei pardonne-moi. — Ma femme, ma chère et excellente femme, tu me demandes pardon à moi qui devrais, à genoux, te supplier d'oublier le passé. Oh ! tes reproches, je ne les avais que trop bien mérités ; mais, à l'avenir, je te promets, je te jure sur cette enfant endormie avec le sourire aux lèvres, je te le jure, je serai ce que je dois être, et mes enfants auront un père.

J'aime à ajouter que François a tenu parole ; il n'y a pas maintenant d'ouvrier plus intrépide.

Aussi, dans le ménage, plus de gêne, plus d'embarras, plus de misère. La petite chambre de la rue Sainte-Marguerite, remeublée à neuf, a

repris son air de fête. Vous seriez réjoui de voir la figure égayée et vermeille des deux enfants que Geneviève, souriante et heureuse, sans cesser de tirer l'aiguille, couvre de ses regards.

Au-dessus, l'on entend François qui, tout en poussant vigoureusement le rabot, chante quelques joyeux et honnêtes refrains, avec le contentement de l'homme auquel le cœur et - la conscience applaudissent à la fois (1).

EPOUX IMPIE

Encore plus que la paresse et l'ivresse, l'impiété est à redouter lorsqu'il s'agit du mariage.

Il vaudrait mieux mille fois voir une jeune fille descendre dans la tombe que de lui donner pdur époux l'ennemi de sa foi et de son Dieu. En effet, couchée dans son cercueil avec son innocence et sa foi, elle est à l'abri de la contagion du mal et pendant que son corps est livré à la corruption et à la poussière du tombeau en attendant la résurrection de la chair, son âme a pris son vol vers les splendeurs célestes. Aussi, combien parmi les élus, de jeunes personnes, mortes sans souillures de corps et d'âme, bénissent aujourd'hui et béniront à jamais le Seigneur de les avoir enlevées d'ici-bas à 18, à 20 ans !

(1) L'abbé Pluteau, vol. iv, 446.

Il y a de quoi frémir à la pensée d'une jeunefille que des parents imprudents sacrifiant à un impie. Marié, il croira volontiers travailler au bonheur de son épouse en arrachant à son âme ce qu'il appelle de misérables préjugés ; l'amour de la prière, de l'Eucharistie, la Foi. l'Espérance, la Charité, Dieu enfin. Pour arrivera ce but satanique, il la produit dans le monde le plus corrompu, a sans cesse à la bouche des propos dégoûtants et lui fait lire les romans, les journaux les plus infâmes. La jeune mariée ressent insensiblement les effets du poison moral, elle prie moins, fréquente moins les exercices religieux, puis abandonne la confession, la communion. Le Dominais vobiscum n'est plus pour elle ce qu'il était autrefois. Il lui en coûte assurément de rompre avec lui, il lui en coûte de dire adieu à la foi de ses pères, de croire que l'Eglise se trompa et non son mari ; la lutte est vive encore dans son esprit entre la vérité qui est Jésus-Christ et le mensonge dont Satan est le père. Oh ! vivre de Jésus-Christ, c'est déjà le ciel sur la terre, tandis que sans lui on éprouve toujours quelque chose d'infernal, même dans les châteaux, même sur le trône. Au souvenir donc de ces grandes vérités, la pauvre femme soupire, gémit et pleure, mais toujours poursuivie par la raillerie et le sarcasme de l'impiété, elle finit par succomber, sa foi n'ayant pas des

racines assez profondes. Dès lors, les larmes cessent, l'intelligence s'obscurcit, le cœur se corrompt et le naufrage de la foi entraîne celui des mœurs. C'est une libre-penseuse de plus dans le monde. Voyons-la à l'œuvre: Comme elle a oublié son Dieu, elle oublie de même son mari, ses enfants, ses domestiques et étonne par ses scandales. Le public parle, les enfants rougissent de leur mère, l'époux gronde, se fâche, menace ; ce n'est plus temps. Il recueille le fruit de ses leçons d'athéisme. Plus de bonheur domestique ; puis, quand les misères du temps finissent, les supplices de l'éternité commencent pour ne finir jamais. C'est là que les plus fiers librepenseurs, ceux qui disent : Ni Dieu, ni Maître, sentiront éternellement sur leur poitrine brûlante le poids de la justice divine.

ÉPOUX AVARE

Avarice et bonheur sont deux choses qui n'existent jamais ensemble sous le même toit. La maison d'un avare est une maison où rien ne peut calmer la plus terrible des soifs, celle de l'or.

Oui, donnez à un avare autant de pièces d'or qu'il y a de feuilles dans la forêt, de grains de sable sur le bord de la mer, il vous en demandera encore, parce que sa soif tient au délire qui l'empêche de voir qu'il a un Dieu à servir, une

âme à sauver, un enfer à éviter, un paradis à gagner. Il regarde comme perdu le temps consacré à la prière et aux autres devoirs religieux. Il disputera au Seigneur le droit de lui imposer un jour de repos par semaine. Le dimanche, l'ouvrier avare prendra le chemin de l'usine, et le cultivateur, celui des champs au lieu d'aller à l'église. Lamentable spectacle que ne peuvent donner les avares de l'Amérique, par exemple, parce que les magistrats, bien que républicains, veillent encore sur l'antique loi du Sinaï. Judas, dans un délire d'avarice, a vendu son Dieu et son maître pour trente pièces d'argent. Les avares d'aujourd'hui vendent à meilleur marché, tantôt pour trois francs, tantôt pour deux, quelquefois même pour quelques centimes, leur âme créée à l'image de Dieu, rachetée par le sang d'un Dieu, destinée à jouir éternellement de la gloire de Dieu. C'est un élu de moins, un réprouvé de plus. Quel marché! il attriste le ciel, il réjouit l'enfer.

Si du moins, au prix de son âme, l'avare pouvait gagner un ami, un peu de bonheur !. Mais non. Bonheur et avarice sont deux choses essentiellement contraires, aussi contraires que le feu et la glace.

L'avare compte autant de jours d'inquiétude qu'il y en a dans l'année, et cette inquiétude aug-

mente plus ou moins selon les^açcidents et les

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sinistres qui rendent plus ou moins difficile la rentrée de ses rentes. Et puis, lorsque usés par le travail encore plus que ,par l'âge, ses bras ne peuvent plus rien faire, il n'est pas jusqu'à ce repos forcé qui ne devienne pour lui un nouveau et terrible supplice. Vivre sans travailler ? mais il lui faut diminuer le trésor de quelques pièces ; non : il préfère mourir.

Il y a peu de temps, un vieillard couvert de haillons mourait de faim sur un grabat près d'un coffre renfermant plus de cent mille francs. Nous avons plaint l'épouse d'un paresseux, celle d'un ivrogne et celle d'un impie, plaignons aussi celle d'un avare. Dieu seul connaît l'étendue de son malheur. On lui reproche de n'être pas assez laborieuse, ni économe, on lui reproche le sou qu'elle donne aux pauvres, le temps qu'elle passe au confessionnal et à la messe ; on lui reproche enfin les courts instants où, agenouillée au pied du Crucifix, elle lui demande force, courage et persévérance.

Pauvre femme ! sous ses habits de noces, elle souriait en s'entendant appeler-du nom d'épouse, elle croyait au bonheur et voilà que l'avarice de son époux en fait une esclave, comme une martyre. Ses bras seront bientôt usés par la fatigue, son cœur brisé de chagrin, et les enfants devenus avares comme leur père, ne la regarderont plus que comme une machine inutile et désireront pour elle une place au cimetière.

L'époux véritable est celui .qui n'est ni paresseux, ni ivrogne, ni impie, ni avare, mais qui aime son épouse dans Dieu et pour Dieu. Nouveau Tobie, il fait descendre du ciel ce qu'il lui faut de lumière et de courage pour remplir ses devoirs. Quelque bon chrétien qu'il soit, il reconnaît néanmoins qu'il n'est pas parfait et la connaissance de ses défauts le rend indulgent envers ceux de son épouse. Il sait qu'elle n'est pas plus impeccable que lui, que fille d'Eve, elle peut se détourner de Dieu en écoutant le tentateur et tomber. Fait-elle une chute ? il lui tend une main charitable, c'est-à-dire que, par ses paroles, ses avis et ses conseils pleins de sagesse et de douceur, il la ramène au devoir. Profondément touchée de ce qu'il y a de miséricorde et d'amour dans le cœur de son époux, la femme coupable a honte d'elle-même, elle soupire, elle pleure et redevient ce qu'elle était aux premiers jours de son mariage, douce, modeste, soumise, fidèle, et dira éternellement : j'ai trouvé dans mon époux plus qu'un ami; j'ai trouvé un sauveur.

MODÈLE D'ÉPOUX CHRÉTIEN. SAINT ISIDORE

Saint Isidore naquit à Madrid, en Espagne.

Ses parents qui étaient pauvres, mais remplis de piété, lui inspirèrent par leurs exemples et leurs instructions l'horreur du péché et l'amour

de Dieu. Leur peu de fortune ne leur permit pas de le faire élever dans l'étude des sciences ; mais l'enfant n'y perdit rien du côté de la vertu. S'il fut privé du secours des bons livres, cette privation fut suppléée en lui par les communications du saint Esprit que méritèrent sa simplicité et son humilité. Il saisissait d'ailleurs toutes les occasions qui se présentaient d'écouter la parole divine, et les instructions qu'il entendait faisaient sur son âme des impressions d'autant plus profondes que le désir qu'il avait de s'instruire était plus pur et plus ardent. Sa patience à supporter les injures, sa douceur à l'égard de tous ceux qui lui portaient envie, sa fidélité à obéir à ses maîtres, son exactitude à prévenir tout le monde, même dans les choses indifférentes, son attention à servir les autres, lui firent remporter une victoire complète sur ses passions. Il confondait par sa conduite ceux qui prétendent que les occupations extérieures ne laissent point de temps pour vaquer aux exercices de la piété chrétienne.

Il faisait de son travail un acte de religion en s'y portant avec un esprit de pénitence et en se proposant l'accomplissement de la volonté de Dieu.

Plus il était pénible, plus il lui devenait cher parce qu'il lui paraissait plus propre à dompter la chair et qu'il devenait la matière d'une pénitence plus parfaite. En labourant la terre, il était pénétré de l'esprit des anciens anachorètes. Tan-

dis que sa main conduisait la charrue, son cœur conversait avec Dieu, avec les anges, et les saints.

Tantôt il déplorait ses misères et celles des autres hommes, tantôt il soupirait après le bonheur du ciel. Ce fut par cet amour de la prière, joint à la pratique continuelle de l'humilité et de la mortification, qu'il acquit cette sainteté éminente qui le fit admirer de toute l'Espagne.

Il se mit, dans sa jeunesse, au service d'un gentilhomme de Madrid, nommé Jean de Vergas, pour labourer la terre et faire valoir une de ses fermes. Il épousa une fille très recommandable par ses vertus, nommée Marie Toribia. Travaillant de leurs mains, ils vivaient dans l'union la plus parfaite. Jamais le moindre nuage ne vint troubler la paix qui régnait au milieu d'eux, jamais l'esprit de querelle n'altéra la douceur de ce ménage béni du ciel. Supportant leurs mutuels défauts, leur demeure était le séjour de la paix.

Cependant, jalouses du bonheur que goûtaient sce deux époux, quelques personnes malveillantes cherchèrent à semer la désunion parmi elles. Marie avait l'habitude de se rendre tous les jours à une petite chapelle dédiée à la SainteVierge, tant pour y satisfaire sa dévotion que pour veiller à ce que la lampe qui y brûlait ne manquât pas d'huile. Elle y allait ordinairement seule. On lui en fit un crime. On s'efforça de persuader au vertueux Isidore que sous cette dé-

marche se cachaient des intentions coupables.

Isidore était animé de sentiments trop chrétiens et connaissait trop bien sa femme pour ajouter foi à ces calomnies. Cependant les discours devenant de plus en plus scandaleux, Isidore dut observer lui-même les démarches de sa femme.

Il le fit secrètement et après s'être convaincu luimême de la fausseté de ces discours, il prit ouvertement la défense de Toribia. Depuis ce moment, son attachement et son affection pour elle ne firent que s'accroître de plus en plus. Après la naissance d'un enfant qui mourut jeune, les deux époux résolurent mutuellement de passer le reste de leur vie dans la continence.

Isidore resta toujours attaché au même maître.

Jean de Vergas qui s'entait tout le prix du trésor qu'il possédait dans la personne d'Isidore, le traitait comme son frère, se rappelant cet avis du Saint-Esprit : Chérissez comme votre âme le serviteur qui a de la sagesse. Il lui accorda la liberté d'assister tous les jours à l'office de l'église. Le saint homme n'en abusa point. Il se levait tous les jours de grand matin pour satisfaire à sa piété et à ses devoirs.

C'est en effet une fausse dévotion que de croire plaire à Dieu en manquant aux devoirs de son état.

Isidore aimait les pauvres et les soulageait autant qu'il le pouvait. Il inspirait à son épouse

les sentiments dont il était pénétré et il la rendit aussi fervente et aussi vertueuse que lui-même.

Elle mourut en 1175, et elle est honorée d'un culte public approuvé par le pape Innocent XII.

Isidore, tombé malade, prédit sa dernière heure et s'y prépara par un redoublement de ferveur. La piété avec laquelle il reçut les derniers sacrements tira des larmes des yeux de tous les assistants. Il s'endormit dans le Seigneur le 15 mai 1170, à l'âge de soixante ans. Sa sainteté fut attestée par de nombreux miracles.

Ainsi l'amour du travail, la fuite des jeux et des cabarets, la pratique de l'humilité et de la mortification, le recueillement et l'esprit de prière, l'accomplissement fidèle de tous les devoirs du chrétien, une véritable et sincère charité pour son épouse, tels sont les devoirs d'un époux chrétien ; et saint Isidore le laboureur les a tous remplis avec une perfection rare.

DEVOIRS DE L'ÉPOUSE

Douée d'intelligence et de liberté, une jeune fille, aussi bien qu'un jeune homme, peut choisir entre l'erreur et la vérité, entre le vice et la vertu, entre Dieu et Satan. Une jeune fille qui aime le vrai, le beau, le grand comme les fleurs du printemps aiment le soleil ; une jeune fille qui préfère la nuit, le silence du tombeau à l'éclat

d'une fête mondaine, une jeune fille qui écoute avec un plaisir toujours nouveau le Dominus vobiscum. le Sursum corda ; une jeune fille, enfin. qui est un ange pour son père, pour sa mère, pour ses frères et ses compagnes, le sera aussi pour son époux. Près de cette épouse-ange, un jeune homme goûtera plus de bonheur que celui qui, en se mariant, reçoit avec des millions un coeur diabolique ; car, l'or, sans la vertu, n'est qu'un tyran plus redoutable que celui qui ne tue que le corps.

Quand donc une jeune personne pieuse est demandée pour un mariage chrétien, une sainte frayeur s'empare toujours de son âme. Avant de prononcer le oui, ce lien indissoluble, elle réfléchit beaucoup, prie beaucoup, étudie beaucoup ses devoirs futurs qui se résument en ces trois mots : Obéissance, douceur, activité.

OBÉISSANCE

Le souffle d'une tempête qui brise les blés, qui déracine les arbres et ébranle les maisons est moins à craindre que le souffle de l'indépendance, qui détruit tout bonheur en renversant toute autorité, celle du père et de la mère, celle des magistrats, celle de l'Eglise et de Dieu. Il y a un enfer parce que le souffle de l'indépendance a régné sur les Anges et sur les hommes. Le ciel

- existe parce que l'obéissance a trouvé de nombreux amis, à la tête desquels le Fils de Dieu s'est placé lui-même. Obéir donc comme JésusChrist jusqu'à la mort, voilà pour tous les mortels l'unique moyen de l'immortelle vie, de l'immortel bonheur. Pour les pauvres, pour les riches et les rois, la libre-pensée ne peut être que ce qu'elle a été pour Lucifer, le chemin du noir abîme. Les maisons les plus tristes, les maisons appelées petits enfers terrestres, sont toujours celles qu'habitent les libres-penseurs et les libres-penseuses. Aussi, un père, une mère dont l'intelligence n'est pas obscurcie par quelque passion, disent tout bas et parfois tout haut: Pour notre fils, mieux vaudrait un cercueil qu'une femme libre-penseuse.

Un jeune homme disait un jour, les larmes aux yeux : « Mon père désire me voir marié ; ce désir est tout naturel, il commence à se faire vieux et une fois établi, je pourrais plus facilement le soulager ; mais j'ai peur de me tromper dans le choix d'une épouse. Que dois-je faire afin d'éviter l'erreur? » — « Votre question est, à la vérité, embarrassante, lui répondit-on, néanmoins voici une réponse qui vous sera certainement utile : Pour le mariage, comme pour la vie religieuse, il faut une vocation, Priez beaucoup, ne vous laissez séduire ni par la richesse d'une dot, ni par l'éclat d'une beauté périssable, ni par

les promesses et les sourires, toutes choses qui ne sont pas des garanties de bonheur. Ce que vous devez rechercher avant tout, c'est l'esprit d'obéissance ; car. si une jeune personne a touj ours su obéir à son père, à sa mère, promptement et avec joie, soyez à peu près certain qu'elle l'a fait par esprit chrétien, pour Dieu, et que, devenue épouse, elle continuera à pratiquer cette vertu fondamentale de la vie domestique, et son époux pourra dire : « Merci, mon Dieu ! vous m'avez donné un trésor. »

Une femme tristement célèbre a dit et écrit plusieurs fois : Je ne me suis pas mariée parce que je n'ai pas voulu me rendre inférieure à un homme. En perdant la foi, la malheureuse a perdu en même temps le bon sens. Elle voulait, dans son orgueilleuse folie, avant de se marier, réformer le code, l'Evangile et la nature.

Parlant au nom de Dieu et de la raison, saint Paul dit à l'épouse : « Vous avez dans votre époux ce que l'Eglise a dans Jésus-Christ, un chef (1). » L'Eglise obéit, et, parce qu'elle obéit, elle est forte toujours, victorieuse toujours. Dieu seul connaît les merveilles opérées par une femme qui ne s'écarte jamais de ses devoirs de chrétienne et d'épouse. L'obéissance, toutefois, ne doit dégénérer ni en faiblesse ni en lâcheté, à

(1) Saint Paul aux Corinth.

plus forte raison en crime. Quand donc un époux demande quelque chose de contraire à la conscience, par exemple, un blasphème, un acte d'apostasie, l'épouse a le droit et le devoir de lui répondre : « Vos menaces sont moins à craindre que celles de Dieu, votre maison ne vaut pas le ciel. Après avoir dit : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes (1). » Saint Pierre a été tué, époux toujours bien-aimé, en mourant de chagrin et peut-être sous vos coups, j'irai au ciel prier pour vous comme saint Pierre a prié pour ses bourreaux. »

La fille qui craint le péché plus que la mort, voilà la seule qui puisse être au mari un aide sérieux. Quelle espérance, je le demande, de la part d'une jeune personne qui, tout occupée des beautés corporelles, beautés d'un jour, compte pour rien les beautés de l'àme, qui durent éternellement? Quelle espérance donnera-t-elle celle qui, laissant reposer dans la poussière son catéchisme, ses livres de piété, passe la grande partie de sa vie à lire ce qu'il y a de plus impie et et d'immoral dans les journaux et les romans?

Quelle espérance enfin peut donner la jeune fille qui ose dire à son père et à sa mère : « J'ai dixhuit ans, et vous voulez que je sois modeste, obéissante comme une enfant de la première

(1) Actes des Apôtres, v. 29.

communion? Priez, grondez, pleurez à votre aise, je veux vivre et vivrai indépendante et dans les plaisirs. »

Avec une femme semblable, ennemie du Dominus vobiscum et livrée à toutes les folies du siècle, un jeune époux ne tarde pas à se dire : « Que mon erreur est grande et cruelle ! je croyais épouser une aide, une amie, une autre moi-même et je n'ai épousé que le bourreau de mon bonheur. Ma femme sait beaucoup de choses, mais elle ne sait pas obéir, elle me regarde comme un étranger, comme un domestique qui n'a rien à lui commander.

DOUCEUR

Le Christianisme est essentiellement une école de douceur. Le divin Maître a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (1). > « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups (2) » la brebis conserve sa douceur, vous conserverez la vôtre dans les prisons, sur l'échafaud. Vos dernières paroles seront un Dominus vobiscum à vos bourreaux. Par sa douceur encore plus que par ses prodiges, Moïse s'est acquis

(1) Saint Mattli. iv. 29.

(2) Le même, x. 16.

un nom qui le place au-dessus des autres hommes, Vir mitissimus super omnes homines (1).

L'homme doux et patient l'emporte sur l'homme fort. Dans une prière fervente adressée à Dieu pour lui et pour son peuple, David ne parle ni de son génie, ni de son courage: « Seigneur, dit-il, souvenez-vous de David et de toute sa douceur (2). » C'est surtout par sa douceur que le grand évêque de Genève, saint François de Sales, a gagné à la foi catholique tant d'hérétiques et s'est fait un nom immortel en Europe, dans le monde entier. Louis XVI, après avoir perdu sa couronne, la liberté, va perdre la vie sur l'échafaud dressé en face du palais de ses pères. Il y monte comme Jésus-Christ au Calvaire, plein de douceur, et le royal martyr meurt en s'écriant : -« Je désire que mon sang fasse le bonheur de ma patrie. »

La colère est un des péchés capitaux. L'homme colère, l'homme haîneux est bien à plaindre, même dans un château, en ce qu'il fait souffrir tout ceux qui l'entoure et qu'il souffrè lui-même ; puis, quand les souffrances du temps finiront, commenceront pour lui des souffrances autre-

ment plus cuisantes dans la nuit éternelle, dans le feu éternel, dans un remords éternel.

(1) Nombres, VII, 3.

(2) Psaume cxxxi. I.

Plus que l'homme, en quelque sorte, la femme doit par-dessus tout pratiquer la douceur. EHe ne saurait la remplacer par la beauté, ni par l'esprit, ni par la fortune. Qui pourrait dire les orages calmés, les âmes ramenées à la vérité, au bien par la douceur angélique d'une femme 1 Une femme colère, au contraire, est plus désastreuse dans une maison qu'une tempête dans la campagne. Jusqu'à la fin du monde les épouses, les mères trouveront dans sainte Monique l'esprit qui doit régler leurs pensées, paroles et actions. De même que la nuit disparaît devant le jour et que la glace se font au contact du feu, de même disparut devant la douceur de l'incomparable chrétienne ce qu'il y avait d'orgueil , d'ivresse, de brutalité et de paganisme dans son époux Patrice. Il apprit à connaître les vérités, à pratiquer les vertus qui assurent le bonheur en ce monde et en l'autre. Au ciel, ce nous semble, elle doit être bien vive la joie d'une épouse qui reçoit cette félicitation : « Après Dieu, chère amie, c'est à toi que je dois mon bonheur ; sans toi, sans ton inaltérable patience, que serais-je devenu avec mes passions fougueuses, avec mes brutalités et mon incrédulité ? Oui, c'est à ta douceur, à tes prières et à tes larmes que je dois la foi qui a éclairé mes derniers jours, le pardon, la paix, une bonne mort, le ciel. Aussi, te diraije éternellement merci 1 A. vous, mon plus grand

merci 1 ô mon Dieu, source de tout bien, pour m'avoir donné le trésor des trésors dans une sainte épouse !

L'intérieur d'un ménage mahométan était un véritable enfer. Le pain manquait, le mari battait journellement sa femme qui lui rendait avec usure les coups qu'elle recevait. La malheureuse racontait un jour sa triste vie à une chrétienne.

Cette dernière l'exhorte à la patience et l'engage à se convertir. La fille de Mahomet ne refuse pas et lorsqu'elle est suffisamment instruite, elle est présentée au missionnaire qui veut la baptiser.

Elle hésite d'abord. Pourquoi craindre? lui dit-il.

— « Mon mari me tuera certainement, néanmoins, je veux être baptisée, j'abandonne mon sort à la Providence. » Rentrée chez elle, — « d'où viens-tu 1 lui demande son mari. » — « Je viens de chez les chrétiens. » Saisissant aussitôt un bâton, il la frappe avec fureur. La nouvelle chrétienne, toute meurtrie, lui répond d'une voix pleine de douceur : « Frappe tant que tu voudras, je ne t'en aimerai pas moins ; tu peux me tuer, je te pardonnerai. ® Etonné de cette générosité magnanime, le mahométan s'écrie : « Comment as-tu pu changer à ce point ? » — C'est que je suis chrétienne. » « Eh bien 1 moi aussi je veux être chrétien et suivre la même voie que toi. »

Sincèrement converti, le mahométan mourut bientôt. Sa femme vit encore et sa douceur

continue à prêcher la divinité de la religion catholique (1).

Juste et heureux appréciateur des vertus de sa femme, un homme a écrit ces mots : « Je veille sur mes paroles et sur les mouvements de mon cœur. Je m'emporte moins, je jure moins ; j'aurais honte de scandaliser, de tyranniser l'angélique créature qui m'appelle son époux. » Lorsque le bonheur quitte une maison, qui le fait partir ? Souvent c'est une femme qui y apporte beaucoup de choses, excepté la plus nécessaire : l'esprit de douceur. Boudeuse, querelleuse, sa colère est au-dessus de toute colère (2). Livrée au démon de cette terrible passion, elle devient elle-même un véritable démon ; elle maudit, elle frappe et va jusqu'à tuer. C'est ainsi qu'après avoir étendu raide mort son mari d'un coup de bûche, une femme s'est écriée : a. Eh ! bien, il n'aura plus besoin de bouillons. »

En recevant cinq milliards et deux provinces, la Prusse a consenti à vivre en paix avec nous.

Il y a des femmes qui, pour tout l'o'r et toutes les provinces du monde ne consentiraient jamais à vivre en paix avec leur mari. La douceur est au-dessus de leurs forces comme la sobriété audessus des forces d'un ivrogne. On plaint beau-

(1) M. Bourgeois.

(2) Ecc. xxv. 29.

coup la femme de ce dernier, plaignons également l'époux d'une femme colère. Si donc, vous êtes intelligent et prudent, si vous êtes un Tobie, cherchez pour épouse une fille douce comme Sara.

L'ACTIVITÉ

11 ne suffit pas pour être bonne épouse d'être obéissante et douce, il faut de plus l'amour du travail et s'y adonner avec énergie. « On voit, dit la Sainte-Ecriture, croître les ronces et les épines dans le champ du paresseux. Il laisse pourrir la charpente de son toit (1). » Vous ne pouvez entrer dans la maison d'une femme paresseuse sans être attristé du désordre qui règne partout, de la malpropreté qui s'aperçoit sur les meubles, sur les vêtements , sur les mains et le visage même des enfants. Je vis un jour, sur une même table, des souliers, du pain, un peigne plein de cheveux et autres choses qui semblaient avoir honte de se trouver ensemble.

Les enfants d'une mère paresseuse n'ont aucune règle pour les repas, ni pour le travail, ni pour les récréations, ni pour le lever et le coucher. Ils ne prient pas, ou prient mal. Qu'arrive-t-il ? que la nuit se fait dans leur intelligence et que la

(1) Ecc.

corruption monte dans leur cœur. Pauvres enfants ! Ils ignorent d'où ils viennent, pourquoi ils sont sur la terre et où ils iront un jour; ils ignorent l'existence d'un ciel, d'un enfer, d'une âme à sauver. En vérité, cet état est plus attristant qu'un champ inculte. Les ronces et les épines ne fatiguent pas les regards de Dieu comme les péchés qu'une mère paresseuse laisse grandir dans l'âme de ses enfants et de ses domestiques.

Riche ou pauvre, la femme est ordinairement ministre de l'intérieur. Quand donc elle n'exerce aucune surveillance, qu'elle passe son temps au lit, aux causeries oiseuses, aux plaisirs du bal, du théâtre, naturellement tout souffre à la maison. Les dettes ne sont pas payées, on en contracte de nouvelles et on a vu s'écrouler de belles fortunes parce que la main d'une femme active n'était pas là pour les soutenir. « La femme qui devient une source de bien-être pour son époux, pour ses enfants et toute sa maison, c'est, dit l'Esprit-Saint, celle qui ne mange pas son pain dans l'oisiveté (1) » C'est, dirons-nous aussi, l'ouvrière qui se lève de grand matin en pensant à ce qu'elle doit à Dieu et à ses maîtres ; c'est la dame qui, connaissant la valeur d'une prière, d'une communion, d'une visite au Très-SaintSacrement apprend de la divine Providence à

(1) Prov. Portrait de la femme forte, ch. xxx.

être elle-même la petite providence de son mari.

de la famille et des gens employés à la maison.

Il faut voir sa tendre et active sollicitude s'étendre sur chacun et sur chaque chose, par conséquent, l'ordre, l'union, la paix et le bonheur général qui en résultent. Ami du Dominus vobiscllm, c'est-à-dire fidèle servante de Dieu, elle est par là-même la consolatrice des affligés, la mère des pauvres, quoi enfin ? la bonne dame, comme tous se plaisent à l'appeler.

Dans une maison de fortune médiocre, la femme active fait briller le luxe de la propreté, supérieur, sans contredit, à tout autre luxe.

Admirez comme tout, dans les meubles, dans les vêtements, dans les appartements et jusqu'à la basse-cour, est dans la propreté et dans un ordre parfait ! Heureux l'époux d'une femme humble, douce, active ! Il possède en elle trois grands trésors.

CHAPITRE V

DIEU AVEC LES PÈRES ET MÈRES

Paternité, maternité, voilà incontestablement deux des plus grandes dignités humaines. Un père, une mère peuvent dire à Dieu : « Nous sommes vos coopérateurs ; ce petit être vient de vous et de nous; il est vôtre, il est nôtre. Il nous dira bientôt : Père, mère, et nous lui répondrons : mon enfant. Ce n'est pas nous qui avons engendré son corps, ni donné un souflfe de vie, mais nous lui donnons la nourriture et les soins qui l'empêchent de mourir. Il a reçu de vous ce que le soleil et les étoiles nont pas reçu : une intelligence qui connaît, un cœur qui aime; mais, cette intelligence et ce cœur, c'est à nous à les cultiver pour vous et pour nous.

Nous lui disons : ( Enfant, adore Dieu, ton créateur et ton premier père ; aime-le plus quz les richesses et les plaisirs, plus que nous-mêmes, mais n'oublie pas ceux qu'il t'a donnés pour père et mère ici-bas. Tu dois les aimer, leur obéir, les assiste) dans leurs besoins spirituels et temporels. »

Malgré tout ce qu'il y a de tendresse dans nos cœurs et d'énergie dans nos bras, ajoutent encore des parents chrétiens, notre enfant n'héritera peut-être pas de notre chaumière pour y vivre et mourir ; mais, s'il vit et meurt enfant de Dieu, frère de Jésus-Christ et cohéritier de son éternelle gloire, cela suffit pour nous et pour lui.

Le mariage est béni pour peupler la terre et le ciel. Heureux les époux qui n'oublient point cette grande vérité et ne murmurent jamais lorsque Dieu vient leur dire : f Voici un nouvel enfant pour moi et pour vous 1 Saluons-le, aimons-le, élevons-le comme doit être salué, aimé, élevé un roi de l'éternelle patrie. Porté sans murmure, mais avec une sainte joie dans une pauvre maison, votre titre de père et de mère vous méritera une place à côté de ceux qui se sont sanctifiés par la virginité, par l'apostolat ou par le martyre. Au ciel des voix bien-aimées vous diront : Ici, nous n'aurons pas à pleurer sur une séparation, sur un tombeau; nous sommes réunis, riches, heureux pour toujours. » La mère, qui a gardé tout ce que

Dieu lui a mis de tendresse et de dévouement au cœur, se fait un devoir comme un plaisir de nourrir elle-même son enfant, et il lui faut des raisons bien graves pour le confier à une étrangère.

Dans ce cas, quelle prudence, quelle recherche, quelles garanties, quelle assurance elle prend avant de fixer son choix ! Quel malheur, en effet, si l'enfant vient à tomber entre les mains d'une nourrice ennemie du Dommus vobiscum ! il aura tout à souffrir. » La mort en prend un grand nombre, dit le rapport des docteurs de Paris. » Et quand le corps résiste, que devient l'âme ? Elle contracte bien souvent des mauvaise habitudes, elle reçoit le germe de ces crimes qui mènent à la prison, quelquefois à l'échafaud. ,

SOINS A DONNER AU CORPS D'UN ENFANT

Pour que le corps d'un enfant puisse se fortifier et grandir, il doit à des heures réglées recevoir une nourriture suffisante. Trop copieuse et prise trop souvent, elle l'affaiblirait etpourrait même le tuer.

Ses vêtements doivent être larges et chauds, ses mains sans maillot qui est un vrai supplice. Toute jeune vie a besoin de nombreux exercices; vouloir donc dans un enfant la tranquillité, la gravité d'un vieillard, c'est se rendre ridicule aux yeux des gens raisonnables.

On ne doit pas craindre également de voir un

enfant jouer, courir, sauter, même en fortes chaleurs comme en de grands froids, et de la part d'une mère, c'est une tendresse aveugle et en quelque sorte cruelle que de garder l'enfant au coin du feu, durant des jours, des semaines entières en hiver. Il est bon qu'il respire souvent le grand air, qu'il sente le piquant du froid, pour éviter de graves misères à l'avenir. La mollesse énerve et parfois tue de bonne heure l'enfant, sans qu'il ait eu le temps d'avoir fait quelque chose de sérieux pour la famille, pour la patrie, pour luimême.

C'est bien auprès du berceau où repose l'enfant que le père et la mère sentent mieux le devoir du travail et surtout de la prière ! Marie demandait à Dieu et à son fuseau un peu de pain pour son Jésus, pendant que Joseph employait toute l'énergie de son bras et de son cœur pour Jésus et Marie.

Modèles des pères et des mères, ils auraient travaillé la nuit comme le jour, ils auraient donné le sang de leurs veines plutôt que de voir souffrir de la faim l'enfant confié à leur garde.

Grâces à Dieu ! l'amour paternel et maternel offre encore des prodiges aux yeux de la société, principalement parmi les ouvriers. On dort peu, on mange peu, on travaille beaucoup pour avoir à donner, lorsque l'enfant se met à crier : Papa, maman, j'ai faim.

Un jour, un brave ouvrier parisien, réduit à la

dernière misère par la longue maladie de sa femme, alla jusqu'à vendre de son sang à un élève en médecine, et avec le prix reçu, courut acheter du pain pour ses enfants.

On ne lira pas non'plus, sans une vive émotion, ce trait d'héroïsme maternel :

DÉVOUEMENT MATERNEL

Sur un vaisseau partant pour l'Amérique, se trouvait une jeune dame anglaise avec son petit enfant. La traversée se faisait heureusement depuis quelques jours, lorsque survint une tempête épouvantable qui, prolongeant le voyage, réduisit les passagers à la dernière disette. On mourait de faim ; la jeune mère voyait son lait tarir et la figure de son enfant se couvrir de la pâleur de la mort. Pauvre mère ! n'ayant plus rien à donnera son enfant. Jelle s'ouvre une veine et lui donne son sang. L'enfant boit, revient à la vie ; il sourit à sa mère et la mère meurt en lui souriant.

L'Evangile, ce livre par excellence, dicté par l'Esprit-Saint, ne craint pas de nous donner pour exemple de devoir envers les enfants, la sollicitude de la poule pour ses poussins; le soin à les réchauffer, à leur chercher quelques grains, quelques vers et à les protéger au moment du danger.

Le tigre lui-même ne veut pas que ses petits aient à souffrir. Il va pour eux à la chasse, s'exposant

à tous les dangers de périr. Et, à la honte de l'humanité, il se trouve des hommes, des chrétiens bien au-dessous des animaux d'une basse-cour et du désert. Sans Dieu, sans conscience, par conséquent sans cœur, n'aimant ni l'Egliseledimanche, ni l'atelier le lundi; ils vont au cabaret manger, boire,jouer, chanter. pendant que dans la mafcon les petits êtres qu'ils ont mis au monde crient à leur mère la faim, le froid. Pauvre mère ! elle n'a à leur donner que des baisers et des larmes. Que sont devenues ces promesses d'amour et de bonheur? Le misérable! Il la laisse, sans feu, sans pain ; il reviendra après minuit dans une ivresse furieuse, l'imprécation, le blasphème à la bouche et peut-être des coups en réponse aux pleurs de la mère et des enfants. Plus triste encore est l'état d'une femme qui quitte la vertu pour le vice, Dieu pour Satan. Ella va plus loin que l'homme dans le mal. Les feuilles publiques racontaient dernièrement l'exécution sur l'échafaud d'une jeune femme qui avait tué deux de ses enfants en leur perçant le cœur avec une aiguille de bas. Les mères sans vertu, sans Dieu, sont heureusement rares, et plus rares encore celles qui se font les bourreaux de leurs enfants. Mais il est chez un certain nombre d'entr'elles, particulièrement dans la classe aisée, un excès contraire : une faiblesse, disons mieux, un aveuglement de tendresse, aussi funeste au corps qu'à l'âme de

l'enfant. C'est de l'entourer de soins exagérés qui tournent au ridicule, de l'élever dans la mollesse qui affaiblit et paralyse le développement des forces physiques, qui enlève à l'âme son ressort et pétrit le cœur d'égoïsme. Dès lors, plus d'études sérieuses, appauvrissement du sang dans les veines, absence de sentiments élevés, etplus tard, l'enfant, devenu grand, sera incapable d'occuper la place qui lui appartenait dans la société. Oublieux de Dieu, il ne sera rien, rien dans ce monde et réprouvé dans l'autre. Vous lui avez appris à manger et non à travailler, à dormir et non à veiller, à céder et non à vaincre, à végéter et non à vivre; votre système de mollesse aura tout perdu. Poursuivons en effet les suites de cette funeste éducation: élevé dans ces principes, l'enfant dévorera bientôt le patrimoine comme on dévore un fruit. Pauvre père! pauvre mère! quel déboire amer vous attend sur vos vieux jours! le peu que vous laisserez à votre prodigue ne suffira pas à payer ses dettes, heureux d'une autre part, si, avant de mourir, vous n'avez pas la douleur inénarrable de voir aussi votre fille vendre pour contenter sa vanité, ou apaiser sa faim, avec son honneur, celui de sa famille.

Pères et mères, voulez-vous faire de vos enfants l'appui et l'honneur de votre vieillesse ? Elevezles dans l'amour de la prière, du travail, de la sobriété, de l'humilité et de la chasteté. Malgré

les inventions et les progrès qui pourraient encore illustrer le génie de l'homme, la terre restera toujours une vallée de larmes et de tombeaux pour ceux qui gouvernent comme pour ceux qui sont gouvernés, pour l'habitant du château comme pour celui de la chaumière. Aimez et faites aimer à vos enfants le Dominus vobiscmn, le Sursum corda, qui nous assurent, après la traversée de cette misérable vie, les joies et les délices éternelles du ciel.

Ecoutez les leçons données par un grand moraliste : Habituez vos enfants à supporter le froid, la chaleur ; l'exercice leur est fort salutaire. Laissez-les en toute liberté courir, sauter, se rouler sur le gazon ; aimez à les voir, une petite bêche, un râteau à la main. Le bruit, le tapage qu'ils font ne doivent point vous mettre en mauvaise humeur, encore moins vous engager à leur imposer la tranquillité d'un vieillard, ou le silence d'un trappiste. Les enfants sont ordinairement gourmands, friands, attachés à leur ventre; appliquez-vous à corriger ces défauts, accoutumez vos enfants à la sobriété, et ne vous laissez pas prendre à leur habitude de crier la faim; réglez leurs repas, donnez des aliments simples et sans trop d'apprêt; point de pâtisseries, de sucreries, de mets recherchés, toutes choses propres à irriter l'estomac, à lui donner le germe

de maladies chroniques, moins encore des liqueurs, du café et du vin pur. Que ce dernier soit en petite quantité et toujours avec de l'eau, Oh 1 que d'enfants de familles riches restent chétifs et vivent peu de temps, victimes de la tendresse folle et insciemment cruelle de leurs mères, tandis qu'on voit, au contraire, ceux de l'ouvrier, du cultivateur et du pauvre grandir, forts, vigoureux, par un régime sobre, où le pain, n'ayant souvent pour assaisonnement qu'un bon appétit, est mangé avec un plaisir que ne goùte pas l'enfant du riche dans les viandes les plus délicates.

SOINS SPIRITUELS

Abandonné à lui-même, un petit enfant ne saurait que souffrir et mourir. La négligente mère qui, loin de lui donner son lait, son affection, lui donnerait du poison et des coups, encourrait assurément la malédiction publique, même celle des sauvages. Et cependant combien est plus barbare la mère qui empoisonne l'âme de son enfant 1 La malheureuse 1 elle n'aime les siens qu'à la manière des bêtes. Elle se persuade que tôt ou tard son enfant sera un cadavre, puis une poignée de poussière qui deviendra néant.

Elle ne sait pas, ou ne veut pas savoir que l'âme d'un enfant, fût-il le plus pauvre, le plus disgra-

cié de la nature, surpasse en richesses, en splendeurs, les fleurs, l'or, les diamants les plus rares, le soleil lui-même. Le soleil, après tout, n'a qu'une lumière matérielle, au lieu que l'âme, être spirituel, est riche d'intelligence, de liberté, de volonté, d'immortalité. Le soleil un jour flnira, tandis que l'âme ira recevoir la récompense ou le châtiment de sa bonne ou mauvaise conduite dans le ciel ou dans l'enfer. Qu'il est à plaindre l'enfant dont la mère n'est pas pénétrée de ces grandes, de ces sublimes et incontestables vérités : Que nous ne sommes ici-bas que pour connaître, pour aimer, et servir Dieu, qu'il nous a envoyé son Fils pour nous racheter et nous remettre sur le chemin du bien par ses exemples et ses leçons, et que ce Fils nous a laissé l'Eglise pour nous continuer ses enseignements. Quand donc une femme a rompu avec le Dominus vobiscum, quand, démon terrestre, elle porte en son cœur la haine pour Dieu, comment voulez-vous qu'elle s'occupe du salut de ses enfants? Elle cherchera plutôt à le rendre impossible.

Voici les paroles d'une mère libre-penseuse: « J'entends que mes enfants soient comme moi ; les prêtres ne béniront ni leur berceau, ni leur mariage, ni leur tombe. » Ne sont-elles pas aussi des démons incarnés, celles qui préfèrent pour les enfants, aux écoles où il y a le crucifix et l'image de Marie, où l'on apprend le caté-

chisme, où l'on chante des cantiques, les écoles où l'on hurle la Marseillaise, où l'on demande du sang pour arroser les sillons de la patrie ?

N'étaient-elles pas, en effet, de véritables démons terrestres, ces femmes, ces mères qui sollicitaient le plaisir infernal de boire et de danser avec les égorgeurs de l'Archevêque de Paris et des prêtres compagnons de son martyre? Oh t que la femme est hideuse et dégradée lorsqu'elle cherche à étouffer en son âme la pensée de Dieu, la crainte de ses jugements et de l'éternité ! Il en est bien autrement d'une mère chrétienne qui, portant son enfant dans ses entrailles, a mis déjà sur son âme l'empreinte de sa foi et de son amour à Jésus-Christ. Mère par la grâce comme .par la nature, tout en elle respire la sainteté et par là même une haute raison, ses pensées, ses paroles, ses actions. Comprenant la grandeur de son ministère maternel, elle se tient toujours près de Dieu par la prière et les sacrements afin, de remplir dignement la tâche aussi élevée que pénible de l'éducation.

Je puis contribuer pour la plus large part au bonheur ou au malheur éternel de mon enfant, doit se dire une mère sérieuse. Cette pensée sera une source de force et de courage dans l'accomplissement des obligations qu'impose la maternité. Ces devoirs, nous les résumerons en ceuxci : bons enseignements, bons exemples, surveillance, correction, prière.

BONS ENSEIGNEMENTS

Sans nourriture, ou avec une nourriture empoisonnée, le corps devient bientôt un cadavre qui demande un cercueil et une tombe. Toutefois, la faim et la mort ne font jamais autant de mal à un enfant que l'ignorance. En effet, l'enfant qui grandit sans savoir ce qu'il doit à Dieu, à la famille, à la patrie, vivra en abruti, quelquefois en voleur et en scélérat. Dégagé de tout remords, il sera assassin, un vrai fléau public que la justice recherchera pour l'envoyer en prison, au bagne ou à la mort. Mais qu'il en soit certain, s'il échappe à la justice humaine, il n'évitera 14as la justice divine.

Vil flatteur des nobles et des rois, l'impie Voltaire n'aimait pas voir des écoles pour les fils de laboureurs. Il n'estimait bon et nécessaire pour eux que de savoir tenir une bêche, une charrue, conduire une voiture. Il n'aimait les paysans que parce qu'ils apportaient du blé à son château. Aux yeux du très riche et très avare Seigneur de Ferney, les bras du cultivateur étaient tout, et son âme, rien. Pauvre exilé !

il ne faut donc pas qu'on lui parle de sa patrie.

qu'on lui en montre le chemin et les moyens d'y arriver un jour?

Heureusement, Jésus-Christ n'a pas pensé

comme Voltaire ; à ses yeux, l'enfant de la chaumière et de l'atelier est frère de l'enfant du château. Tous deux ont la même origine, la même destinée ; ils reçoivent les mêmes sacrements, la même eau bénite sur leur berceau et sur leur tombe. Au ciel, la couronne du laboureur Isidore brille d'un aussi bel éclat que celle de saint Louis, roi de France. Héritière de la tendresse comme de l'autorité de Jésus-Christ, l'Eglise distribue aux enfants des riches et des pauvres, les mêmes bénédictions ; elle les appelle aux mêmes prières, au même catéchisme, aux mêmes sacrements, à la même Table eucharistique ; elle leur administre le même Viatique à l'heure suprême et chante le même cantique d'espérance sur leur cercueil. Qu'ils sont donc ennemis de la vérité, les malheureux qui crient au peuple : « Le clergé n'aime ni toi, ni tes enfants; lorsqu'il te les demande, ce n'est que pour les élever dans l'ignorance. La lumière n'est pas chez les prêtres, elle est chez nous. » Odieuse calomnie !

Les voltairiens d'aujourd'hui, il est vrai, rougiraient de penser et de parler comme leur patriarche qui refusait l'instruction au pauvre peuple ; mais ils sont pires que lui en ce qu'ils veulent que ce même peuple soit saturé d'un enseignement diabolique. Or il y a trois espèces de science : la dangereuse, l'utile et la nécessaire.

SCIENCE DANGEREUSE

La science dangereuse est celle de Lucifer se révoltant au ciel; celle d'Adam et d'Eve aésobéissant au paradis terrestre, science qui jette le trouble dans la famille et la société. La science dangereuse est celle qui rend les maîtres fiers et durs ; les domestiques, insolents et infidèles ; qui enlève aux jeunes filles la plus belle des parures, la modestie ; qui met sur les lèvres de l'enfant de quinze ans le blasphème et des paroles infâmes, comme celles-ci : « Pourquoi obéir encore à ton mère et à ta mère, à ton curé, à ta conscience, à ton Dieu? Sois donc, comme les autres, libre-penseur, libre-buveur, libre-faiseur. » Yoilà la science dangereuse, science sortie de l'enfer, la science du mal, science ennemie du Dominus vobisçuJn, science maudite qui devrait être énergiquement repoussée des cités, de la campagne, partout où il reste encore un peu de foi et du bon sens. Chose lamentable ! celle qu'on repousse est la science de la vérité, de la vertu.

On en a peur, et par cette peur, on ne lit plus les bons livres historiques, moraux, encore moins le catéchisme, la vie des saints, l'Imitation de Jésus-Christ et l'Evangile. On préfère se faire un gros bagage de science malsaine, toute de mensonges, de calomnies, d'immoralité, d'im-

piété par la lecture des mauvais journaux, des romans, des chroniques scandaleuses. On préfère le chemin du cabaret à celui de l'église, le chant de la Marseillaise au chant du Veni, Creator, le Credo de la bestialité au Credo catholique, et on appelle cela, la science du progrès !

Vraiment! ils se croient dans le progrès nos libre-penseurs en affirmant qu'ils descendent du singe et non de Dieu, en souriant de pitié aux grands génies de toutes les époques, qui ont affirmé et répandu les vérités éternelles qui font le bonheur et la gloire des nations ! »

Vils esclaves de leur maître Satan, les librepenseurs ne savent que parler de liberté tout en tyrannisant ceux qui ne pensent pas comme eux.

Despotes aussi méchants que ridicules, ils voudraient comme Satan faire disparaître, même de nos campagnes, tout ce qui rappelle et entretient les idées religieuseiJ: les processions, les croix sur les chemins, sur les tombeaux, l'église du village. Ecoutez ces paroles prononcées au congrès socialiste de Lyon, en février 1878 : « Pour que l'union s'établisse entre les villes et les campagnes, il faut supprimer la Bible, le catéchisme, l'histoire- s ai nte, le confessionnal, l'église, Dieu. » Bien que plus solide que le soleil et les étoiles, la parole de Dieu néanmoins s'affaiblit beaucoup dans les âmes. La nuit s'y fait

et avec elle se commettent des crimes qui étonnent la France, l'Europe, le monde entier. Malheur aux amateurs de la science du mal ! Malheur surtout à ceux qui l'étudient pour l'enseigner à l'enfance! Daniel-Réné a écrit dans Paris-Journal : « Les observateurs signalent un symptôme désolant; la jeunesse, l'enfance ellemême se corrompt de plus en plus. Un démon inconnu pousse les adolescents au suicide ou au crime. Comment expliquer cet étrange phénomène ? » Toute femme qui n'est pas à Dieu est au diable, dit un philosophe, et c'est la pure vérité ! Ne peut-on pas en dire autant de l'enfant ? Ah ! preaez garde ! vous lui avez appris à mépriser le catéchisme, il ira loin. Le voilà qui déjà méprise la famille, qui attaque la société; moqueur hier, aujourd'hui débauché, il sera demain assassin. C'est le progrès !!!

Un jour, à Paris, en face des magistrats qui venaient de le condamner à mort, un jeune homme s'écria: « Dans cet auditoire, il y a un plus grand coupable que moi, c'est mon père. S'il m'eût donné une instruction religieuse au lieu de l'exemple de son incrédulité, je ne serais pas ici. »

Quelle sanglante leçon à ce père indifférent ou libre penseur 1 Quel remords déchirant pour sa conscience, si toutefois il lui en reste encore 1 Puisse cet exemple, ajouterons-nous, servir à ces malheureux parents qui sourient à l'impiété pré-

coce de leurs enfants, qui préfèrent leur donner une école sans Dieu plutôt que le Dominus vobis-cum ! L'enfant qui n'appartient pas à Dieu, appartient à Satan. Il mourra, comme il aura vécu, son esclave ; sa mort sera lamentable, son éternité le sera d'avantage.

MORT D'UN ENFANT SANS DIEU

Dans une chambre richement meublée, sous les regards de son père et de sa mère impies, un enfant de huit ans, fils unique, allait mourir. Le médecin avait dit: demain, il sera dans le néant.

Ce mot néant jette une immense terreur dans le cœur de la pauvre mère ; sa foi se réveille ; elle dit à son mari, à voix basse et en rougissant: Si nous appelions un prêtre? Mais lui, haussant les épaules, se dispose à quitter la chambre. La mère qui voit toute l'énormité du crime qu'elle a commis en faisant élever son fils laïquement, se dresse devant son mari, le saisit par le bras et lui dit : Dormez si vous le voulez, je veux sauver mon fils, je ne veux pas qu'il meure sans prêtre. Le père, sentant au fond du cœur qu'elle a raison, répond simplement: Mais, songez donc à nos amis. nous serons d'un ridicule. et l'on ne me pardonnera pas cela aux élections.

Ce motif résume tout l'esprit de notre siècle.

Cependant la mère vient de quitter le lit du

petit moribond pour envoyer chercher un prêtre, et le père, après s'être assuré qu'il est bien seul, s'approche doucement du lit de son fils et lui dit: Il y a peut-être quelque chose après cette vie, n'as-tu pas peur, cher petit ? si tu priais Dieu ?

L'enfant reste un moment silencieux ; ses yeux sont d'une fixité effrayante, puis il dit d'une voix faible: Qu'est-ce donc que prier? vous ne me l'avez jamais appris. Vous m'avez toujours dit qu'il ne fallait pas faire des mômeries dans l'église ; estce que je dois en faire maintenant ? Le père comprend la grandeur de son crime et se met à souhaiter intérieurement l'arrivée du prêtre, arrivée qu'il compte, toutefois, devant ses amis, imputer à sa femme.

Le bon prêtre arrive; mais aussitôt que l'enfant l'a vu, il dit tout effrayé: Voilà le corbeau qui vient me manger., et, plongeant sa tête blonde sous le drap, il expire, étouffé par un crachement de sang.

Quelle leçon pour les amateurs de l'école sans Dieu !

SCIENCE UTILE

Les pères et mères, assurément, n'aimeraient pas leurs enfants comme ils doivent les aimer, s'ils ne leur faisaient donner des leçons de lecture, d'écriture, puis des notions d'histoire, de géogra-

phie, de calcul, suivant la position de chacun ; sans études les facultés de l'âme demeurent engourdies et l'enfant ne fait pas honneur à la famille.

Qu'on leur enseigne surtout, dans nos campagnes, la noble science qui fait venir le blé et le vin là où ne poussaient que les ronces et les épines.

Que l'agriculture soit par eux saluée et aimée comme on doit saluer et aimer une mère nourricière. Dans les champs, l'air est plus pur et donne de la vigueur aux bras ; les travaux de la campagne préservent de beaucoup de misère. Chez le peuple romain, devenu, par ses victoires et son génie, le premier peuple du monde, les soldats et les officiers maniaient aussi bien la charrue que l'épée. Mais cette fière nation n'eût pas plutôt dédaigné l'agriculture pour se livrer à la mollesse, aux plaisirs, à la corruption des mœurs, qu'elle perdit le secret de vaincre et se vit envahie par les barbares. Tels sont aujourd'hui nos sots citadins qui méprisent la vie des champs. Ils oublient que les cultivateurs sont les nourriciers de" la patrie. Que deviendraient, en effet, nos superbes Parisiens avec leurs belles places, leurs belles rues, leurs beaux magasins, leurs palais, leurs théâtres? Que deviendraient-ils avec leurs avocats, leurs médecins, leurs députés et sénateurs, et leurs chanteurs de café, si les ruraux ne leur envoyaient le pain du jour? Et s'ils avaient à

subir une nouvelle invasion de la Prusse ou de la Commune, leur faudrait-il beaucoup de temps avant d'éprouver les horreurs de la famine, les tristesses de l'hôpital, etc. Ah ! Paris serait bientôt un vaste tombeau. Honneur donc avant tout à la science qui donne du pain !

La vie est dure partout, plus encore à la ville qu'à la campagne. Bons cultivateurs, ne désertez pas -sans motifs sérieux les champs de vos pères; .c'est là qu'ils ont prié, qu'ils ont travaillé; c'est là qu'ils ont vécu et qu'ils se sont endormis dans la paix du Seigneur. Faites comme eux et que cette paix soit pour vous et pour vos enfants le gage de la bienheureuse vie ! Pax Bomini sit semper voMscum !

Nous devons également honorer et bénir bien d'autres sciences ; celle du médecin, qui soulage les infirmités humaines ; du légiste, qui défend nos biens, notre foi, notre liberté. Nous devons honorer et bénir aussi celle des ouvriers qui bâtissent nos maisons, nos églises; celle qui jette des bateaux sur nos fleuves, qui dit à la vapeur : va, transporte nos commerçants, nos missionnaires dans le nouveau monde. Il estd'autres sciencesnon moins belles et utiles vers lesquelles vous pouvez diriger vos enfants, mais ne l'oubliez jamais, il n'y a qu'une science nécessaire, celle du salut.

SCIENCE NÉCESSAIRE

C'est Dieu lui-même, le Maître des sciences qui l'a dit: .Por'f'O unum necessarium (1) une seule chose est nécessaire. » Cette chose est la lumière céleste qui nous montre la bonne voie, et la grâce qui donne la force et le courage d'y marcher, c'est-à-dire de vaincre le monde avec ses scandales, Satan, dans ses tentations, et de se vaincre soimême en résistant à la concupiscence. Voilà la science divine, la science du salut. Sans elle, tout n'est que mensonge, vanité et fragilité ; oui, tout : beauté, richesse, gloire, plaisirs, talents, omnia vanitas (2). Chercher le bonheur sans le Dominus vobiscmn, sans le salut, ce serait chercher le jour dans la nuit, la vie dans la mort, le ciel dans l'enfer ; ce serait chercher l'impossible. En remplissant ses greniers de blé, ses caves de vin, sa bourse d'or, le cultivateur seraitil heureux? Non, si son àme restait vide des vérités et des vertus nécessaires au salut. De même, en faisant des cures merveilleuses qui lui apportant beaucoup de gloire et d'argent, le médecin, négligent de son salui, porte toujours en son âme un foyer de corruption et de mort, plus

(1) Saint LU". x. 42.

'(2) Eccl. i. 1.

triste mille fois que celui qu'il aperçoit dans ses

malades. Eût-il sur la poitrine toutes les décorations du monde, fût-il assis sur le plus beau trône de la terre, l'homme, qui ne fait pas son salut, est un malheureux en route vers l'éternel opprobre.

Aussi, rien de navrant comme ces repas scandaleux donnés de nos jours, même le Vendredi-Saint. Le ventre a pris la place de Dieu; on sort de ces festins souvent avec l'ivresse, et l'ivresse, c'est l'abrutissement, la mort momentanée de la raison. Il y a bientôt trente siècles que l'impie Balthasar est dans l'éternel abîme. Que pense-t-il du festin sacrilège donné à ses amis et des blasphèmes commis contre le Dieu d'Israël? Ah! pour nos impies modernes, il est une sentence écrite, non sur une muraille, mais dans l'Evangile. S'ils la lisent sans trembler, ils sont plus aveugles et plus à plaindre que Balthalsar. Un orateur peut faire des discours applaudis à la Chambre et au Sénat et même dans l'Europe entière ; quoi qu'il en soit, ils n'ont pas la valeur d'un A ve Maria récité avec foi et amour par une pauvre villageoise.

L'orateur descendra aux enfers avec sa réputation d'éloquent, s'il a négligé son salut, pendant que la bonne villageoise montera au ciel avec le secours de Marie.

La moitié d'un royaume est donnée à une danseuse, mais Dieu n'agit pas comme un libertin

couronné. Enfin, un soldat eût-il remporté plus de victoires que Napoléon 1er. eût-il vu à ses pieds tous les peuples du monde, s'il a refusé de se prosterner aux pieds de Jésus-Christ et de lui dire : Vous êtes mon Dieu, je vous adore et vous aime' de tout mon cœur, il ira dans le noir abîme se perdre au milieu des damnés. Tout ce qui a été dit par Dieu, par ses prophètes, par Jésus, son fils, puis par les Apôtres et par l'Eglise dépositaire de la vérité, se résume en ceci : « Evitez le mal et faites le bien (1). » Le bien, c'est le salut; le mal, c'est la réprobation dont l'ignorance est la principale source. On raconte qu'une fille de dix-neuf ans, amenée dans un couvent au commencement du siècle dernier, étonna par son incrédulité précoce la maîtresse chargée de l'instruire. Mabillon ayant été chargé de l'entendre, admira la vivacité de son esprit, le tour admirable de sa phrase, le choix heureux de ses expressions, elle était un prodige ; malheureusement, son ignorance en matières religieuses égalait sa vanité. L'abbesse s'adressant àl'illustre orateur, Lui demande quel livre elle devait donner à son élève pour son instruction. « Elle est charmante, répondit Mabillon, mais elle n'a pas le sens commun, donnez-lui un catéchisme de cinq sous. » Il était, hélas! trop tard. Cette jeune fille si bien

(1) Psaume xxxvi. 27

cultivée en littérature profane, manquait de la culture nécessaire, de la science du salut. Elle devint tristement célèbre, elle piourut incrédule (1).

Que de savants dans toutes les branches de la science trouveront petites et vaines, à la mort, les grandes idées dont ils étaient si fiers ! Nous nous sommes trompés, s'écrieront-ils en entrant dans l'éternité ; nous nous sommes préparé une nuit plus triste et plus longue que celle du tombeau. Au contraire, lejour sans nuage et sansfin le beaujour de l'entrée dans l'éternelle patrie se lèvera pour ceux qui lisent, qui aiment et mettent en pratique le catéchisme. Grâce aux lumières que répand ce petit livre en France, en Europe, dans l'univers entier, des millions d'enfants, en majorité fils de laboureurs, savent d'où ils viennent, pourquoi ils sont ici-bas et où ils iront un jour. En vérité, les docteurs du vieux paganisme ne le savaient pas et les docteurs du paganisme moderne le savent moins encore. Quelques-uns font descendre l'humanité du singe ou du ver et mettent ses destinées dans le néant. Comme les lois de fabrique humaine, qui coûtent des sommes énormes par an, sont loin d'égaler en lumière et en valeur les lois divines et ecclésiastiques renfermées dans le catéchisme ! Si ce petit livre était banni du

(1) Mgr. Besson, évpque de Nîmes.

foyer domestique et de l'école, que deviendrait le peuple français ? Il perdrait bien vite ce qui lui reste de gloire, de civilisation, de puissance, pour tomber dans l'abrutissement et la barbarie des peuplades les plus sauvages. Répétons-le bien haut: Honneur, respect, amour au catéchisme !

C'estle roi de tous ceuxqui aiment Dieu, la famille.

la patrie.

noxs EXEMPLES

Apprendre ou faire apprendre le catéchisme aux enfants, c'est sans contredit le premier devoir qui incombe aux pères et mères de par la foi et la raison. Mais l'enfance serait fort à plaindre si elle ne recevait en même temps des auteurs de ses jours le bon exemple et qu'elle pût dire tout bas : mon père et ma mère me disent bien ce qu'il faut faire, mais ne le font pas. Prenez garde t les exemples ont une puissance que n'ont pas les paroles. S'ils sont bons, ils entraînent vers le bien ; s'ils sont mauvais, ils entraînent vers le le mal. Verba volant, exempla trahunt. Si donc votre vie est en contradiction avec la doctrine céleste que vous enseignez, ou que vous faites donner à vos enfants, comment voulez-vous, pères et mères, que vos fils et vos filles ne suivent pas plutôt cet enseignement qu'ils ont sans cesse sous les yeux, dans votre conduite, que les leçons du catéchisme ? L'enfance est naturellement imita-

trice de ce qu'elle voit faire. Ce sera donc pour elle comme une étude de vous copier en tout, et de devenir ce que vous êtes vous-mêmes : comme vous, elle sera indifférente pour la prière, pour la messe, pour les sacrements comme vous, elle vivra sans Dieu et lorsque vous paraîtrez au tribunal du souverain juge, vous comprendrez mais trop tard qu'au lieu d'avoir été de véritables pères et mères vous n'aurez été que les assassins des âmes de vos enfants, laissés à votre départ de ce monde, au vestibule de l'enfer (1).

La mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ a commencé par de bons exemples. « Cœpit Jesus facere (2). Il fallait combattre l'abus des richesses, la soif de l'or. Dans ce vaste monde qu'il a créé, il se montre donc moins riche qu'un renard.

qu'un oiseau, « il n'a pas où reposer sa tête (3). »

Les peuples et les rois prenaient le chemin de l'abîme par la désobéissance ; eh bien ! Jésus obéit à la Sainte-Vierge, à saint Joseph (4), à ses bourreaux, jusqu'à la mort de la croix (5). La chair, avant lui, recevait des hommages, des adorations: Jésus livre la sienne aux austérités

(1) Un enfant de douze ans dit un jour à un de ses camarades : « Viens, je veux te faire voir quelque chose. Mon père me dit : Va à vrpres, eh bien ! regarde, il fricotte, lui, au cabaret, Oh ! quand je serai urand !! »

(2) Actes des An. i. 1.

(3) Saint Matth. VIII. 20.

(4) Saint Luc. n. 51.

(5) Saint Paul aux Phil. II. 8.

du jeûne, au supplice de la flagellation et du crucifiement. Bien faire vaut donc mieux que bien dire. Que seraient devenues les paroles du Sauveur si elles n'eussent été appuyées de ses exemples? Veut-il former son grand apôtre saint Paul à l'apostolat? Il lui dit. « Soyez par vos exemples le modèle des fidèles. » Voyez Tobie et son épouse, c'est par leurs exemples qu'ils forment leur fils qui sera l'appui et l'honneur de leur vieillesse. C'est ainsi que Blanche de Castille a préparé à la France un grand roi et un grand saint au ciel. Quelques seigneurs se permettent une conversation peu chrétienne, « Messieurs, leur dit le marquis de Gonzague, je vous en prie, respectez l'innocence de mon enfant. »

Sans la fermeté de ce digne père, saint Louis de Gonzague serait peut-être devenu un démon.

Oh! ne l'oubliez jamais, pères et mères, vos enfants sont un dépôt sacré que Dieu vous redemandera un jour. Il ne suffit donc pas pour les aimer, de leur donner une nourriture saine, un air pur, des sentiments élevés, de les porter à l'amour du bien et du beau par de saintes paroles ; il ne suffit pas de les envoyer au catéchisme, à la messe et aux vêpres ; mais, voulez-vous qu'ils conservent leur dignité chrétienne? conservez d'abord la vôtre: ne vous laissez pas dominer par l'orgueil, par l'avarice, par la colère, ni énerver par la mollesse et abrutir par l'intem-

pérance. Respectez ce que, dans tous les siècles, ont respecté les peuples et les gouvernements : Dieu, son nom, son jour. Fermez l'entrée de vos maisons à tout mauvais livre, et à tout mauvais journal, car le poison qui tue le corps est moins à craindre que celui qui tue l'innocence et la foi des enfants. Je vous l'affirme, si vous gardez ainsi le Dominus vobiscum, il ne fera pas seulement votre bonheur en ce monde, mais en allant recevoir en l'autre l'éternelle et magnifique récompense de vos devoirs accomplis, vous emporterez de plus la douce et profonde confiance qu'il fera également le bonheur de vos enfants. Je vous eh laisse la parole même de Dieu. « Je bénirai les parents fidèles jusque dans leur quatrième et cinquième génération (1). »

CORRECTION

Le mot est bien dur, n'est-ce pas, pour le cœur de quelques mères? Elles ne voudraient ni l'entendre, ni le lire, tant est grand leur aveuglement de tendresse. Elles ignorent, ou bien n'ont pas la force de suivre la recommandation divine: « Elevez vos enfants en les corrigeant (2). » « Qui

(1) Exode. xx. 5.

(2) Eccl. xxx. 1.

aime bien, châtie bien, et qui ne châtie pas, aime le mal (1)..» Abandonné à lui-même, le petit gâté perd bientôt ce qui rend l'enfance aimable.

Il devient paresseux, gourmand, fier, boudeur, indomptable et sera plus tard la désolation, le déshonneur de ses parents, juste punition de.

leur coupable faiblesse.

Il est parfois des parents qui, tout en reconnaissant le devoir de la correction, ne le remplissent pas parce qu'ils n'ont point d'yeux pour voir ou ne voient que des qualités et point de défauts dans leurs enfants. Je serais bien trop cruelle, dit la mère, si je me permettais de gronder, de corriger mon.enfant: une seule larme dans ses yeux en mettrait une abondance dans les miens. Pères et mères aveugles ! vous ne connaissez pas les défauts de vos enfants? mais le public les connaît.

Ecoutez et tremblez. « Cet enfant (le vôtre) est bien violent, bien capricieux, bien paresseux, bien menteur, fort dissipé à l'école, à l'église.

C'est un libre-penseur, un libre-faiseur en herbe. »

Pauvres parents ! attendez un peu : vous craignez de faire pleurer ce Benjamin ; comme il vous fera verser des larmes amères! »

On dit aussi : « Cette fille (la vôtre), n'a rien ou presque rien de ce qui rend aimable la jeunesse. Point de modestie dans ses regards, point

(1) Id. xxx. 10.

de piété dans le cœur. Son caractère est dur, égoïste, elle n'aime ni ses parents, ni personne, elle n'aime qu'elle-même dans la toilette, les plaisirs. On la voit dans les rues, au bal, au théâtre, même au cabaret durant la nuit, mendiant des regards, des adorations, comme une pauvrette mendie un morceau de pain. »

On dit encore : « Cette fille (toujours la vôtre) a le malheur d'avoir un père et une mère qui ne veulent rien voir, rien entendre. »

.L'heure arrive-t-elle enfin de comprendre la nécessité d'agir et de rappeler à l'ordre l'idole chérie pour prévenir la catastrophe ? On ressemble alors à un médecin qui voudrait guérir ses malades, toujours avec des douceurs. Nais il y a des plaies qui nécessitent le fer et le feu. De même, et à plus forte raison, pour les maladies morales, il est d'un devoir impérieux pour les pères et mères d'agir énergiquement. On n'agit pas, on capitule. Napoléon III a pu capituler à Sedan, et Bazaine à Metz ; mais vous, parents, vous ne pouvez et ne devez jamais capituler. Vous devez garder jusqu'à la mort l'autorité que Dieu vous a donnée. La mettre aux pieds de vos enfants, serait une trahison insigne du mandat sacré dont il vous a honorés, ce serait tout perdre.

Sachez-le bien, le Père céleste ne vous a pas préposés pour capituler, mais pour réformer, pour corriger. Voulez-vous prévenir à la fois de tristes

exécutions et de grands malheurs? recueillez bien ces conseils de la sagesse : dès leur bas âge, étudiez attentivement vos enfants dans leur nature et leurs passions naissantes; un défaut vous apparaît-il, combattez-le toujours par une correction douce et ferme : Omnia suaviter et fortiter (1). a La correction ne consiste pas dans la violence, ni dans un grand bruit de paroles, encore moins de blasphèmes, ni dans les coups donnés avec colère. Pour une bonne correction, peu de paroles suffisent, et s'il faut en venir à la verge, laissez tomber auparavant la première émotion,, puis, corrigez avec ce calme chrétien, qui montrera à l'enfant coupable, la justice de Dieu dans la correction paternelle.

Le duc de Bourgogne avait un esprit distingué.

un cœur sensible ; mais les vivacités de son caractère en avaient fait un véritable fléau pour la cour. A sept ans, il passait pour indomptable.

L'illustreFénelon l'étudia, le redressaauxapplaudissements de la France entière. Comment s'y prit-il? Il suivit pas à pas son royal élève, établit autour de lui la conspiration du silence. Les jeunes princes, ses frères, ses maîtres, ses serviteurs, tous avaient reçu l'ordre de ne pas lui parler lorsqu'il se livrait à ses emportements. Le Duc ne voyait alors que des visages glacés, que des

(1) Sagesse, vm. 1.

bouches muettes. Sa colère passée, il comprenait cette grande et forte leçon et allait se jeter aux pieds de son précepteur pour lui demander pardon.

Parents chrétiens, imitez l'immortel Fénelon, corrigez vos enfants par le silence, plus persuasif que les coups et qu'un flux de paroles. Continuez des semaines, même des mois, s'il le faut, cette leçon salutaire dont vous recueillez tous d'heureux fruits ; vos enfants en répandront des larmes de repentir et de reconnaissance, et vous, plus tard, des larmes de joie en voyant ces chers enfants grandir en sagesse devant Dieu et les hommes, puis, faire l'honneur du foyer domestique, l'ornement de la société.

hA PRIÈRE

Les prêtres, les évêques. les papes, tous ceux qui ont charge d'âmes, méditent souvent ces paroles du divin Maître « Sine me niliil polestis facere, sans moi, vous ne pouvez rien faire (1). »

Soleil divin, Jésus-Christ est nécessaire au monde des âmes comme le soleil matériel est nécessaire au monde des corps. De même que, sans le soleil de la nature, les arbres ne donneraient point de fruits et les champs point de blé, de même sans Jésus-Christ les âmes tomberaient immédiate-

(1) Saint Jean. xv. 5.

ment dans la nuit et dans la mort ; il est leur lumière, leur chaleur et leur vie tout comme le roi des astres l'est pour les plantes.

Aussi bien que les curés, les évêques et les papes, vous avez charge d'âmes, pères et mères.

Vos enfants et vos domestiques forment le petit troupeau confié à votre sollicitude. Or pour vous rendre dignes du Pasteur éternel, Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ne pas laisser périr une seule de ces âmes qu'il vous adonnées à garder, il ne suffit pas de bien veiller sur elles, de les corriger, il faut avant tout, savoir prier. Négliger la prière, c'est refuser la consolation, la lumière, le courage, la force et la victoire. La prière apporte toujours avec elle quelque chose de céleste, tandis que là où on ne prie pas, l'enfer commence même sous les lambris dorés. Monique prie et Augustin quitte l'hérésie pour la foi, le libertinage pour la chasteté. La prière donne à la terre un grand docteur, au ciel un grand saint.

PRIÈRE D'UNE NOUVELLE MONIQUE

« 0 Notre-Dame des Victoires, j'ai deux enfants que je vous ai consacrés même avant de leur avoir donné le jour, daignez vous en souvenir et obtenez-moi en ce moment un vrai miracle, ôelui de la conversion de mon fils.Le pauvre enfant s'égare, se perd ; sauvez-le. Je vous le donne

plus que jamais ; il faut qu'il revienne à Dieu, qu'il cesse de l'offenser. Ne rejetez pas ma prière, ô vous, la mère des affligés ! Est-ce qu'à ce titre vous n'êtes pas la mienne ? Voyez la douleur qui m'oppresse, voyez mes angoisses, ayez pitié de moi 1 Que cet enfant s'arrête sur le bord de l'abîme ! Je vous promets de m'appliquer désormais à devenir meilleur, à vous aimer et à vous faire aimer autour de moi le plus que je pourrai.

Par l'amour que vous avez pour votre divin Fils, par vos immenses douleurs, par votre cœur transpercé d'un glaive douloureux, par votre compassion pour les pauvres pécheurs, oh ! priez, priez pour le malheureux enfant déjà si coupable et qui me fait mourir de chagrin. Que, nouvel Augustin, il retrouve la foi et l'innocence, qu'il vous reconnaisse et vous aime comme il vous aimait autrefois et reste à jamais bon chrétien !

« Oui. ô Mère céleste, je veux me tenir à vos pieds à toute heure du jour et de la nuit. Mon cœur brisé sera dans le Vôtre, vous m'exaucerez.

« Prenez aussi sous votre garde maternelle ma petite Marie. Qu'elle soit toujours un ange par la pureté de son cœur, par sa modestie, dans n'importe quelle vocation que Dieu lui réserve.

« Vous le voyez, tout ce que j'aime est à vous ; j'y suis moi-même toute entière pour le temps et pour l'éternité. 0 Notre-Dame des Victoires 1

sauvez mon enfant, sauvez ma fille, sauvez leur mère ! Ainsi-soit-il (1). »

Heureuses les mères qui prient ainsi pour le salut de leurs enfants 1 Voici la prière que n'oublient pas de faire aussi les pères et mères, amis du Dominus vobiscum: « Seigneur, notre enfant a 20 ans, 25ans; inspirez-nous ce que nous devons dire et faire pour son avenir. Est-il appelé par vous à vivre dans le mariage ou le célibat ? Peu de questions sont aussi importantes que celle-là, comme il y a peu de témérités semblables à celles des jeunes gens et des jeunes personnes qui, sans vocation, vont demander la bénédiction qu'on donne aux époux et aux épouses, ou aux religieux et aux religieuses. Nous vous en supplions donc, ô mon Dieu ! envoyez votre esprit de lumière et de sagesse aux parents pour diriger leur enfant, à l'enfant pour suivre leurs conseils. »

Oui, Dieu, voilà l'unique Père qui a le droit incontestable d'assigner à chacun de ses enfants la place qu'il doit occuper en cette vie. Lors donc qu'il s'agit de la vocation d'un être qui vous est cher, vous pouvez, pères et mères, conseiller, mais ordonner, jamais ; car votre enfant pourra vous dire et aura même le droit de vous dire, si

(1) Annales de l'Archiconfrêrie.

vous vous opposez à l'appel d'en haut : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes (1), » parce que désobéir à Dieu pour plaire à un père et à une mère, c'est se rendre indigne de l'amitié du Père céleste et du bonheur qu'il promet à ses élus selon la parole même de Jésus-Christ : « Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi (2). »

Consultez donc, avant tout, les intérêts spirituels de vos enfants dans la grande affaire de leur vocation ; pour cela priez, priez avec confiance et droiture de cœur, puis soyez assurés que le Père qui est dans les cieux, qui vous aime, qui aime les vôtres plus que vous ne les aimez vous-mêmes, exaucera vos prières et vos larmes en vous manifestant sa volonté qui est la seule voie du bonheur en ce monde et en L'autre.

LA PRIÈRE DU SOIR EN FAMILLE

Les ombres de la nuit ont couvert la terre, les travaux ont cessé. Après le souper qui a été joyeux, toujours agréable, car il a été assaisonné du contentement et de l'appétit, deux excellents ragoûts, on a fait cercle autour du feu. Parents et enfants se laissent aller aux douceurs de la fa-

(1) Actes des Apôt. v. 29.

(?) Saint Matth. x. 37.

mille. Pendant que la mère et les deux grandes filles tournent leurs fuseaux, que les serviteurs s'occupent à faire quelques ouvrages en osier, Félicien fait une lecture de la vie'des Saints ou de l'Ancien Testament. Joseph, le père et le maitre, quand la lecture est finie, donne les explications nécessaires. N'est-ce pas là une bonns préparation à la prière ? Neuf heures ont sonné.

Tous alors s'agenouillent humblement devant l'image du Dieu Sauveur, précieuse et chère relique des ancêtres, qui a reçu si souvent leurs supplications et leurs vœux. Qu'elle devait être intéressante à voir, cette pieuse famille, père, mère, enfants et serviteurs ! Comme apôtre de la maison, la mère prononce à haute voix les oraisons saintes, et tous y répondent en choeur. Murmure ravissant ! Prières bénies qui devaient remplir l'appartement d'un parfum d'édification et de vertu, que les anges tutélaires recueillaient avec amour pour l'offrir à l'adorable Trinité 1 Quelles belles paroles ils redisaient dans cet entretien avec le ciel ! Tous prosternés, recuellis en la présence de la Majesté souveraine, ils invoquent son saint nom, ils adorent profondément, ils louent, ils rendent grâces ; ils bénissent d'une voix unanime le Père commun qui est aux cieux; ils lui demandent le pain de chaque jour, le pain de l'âme avant tout ; sa grâce, sa parole qui touche et console. Ils soumettentleur volonté à la sienne,

toujours sage, toujours juste; lui demandent son secours qui ne manque jamais au cœur humble et doux pour résister aux tentations du malin esprit et aux mille dangers qui nous menacent.

Après cette prière sublime, sortie de la bouche sacrée du divin Maître, c'est l'auguste Marie qu'on invoque en la saluant avec l'Ange, pleine de grâce. Il faut bien croire que la Mère du pur amour ne reçoit aucun salut sans le rendre par une faveur obtenue de son Fils Jésus. Ils font ensuite leur profession de foi au Dieu Créateur, au Dieu Rédempteur, au Dieu Sanctificateur, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Magnifique symbole qui illumine l'esprit, qui remplit le cœur des douces espérances de la patrie ! Puis rentrant en euxmêmes un instant, ils examinent leur conscience; ils s'accusent, ils s'humilient, se reconnaissent pécheurs, et, ayant demandé pardon, ils s'engagent à éviter tout mal, à faire tout bien possible, à être bons, chastes, à remplir fidèlement les obligations de leur état particulier : les parents à être bon père, bonne mère, bons maîtres ; les enfants, à être obéissants, respectueux ; les serviteurs, à être soumis, honnêtes, attachés. Et comme la Sainte Vierge est si bonne mère et que Jésus l'a établie la reine de la miséricorde, l'économe de ses grâces, on revient pieusement à elle.

On .lui rappelle tous ses titres de grandeur et de

bonté, toutes les vertus dont elle a été un modèle parfait. On se plaît à lui dire qu'elle est Mère de Dieu, qu'elle est Marie conçue sans péché, la Vierge très pure, très chaste, un Vase d'élection, la Porte du ciel, l'Etoile du matin, la Ressource des infirmes, le Refuge des pécheurs, la Consolation des affligés, le Secours des chrétiens, qu'elle daigne prier pour ses enfants afin qu'ils aient part aux mérites de Jésus- Christ. La prière se termine toujours par un souvenir aux morts.

Pensée éminemment salutaire et morale que la religion relève et féconde, en lui attribuant un mérite de grâce et d'expiation ! Pensée vive et puissante qui réveille en l'âme des vivants la foi aux grandes et profondes vérités sur l'autre vie, tout en resserrant les liens d'une tendre charité entre ceux qui ont passé de ce monde et ceux qui s'acheminent vers l'éternité. Puis, chacun se retire béni d'en haut, heureux et content, pour regagner sa couche où l'attend un sommeil doux et réparateur qui ne manque jamais à une conscience pure (1).

Si chaque famille faisait ainsi dans chaque village et dans chaque cité, comme la paix et l'union régneraient partout ! Ce serait déjà un avant-goût du paradis, puisqu'on aurait le Dominus vobiscum, le Seigneur au milieu de tous.

(1) Beauvallon, ou les devoirs de famille (p. 190, J91, 192).

CHAPITRE VI

DIEU AVEC LE CÉLIBAT

Loin d'être une mauvaise voie comme l'ont rêvé certains hérétiques, le mariage en est au contraire une bonne puisqu'il a été institué par le Créateur pour peupler la terre et le ciel. De plus, Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'a élevé à la dignité de Sacrement, sacramentum magnum (1).

Néanmoins tout grand que soit le mariage, il est inférieur au célibat. La gloire du célibat brillait déjà, même dans la nuit du paganisme.

Ecoutez un illustre poète païen : « Nihil pius, nihil melius cœlibis vita. »

En français : rien de plus pieux, rien de meil-

(1) Saint Paul.

leur que la vie du célibat, passée dans la chasteté. » Homère., Ciceron et Tacite, ont parlé comme Horace. Aussi le peuple-ioi se glorifiaitil d'honorer les Vestales. Elles montaient au Capitole avec la pompe d'un César et les sénateurs eux-mêmes respectaient leur parole. Virgile nous montre dans les Champs-Elysées, des places réservées aux âmes pures.

Combien donc sont plus aveugles que les républicains de Rome et d'Athènes, ces Français (indignes de ce beau nom), qui portent une haine satanique à ceux et à celles qui renoncent au mariage pour avoir plus de temps à consacrer à la prière, à l'étude, aux besoins si variés et si grands des pauvres et des petits, qui ne peuvent souffrir ces héroïnes, que les étrangers appellent les Anges de la France 1 nous ne vous laisserons pas, osent-ils dire, dans leur cynisme, aux vierges du Christ, nous ne vous laisserons pas là liberté de prier, de travailler, d'immoler votre vie à instruire les enfants, à soigner les vieillards dans un asile, ou dans un hôpital, à panser les malades et à consoler les mourants. Egarés par le plus absurde des fanatismes, nos hommes du progrès font un crime impardonnable aux religieux et aux religieuses, de leur charité envers tout ce qui souffre ici-bas. Voudraient-ils comme en 93, rendre des adorations à des filles éhontées de Satan et envoyer en même temps aux cachots

et à la mort les saintes filles de Dieu parce qu'elles portent un voile ?

La foi, l'Eglise et le bon sens ont toujours milité et militeront toujours en faveur du célibat.

Né d'une vierge, Jésus-Christ a choisi pour père nourricier un homme vierge et pour l'ami de son cœur un apôtre vierge. Saint Pierre, pour suivre le divin maître, a tout quitté, même son épouse.

Ecoutez le grand Apôtre des nations, le docteur de la sainteté du célibat : ( Celui qui marie sa fille fait bien, celui qui ne la marie pas fait mieux.

Celui qui est libre de l'union conjugale, cherche les choses de Dieu (1). » Du reste, partout où l'Evangile a été prêché, on a prêché les avantages et la gloire du célibat. Et le concile de Trente, cet organe infaillible de la vérité : « Anathème, non seulement à ceux qui méprisent le célibat mais à ceux qui le placent au-dessous du mariage t »

LES SŒURS

Quoiqu'elles fussent bien payées, bien nourries, bien logées et fort respectées, les Vestales pourtant étaient peu nombreuses. Mais qui pourrait compter le nombre des vierges de Jésus-Christ, qui abandonnent tout, parents, amis , avenir

(1) Saint PauJ. 1re aux Corinth, vii, 34.

brillant, parfois des palais splendides pour vivre ignorées, pauvres, les unes au milieu de petits enfants dans un asile; les autres, dans un hôpital, au chevet des moribonds ; celles-ci, parmi les peuplades sauvages qu'elles ramènent à la civilisation, en même temps qu'à la connaissance du vrai Dieu- ; celles-là sur les champs de bataille et dans les ambulances, pour nos soldats blessés ?

Un officier anglais disait à un officier français, dans la guerre de Crimée : « Nos soldats se battent aussi bien que les vôtres ; notre marine est supérieure à la vôtre ; ce qui nous manque, ce sont vos anges pour soigner nos malades et nos blessés. » Bien souvent en effet, les larmes et même le sang d'une sœur de charité se mêlent au sang et aux larmes d'un soldat mourant pour sa patrie. A ce moment suprême, elle lui parle de sa mère, de la famille, de Dieu, de Marie, de sa première communion, du ciel qui sera la récompense de sa résignation, du sacrifice de la vie et la mort n'est pas pour lui sans douceurs. Eh quoi ! les fiers enfants de Mahomet s'inclinent respectueusement devant ces filles de Vincentde - Paul, et des Français, plus barbares que les sauvages, les enlèvent aux malades et aux mourants des hôpitaux, afin qu'elles ne leur parlent ni de Dieu, ni de l'éternité, comme si le silence pouvait détruire Dieu, ses jugements, le

ciel, l'enfer ! Quelle honte pour le nom français !

On ne lira pas sans attendrissement les lignes suivantes écrites par un officier de l'armée du Rhin en 1870: « Pauvre sœur Claire!. je la vois encore foulant aux pieds la paille de notre ambulance, insensible au canon qui grondait, à l'incendie des dernières maisons du village, qui projetait ses lueurs sinistres sur nos fronts. Comme elle recueillait la moindre plainte, le moindre soupir échappé à l'un de nous ! On déposait dans une grange tous les blessés que l'intensité de leurs souffrances empêchait de transporter plus loin.

Les premiers bras que l'on voyait tendre vers soi étaient les bras de la bonne Supérieure. Le sourire sur les lèvres, les larmes aux yeux, à deux pas du champ de bataille et de l'enivrement de la lutte, elle était là sur la place boueuse et sanglante où l'on avait cru mourir comme tant d'autres. Quel soulagement immédiat que celui de cette charité qui, à la fois, panse vos blessures et vous relève de l'anéantissement moral ! Pauvre sœur ! Pour puiser de l'eau que cinquante voix déchirantes réclamaient à chaque instant, il fallait aller sous le feu de la mitraille, et toutes les cinq minutes, vous sortiez avec deux bidons et vous rentriez aussi sereine, aussi tranquille que si Dieu vous avait faite invulnérable.

Le lendemain, notre armée si vaillante, qui venait de lutter durant quinze heures contre des

forces trois fois plus nombreuses, se repliait sur Metz après avoir couché sur le champ de bataille.

On évacuait à la hâte toutes les ambulances ; les blessés, enlevés précipitamment, encombraient les fourgons. Que de cris ! que de douleurs, grand Dieu ! que d'horribles souffrances! Et pourtant, ô sœur magnanime, vous trouviez moyen, vous, qui depuis 48 heures n'aviez pas eu une seconde de repos, d'aller d'un bout à l'autre de cette longue colonne, porter une goutte d'eau à celui-ci, une bonne parole à celui-là. Tantôt, de vos bras infatigables vous souteniez une tête qui s'inclinait de faiblesse ; tantôt, vous replaciez en une position moins pénible le malheureux amputé de la veille et qui, dans une heure peut-être, ne sera plus ; puis, vous êtes partie sur la dernière voiture.

« Hélas ! à peine une demi-heure s'est écoulée qu'une balle est venue vous frapper soutenant encore contre votre poitrine virginale un blessé placé de l'autre côté. Un escadron de hulans coupait notre ambulance et nous faisait prisonniers.

Sœur incomparable ! c'est par l'ennemi qu'a été creusée votre tombe et vous dormez au milieu de ceux à qui vous avez prodigué tous les trésors de votre âme. »

A Reichshoften, une jeune sœur suivait aussi nos troupes battant en retraite. Elle s'arrête tout à coup, elle a entendu un cri, un soldat venait de tomber. La voilà près de lui, le soignant,le conso-

solajit lorsqu'elle tombe à son tour et meurt frappé d'un boulet qui lui avait emporté les deux jambes. Et penser, après cela, qu'il y a des Français pour faire à ces saintes filles la chasse comme aux bêtes fauves! c'est navrant. Lors de la terrible guerre que se livrèrent entre eux les républicains du Nord et du Midi de l'Amérique, plusieurs soldats protestants touchés du dévouement des sœurs de charité, accourues sur le champ de bataille pour soulager les blessés, s'écrièrent : « Nous voulons mourir dans la religion des coymettes blanches, » elles filles de Saint-Vincentde-Paul, des larmes de bonheur aux yeux, après deux mots d'instruction sur le baptême donnaient avec lui à ces pauvres hérétiques mourants la vérité, le pardon, la paix, le ciel.

Ah 1 c'est que l'héroïsme des sœurs de charité est fondé sur l'amour du Dominus vobiscurn, de l'Eglise et du célibat. Voici un témoignage peu suspect des médecins de la capitale aussi bien que de la province, réclamant hautement auprès des administrateurs: « Vous êtes bien imprévoyants et bien cruels en chassant ces filles que le Christ et le célibat avaient préparées pour vos malades et pour vos mourants. »

Non, ce ne sont pas des femmes salariées, encore moins des libre-penseuses qui ne pourront jamais remplacer nos sœurs hospitalières..La charité se donne et ne se vend pas. Aussi, répon-

dit un jour aux ministres protestants l'illustre évêque de Perpignan, Mgr Gerbet: .« Faites-nous une sœur de charité et je me ferai protestant. »

c Je trouve, disait un grand homme du monde, dans cette servante de toutes les douleurs, de toutes les plaies et de toutes les misères de l'humanité, un caractère de grandeur tel, que je ne m'incline devant aucune puissance de la terre aussi profondément que devant une sœur de charité. JI 0 vous, qui aimez pour Dieu et pour l'éternité ce que vous avez au monde de plus cher, ne murmurez pas si votre fille vient vous dire un jour : * Mon père, ma mère, il faut que je vous quitte pour toujours; Dieu m'appelle loin de vous, bénissez-moi, embrassez-moi et laissez- moi partir.

Près de Jésus-Christ, mon époux , je ne vous oublierai jamais, je le prierai de vous donner une bonne part du bien que je pourrai faire dans la vie religi'euse en me mortifiant, en priant, en obéissant, en communiant, en donnant des soins aux enfants, aux pauvres, aux malades, aux moribonds, à tous ceux qui me seront eonfiés.

Un peu plus tôt, un peu plus tard, ô mon père et ma mère, il faudrait toujours nous séparer, la mort est là, peut-être prochaine, vivons donc pour la patrie où les amis n'auront plus à craindre un jour, une heure de séparation. »

Heureuse la famille qui compte un des siens

consacré à Dieu ! il sera pour elle l'ange tutélaire pour traverser la mer orageuse de ce monde et arriver plus sûrement au port !

LES FRÈRES

La France qui a conservé la foi et le bon sens, la vraie France, la France de Dieu a toujours cru et croira toujours qu'un homme détaché des biens de la terre et voué au célibat peut se livrer plus facilement qu'un père de famille à l'étude des sciences qui font les véritables savants. Ce dernier se doit à sa femme et à ses enfants ; son cœur est nécessairement partagé. L'avenir lui cause parfois de grands soucis, comme ceux de l'établissement de la famille et de pourvoir aux besoins de la vieillesse. Il n'en est pas ainsi des instituteurs religieux; après avoir usé leurs forces pour Dieu et le bonheur de la jeunesse, ils ont une maison de retraite où ils vont s'endormir dans la paix du Seigneur. Peu de liens les retiennent ici-bas et ils saluent avec joie l'heure fortunée qui les appelle auprès de Celui pour lequel ils ont tant travaillé et dont ils entendront les paroles bénies : « Bons et fidèles serriteurs, entrez dans lajoie de votre maître (1).

Il est assurément, et je suis heureux de le dire,

(1) Saint-Matth. xxv. 23.

des instituteurs mariés et pères de famille qui remplissent admirablement leur difficile et délicate mission. Aussi les prêtres, les évêques les bénissent et Dieu les récompensera. Mais il ne faut pas cependant que leurs vertus et leurs succès fassent oublier les vertus et les succès des instituteurs congréganistes.

Sortis des écoles des Frères de la Doctrine, plusieurs ouvrages ont brillé aux expositions de Paris, de Londres, de Vienne, de New-York.

Leur dévouement durant la guerre qui nous a coûté tant de larmes et de sang avec deux provinces, égala celui des sœurs; ce fut le même courage aux ambulances et sur les champs de bataille. Un soldat est atteint de la petite vérole noire; c'en est fait de lui si une main dévouée n'arrête la décomposition en perçant et en purifiant les pustules. Un Frère accepte la répugnante tâche ; les blessés qui l'entourent ne peuvent s'empêcher de dire : « Nous ne ferions pas la besogne pour 100 fr. à l'heure. » — « Et moi, répond le Frère, pas pour un million, mais je la fais avec, plaisir pour mon Dieu. » Parole aussi sublime que l'action !

C'est dans une autre affaire que le Frère Anthelme, bravant le feu des Prussiens qui décimait nos rangs, reçoit un coup mortel en relevant un blessé. Ses funérailles furent honorées des députations du gouvernement, de l'armée, de la

magistrature, etc. Il n'est pas jusqu'aux plus fières nations de l'Europe qui ne nous envient nos Frères et nos Sœurs, qu'ils regardent comme une des plus belles gloires de la France, tant elles sont charmées et pleines d'admiration pour leur vaillant patriotisme. Et l'Europe a raison. Cela vient de ce que Frères et Sœurs sont amis du Dominus vobiscum et qu'ils puisent à sa source divine, dans le Sacré-Cœur de Jésus, cette charité ardente plus forte que la mort.

N'est-il pas navrant que tant d'héroïsme soit poursuivi d'une haine vraiment satanique, qu'il y ait des hommes, en notre France, ennemis acharnés des nobles enfants du bienheureux La Salle, de saint Dominique, de saint François, de saint Vincent-de-Paul? « Vous avez fait vœu de virginité, leur disent-ils, vous obéissez au Pape, vous avez des Christs dans vos écoles, votre Credo renferme ces trois mots : Dieu jugement, éternité, eh bien 1 tout cela nous ennuie, nous vexe; descendants du singe, nous ne pouvons aller avec vous, qui vous dites les enfants de Dieu. Or, étant les plus forts, nous vous expulserons, et quand nous n'entendrons plus votre voix, que nous ne verrons plus votre drapeau, nous marcherons plus tranquillement, plus gaiment vers le néant. »

Il serait plus facile de bâtir une vills en l'air, disait un philosophe païen, que d'établir sur la terre une société paisible et heureuse sans

Dieu (1). » Sans Dieu, en effet, les plus grands hommes sont incapables d'opposer une barrière aux passions qui entraînent à la barbarie les individus, les familles, les nations. En 1870, comme en 93, les sauvages de l'Afrique et de FOcéanie n'auraient-ils pas pu dire à plusieurs Parisiens et Parisiennes : ( Vous nous surpassez en cruauté, votre capitale est plus triste que nos déserts ! »

LE CLERGÉ

A la tribune française, où le mensonge ne devrait jamais monter, on a osé dire : le cléricalisme (qu'on traduit dans les cabarets par le clergé) voilà l'ennemi.

Ce mensonge, sûrement, a dû faire sourire Satan lui-même.

Image de Celui qui l'a créé et qui le conserve, le clergé catholique s'est toujours montré et sera toujours l'ami le plus fidèle et le plus dévoué.

Considérez le soleil; malgré tout ce qu'il y a de rigueur dans les hivers et de noir dans les tempêtes, il ne change pas. Il donne sans cesse à la terre ce qu'il lui faut pour produire des fleurs, des fruits, des moissons. On voudrait bien en Sibérie plus de chaleur ; l'Afrique en voudrait

(1) Plutarque.

moins. Mais, pour le bonheur général, le soleil n'obéit qu'à Dieu qui seul peut lui conserver ce qu'il lui a donné de lumière, de chaleur et de majesté. Il serait donc fou et fou étrange, celui qui viendrait dire au soleil : Soleil de nos pères, tu es trop vieux pour nous ; quitte le firmament, nous te remplacerons par des becs de gaz.

Or, l'auteur du soleil matériel a créé le clergé pour être jusqu'à la fin du monde le soleil des âmes. Ce soleil divin brille partout, sur nos cités, sur nos campagnes, sur les déserts. Ceux qui le regardent ne sont plus dans la nuit, et ceux qui le suivent sont dans la bonne route. Ils marchent à la suite de celui qui est la voie, la vérité et la vie. Viennent-ils à tomber? ils ont le sacrement de pénitence pour les relever. Ont-il s faim et soif? Le Corps de Jésus-Christ est une nourriture' et son Sang un breuvage. Grâce à cette direction céleste du clergé, il y a encore des Louis de Gonzague parmi les jeunes gens, des Philomène parmi les jeunes personnes, des Monique parmi les mères, des Maurice chez les soldats, des Isidore chez les cultivateurs, des élus paitout, même dans la grande cité, appelée la Babylone moderne. Oui. grâce au clergé, les petits enfants et les pauvres sont évangélisés ; les larmes coulent moins amères dans les mansardes, dans les hôpitaux, dans les prisons, et pourquoi ne le dirions-nous pas ? même dans les

châteaux. Grâce au disciple de Jésus-Christ, cette tête de brigand, qui va rouler sur l'échafaud, portera un jour au ciel une couronne aussi brillante que celle d'un souverain.

Comme son Maître, le prêtre catholique devait être critiqué, calomnié, persécuté. Il l'a été, il l'est aujourd'hui, il le sera toujours, car là-haut seulement la paix est sans nuages et sans fin.

Que disent les ennemis du clergé? Ecoutez : « Prêtres du Christ, vos idées sont trop vieilles, laissez-nous les remplacer par des idées nouvelles. Vous nous chantez : Vos cœurs en haut(l).

Laissez-nous les tenir en bas et dans la boue si cela nous plàit. Pourquoi des entraves à notre liberté?

« Quelques-unes de vos lumières sont trop vives et trop blessantes ; elles nous montrent des choses que nous n'aimons pas à voir ; par exemple, un enfer pour un moment de volupté.

Que peut faire à Dieu un blasphème et à nos âmes un morceau de viande mangé un vendredi?

Vous regardez comme dangereuses certaines lectures, certaines réunions, celles surtout, qui ont lieu au cabaret durant la nuit ; élargissez, élargissez le chemin de votre paradis et nous le prendrons peut-être. Votre Credo a ces paroles : Je crois à l'Eglise catholique. Eh bien ! retranchez-

(1) Préface de la inesse.

les, laissez-nous croire que toutes les religions sont bonnes et que ceux qui n'en pratiqueront aucune ne seront pas même damnés. »

A toutes ces questions et à bien d'autres sem-

blables que répond le clergé ? Il m'est impossible de me rendre à vos désirs. Les vérités que je vous enseigne ne sont pas de fabrique humaine, elles viennent de Dieu. Je dois les conserver comme le soleil conserve ses rayons. Chaque article de mon symbole a été défendu par l'éloquence de nos docteurs, par le sang de nos mar .tyrs. Mises entre mes mains, les lettres de l'Évangile ont une solidité qui manque aux étoiles et au soleil.

L'illustre Père Lacordaire représente les rois et les sages venant tour à tour frapper à la porte du Vatican où siège un vieillard, chef suprême du clergé catholique.

« Que me voulez-vous? du changement? Je ne change pas. » - « Mais tout est changé dans ce monde, l'astronomie, la philosophie, la chimie, même la morale; pourquoi restez-vous toujours le même? » — Parce que je viens de Dieu, l'être immuable. » — « Mais, sachez donc que nous sommes les maitres. Nous avons un million d'hommes sous les armes, nous tirerons l'épée et l'épée qui brise les trônes pourrait bien couper la, tête d'un vieillard et déchirer les feuillets d'un livre. * — < Allez ! faites, le sang est l'arôme qui

m'a rajeuni. » < Allons ! vieillard, voici la moitié de ma pourpre, accorde un sacrifice à la paix et partageons. » — « Garde ta pourpre, César, demain on t'enterrera dedans et nous chanterons sur toi Y Alléluia et le De Profundis qui ne changent jamais. »

Aujourd'hui peut-être, comme en 93, des mains sacerdotales pourraient subir les chaînes et les têtes tomber sous la hache du bourreau ; mais le sacerdoce ne tombera pas. Il est aussi nécessaire aux âmes que le soleil l'est au corps. Jusqu'à la fin des temps, il y aura des prêtres pour baptiser, pour instruire, pour bénir les enfants, les époux, les mourants et les tombeaux. Quelle histoire en effet plus merveilleuse que celle du clergé dans ses œuvres de dévouement ! Ainsi que son divin Maître, n'a-t-il pas toujours marché et ne marche-t-il pas encore en faisant le bien ? Qu'était le monde avant lui ? les deux tiers, les faibles, les petits et les pauvres n'étaient-ils pas esclaves de l'autre qui les traitait comme des machines ou des bêtes de somme au service de leur cupidité et de leur volupté? Eh bien ! hérauts fidèles, les Apôtres et après eux les évêques et les prêtres ont porté partout le commandement de Jésus-Christ : « Aimez-vous les uns les autres (1). » — « Celui qui s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse

(1) Saint Jean. 111. 23

sera exalté (1). » — « Bienheureux les pauvres !

Bienheureux ceux qui souffrent., car le royaume des cieux est pour eux (2) ! »

A cette doctrine nouvelle, si étrange et si dure aux mauvaises passions, une lutte formidable s'engage entre le vieux paganisme et le christianisme naissant. Le sang des martyrs coule à flots, mais la croix triomphe de toutes les tyrannies et acquiert la liberté des âmes pour tous d'abord, puis successivement celle des corps. Dès lors, grande lumière, grande joie, grande j espérance chez les maîtres et les esclaves à la fois réconciliès et unis par la participation aux mêmes sacrements, parle même Credo et par la même prière : « Parle Christ, aimons-nous dans Dieu, pour Dieu, pour le ciel. »

Ainsi grandit et s'étendit la civilisation dans les vi'lles, dans les campagnes, partout où le clergé porta le flambeau de la foi. Attila, le terrible, que ne pouvarent arrêter les forces de l'Europe, s'arrêta devant un prêtre désarmé, et l'on vit se courber sous les mains sacerdotales qui les bénissaient au nom du Dieu des armées, les Constantin, les Clovis, les Charlemagne, saint Louis et bien d'autres qui, certes, par cet acte de foi ne pensaient pas s'abaisser dans l'estime de leurs

(1) Saint Luc. xiv. 2.

(2) Saint Matth. v. 5. 10.

peuples. Le prêtre n'a pas seulement donné ses forces à évangéliser et administrer les sacrements ; la hache et l'aiguillon à la main il a fait venir des moissons et des vendanges là où n'existaient auparavant que forêts et déserts. C'est à lui que nous devons encore la conservation de ce que les païens nous ont laissé de plus remarquable en science, en histoire et en littérature.

Ami de Dieu, animé de son esprit, le prêtre est tout à tous, dévoué à secourir, à soulager toutes les misères humaines. Aussi, est-il partout, à l'hôpital, au champ de bataille, au pied de l'échafaud où, donnant à baiser le crucifix au malheureux condamné, il lui mérite par le sacrifice de sa vie, volontairement et religieusement accepté, d'entrer en l'éternelle vie. Qu'on vienne dire après cela que le clergé n'aime pas le peuple et ne fait rien pour lui 1 C'est là un effronté mensonge digne de Satan lui-même. A l'encontre de Voltaire si prôné comme bienfaiteur de l'humanité par nos libre-penseurs, le clergé n'a pas pensé que les pauvres ne dussent avoir en partage que la bêche et la charrue. Il leur a ouvert les portes de la science et l'on a vu bientôt les fils des laboureurs sur les bancs de l'étude, à côté de leurs jeunes seigneurs, les égaler et arriver parfois plus vite aux grandes dignités de l'Eglise et de l'Etat. On ne saurait donc trop le redire contre les calomnies et les mensonges des Voltairieus,

c'est aux prêtres et aux moines que la France doit plusieurs illustres magistrats, la protection des bons et la terreur des méchants, comme de braves et célèbres généraux, l'honneur de l'armée et de la patrie, tous sortis des rangs du peuple.

Voilà comment le clergé s'est montré véritablement la lumière du monde, le sel de la terre (1), protégeant les petits et brisant quelquefois la tyrannie des grands.

LES MISSIONNAIRES

Dans une de ces écoles cléricales que nos hommes de progrès voudraient faire disparaître, un jeune homme qui prie, qui se confesse, qui communie avec une piété angélique, sent dans son âme un amour ardent pour tous les malheureux. Il voudrait donner du pain, à ceux qui ont faim, des, consolations à ceux qui pleurent, le jour à ceux qui sont dans la nuit de l'hérésie et de l'incrédulité. Témoin attristé des misères de la France, il pense à des misères plus grandes encore. Il voit des païens rendre à de viles créatures, quelquefois au crime, un culte qui n'est dû qu'à Dieu; il voit des marchés, des trafics infàmes où le prix d'un enfant, d'une femme, d'un homme est inférieur à celui d'une bête ; il voit

(1) Saint Matth. v. 13, 14.

des sauvages faire de leurs semblables des festins sanglants. Cette vue est pour le jeune séminariste un tourment, une espèce de martyre de tous les jours. « J'aime bien mon père, se dit-il alors, j'aime bien ma mère, mes frères, mes sœurs, mes amis, ma patrie, mais Celui qui parla à Abraham, parle aussi à mon cœur et me dit : « Va ! ) Le jeune homme obéit comme le père des croyants. On pleure, il pleure ; il pleure encore sur le vaisseau. Comment oublier des parents bien-aimés, des amis sincères, le clocher du village ? Comment oublier une tombe sur laquelle on venait répandre des fleurs, des larmes, des prières ? Comment oublier la France dont on ne reverra peut-être plus les beaux rivages ?

Le vaisseau s'avance en mer, marche des jours.

des mois et aborde enfin à l'ile désirée. Sauvages, saluez l'envoyé du Seigneur. Il vient à vous, la croix à la main, le sourire à la bouche, la charité au cœur. Il vous apporte les trésors de l'Evangile ; recevez-le et il vous apprendra à aimer le travail, la vertu, Dieu. Instruits et baptisés, vous porterez vos regards plus loin que vos déserts, plus haut que le soleil et les étoiles ; vous saluerez ce que saluait le roi David, la cité permanente de la paix et du bonheur. Le premier envoyé de Dieu, Jésus-Christ, son Fils, est venu sur la terre ; les siens lui ont donné des

opprobres, des fers, une couronne d'épines, une croix et la mort. Or, le prêtre est un autre Christ.

Il doit avoir des ennemis, il en a chez les nations barbares plus que chez les civilisées. On le recherche donc pour lui donner une cangue, une prison, puis la mort. Parfois, il meurt de fatigue ou de faim. Il n'y a pas longtemps, on a trouvé un de ces hommes de Dieu, à moitié dévoré par les oiseaux de proie. Son bréviaire, à côté de lui.

était ouvert à l'office des morts. Il avait vu, sans doute, venir sa dernière heure, et fait par avance les prières de ses funérailles (1).

La libre-pensée a pu donner à la France des médecins, des avocats, des députés, des sénateurs, des ministres, mais elle n'a pas donné aux sauvages un seul missionnaire pour les évangéliser, les civiliser et leur faire aimer ce que n'aiment pas les libre-penseurs: Dieu, l'humilité, la chasteté.

Ah ! c'est que les libre-penseurs ne savent pas ce qu'est une âme, par conséquent, sa valeur, son prix. Au lieu donc d'aspirer d'aller à la conquête et au salut des âmes dans les contrées lointaines, les libre-penseurs les tuent sans remords mêm £ au sein de leurs familles.

LES MOINES

Il y a deux Frances, la France qui prie et la France qui blasphème. Cette dernière n'aime

(1) Annales de la Propagation de la Foi.

pas les moines; elle crochète leurs maisons comme si elles renfermaient des brigands.

Liberté aux mauvais cabarets, aux mauvais théâtres 1 Liberté aux maisons de débauches-, mais guerre à mort aux maisons où se réunissent les hommes qui, par la prière et la mortification, s'efforcent de faire revivre en notre siècle sceptique et voluptueux les anciens âges de foi et de mœurs sévères! Tel est le mot d'ordre de la France qui blasphème et qui, sous l'inspiration de Satan, crie aux moines : « Vous êtes de trop sur notre terre de liberté, allez-vous-en; votre départ sera pour nous un soulagement, une joie. »

Au contraire, la France qui prie et qui agit sous l'inspiration de Dieu, aime le moine. Elle salue en lui une belle espérance : Un moine qui prie, se dit-elle, qui jeûne, qui garde le silence jusque dans le travail des champs, m'est plus utile que l'avocat avec toute son éloquence, qu'un guerrier avec son épée, parce qu'il attire sur moi les bénédictions célestes. La prière de dix justes eût sàuvé Sodome; le jeune David, en priant le Seigneur, terrassa d'un coup de fronde le géant Goliath.

0 France ! Sache bien que les ennemis de la prière sont tes plus cruels ennemis. Que font-ils en voulant des écoles sans prières, une magistrature, une armée sans prières, sinon attirer sur

eux et sur toi les malédictions de Dieu ? Gardetoi de te laisser asservir par eux ! Garde-toi de leur livrer tes meilleurs enfants, amis de la prière qui fait les nations grandes et heureuses !

Ecoutez les nobles paroles d'un archevêque sur l'illustre moine Anthelme : « Les monastères sont des lieux de prière et d'expiation. On ne vit jamais le malheur frapper en vain à leur porte, et comme la grâce n'étouffe pas dans le cœur des moines le patriotisme, c'est surtout dans les calamités publiques que leur dévouement se manifeste avec plus d'éclat. Une grande famine désole le Bugey ; le moine Anthelme donne les provisions du couvent, les ornements de l'Eglise et lorsque les moyens sont épuisés, il tombe à genoux, implore les secours de Celui qui multiplia le pain du désert, et un miracle récompense sa foi (1). »

On ne saurait dire tout ce que les moines ont fait de bien partout où ils ont passé.

Ecoutez encore ce que répond un éloquent prédicateur, le P. Monsabré, à l'objection des utilitaires qui reprochent aux religieux d'arrêter la marche du progrès : « On demande des hommes utiles, mais, n'étaient-ils pas utiles ces sublimes anachorètes, qué protestaient par l'austérité de leur vie contre

(1) Panégyrique de saint Anthélme, évèque de Belley, par Mgr Paulinier, archevêque de Besançon.

la corruption infàme dont se mourait le monde païen?N'étaient-ils pas utiles ces papes, cesévêques, ces prêtres, qui allaient au devant des barbares, domptaient leur colère, éclairaient leur ignorance, assouplissaient leur volonté sauvage, transformaient leurs mœurs et les préparaient aux bienfaits de la civilisation? N'étaient-ils pas utiles ces pontifes et ces augustes assemblées, qui, au nom de la liberté des enfants de Dieu, réclamaient l'affranchissement des esclaves et finissaient par user leurs chaînes? N'étaient-ils pas utiles ces infatigables moines qui perçaient les forêts, défrichaient les sols stériles, assainissaient les marais, fécondaient la terre et groupaient autour de leurs couvents des populations que la dispersion et l'isolement condamnaient à la sauvagerie et à la misère? N'étaient-ils pas utiles ces vaillants chevaliers que l'Eglise jetait sur l'Orient au cri de : Dieu le veut ! pour arrêter les flots de la barbarie musulmane, toute prête à envahir l'Occident? N'étaient-ils pas utiles ces laborieux et patients moines qui recueillaient et copiaient dans leur cellule les manuscrits de l'antiquité, sauvant ainsi les lettres et les sciences du naufrage où menaçaient de les engloutir l'ignorance et l'oubli des peuples, tourmentés par les guerres d'invasion? N'étaient-ils pas utiles ces hommes d'église, qui encourageaient les arts, multipliaient ces chefs-d'œuvre d'architecture,

de sculpture, de peinture que nous admirons encore, fondaient les universités célèbres, où venait s'instruire la jeunesse de tous les pays, et les humbles écoles, où l'enfant du pauvre était initié aux connaissances élémentaires? N'étaientils pas utiles ces saints, dont l'âme tendre compatissait à tous les maux et qui donnaient l'essor à ces grandes et innombrables institutions de charité que nous voyons toujours en lutte contre les faiblesses, les infirmités, les misères, les déshonneurs de l'humanité? Ne sont-elles pas utiles ces légions généreuses d'hommes et de femmes qui, fidèles aux traditions du glorieux passé de l'Eglise, se dévouent à l'éducation de l'enfance et de la jeunesse, au culte des pauvres, des malades, des convalescents, des incurables, des orphelins, des vieillards, des flétris, de tous les abandonnés qui réclament du pain, des soins, des consolations, des affections, de l'estime, des réhabilitations ? Ne sont-ils pas utiles ces courageux missionnaires, qui s'expatrient librement pour aller prêcher l'E van gile aux nations infidèles, étendent et soutiennent jusqu'aux extrémités de la terre le prestige et l'honneur des peuples européens? Non, l'Eglise ne craint la concurrence d'aucun pouvoir et d'aucun système de gouvernement pour former des hommes utiles. Entre les deux citoyens que me rappellent l'église SaintVincent-de-Paul et la rue Lafayette qui y conduit,

je n'hésite pas à préférer le premier, et je suis sûr, messieurs, que vous partagez mes préférences (1). D Les impies et les sots d'aujourd'dui peuvent dire : à bas les moines ! Quoi d'étonnant ? Ils ne disent et ne font que ce que leur souffle Satan, leur maître. Ils donneront des millions aux comédiens et aux danseuses, pendant qu'ils enverront les moines manger le pain de l'exil. C'est dans l'ordre du mal. Avec eux, les juifs peuvent rester juifs, les mahométans rester mahométans, les athées rester athées et manger librement du saucisson le Vendredi-Saint. Mais des Français, (et des meilleurs) ne peuvent se réunir pour la prière et le travail en communauté, ni se livrer à l'étude, au silence et à l'abstinence, parce qu'ils sont religieux. 0 France, ô ma patrie ! toi, naguère si grande, si admirée des autres nations pour ta foi, ta loyauté et ton amour du beau, du vrai, du bien, quand diras-tu franchement et pour toujours aux moines : J'aime vos doctrines, vos exemples, vous êtes mes plus dévoués enfants, restez ; vous serez protégés comme les autres, Dieu le veut I

(1) 3' Conférence à Notre-Dame (1882).

CHAPITRE VII

DIEU AVEC LES SOLDATS

Chargés de diriger les soldats, non dans les théories militaires et dans le maniement des armes, mais dans la voie du salut, les prêtres leur disent ce qu'ils disent aux femmes, aux enfants, aux vieillards, aux moines : Le Seigneur soit avec vous! Bien écoutée, bien mise en pratique, cette courte harangue fait des héros pour la terre et pour le ciel. Une armée avec Dieu, c'est une armée avec l'honneur et le patriotisme. « Combattons jusqu'à la mort, s'il le faut, s'écrient les officiers et les soldats ; il vaut mieux mourir que de voir l'abaissement et les maux de la patrie (1) »

(1) Mach. l*r liv. h». 59

Heureuses les nations qui sont protégées par des mains qui font le signe de la croix, par des cœurs qui s'élèvent vers Dieu, à l'heure du combat.

Clovis, Charlemagne, saint Louis, Don Juan, Turenne, Bayard, Bujeaud, vous aimiez le Seigneur avec vous 1 vous aimiez la croix, la confession, la communion, la prière. Avant de livrer une de ces batailles qui ont agrandi la gloire et le territoire de la France, Turenne se retirait sans bruit dans un bois, derrière un buisson ou un pan de mur, et là, seul, la pluie sur la tète, les genoux parfois dans la boue, il priait le Maître souverain de la vie et de la mort.

Celle qui a aimé d'un amour immense son Dieu et sa patrie, une bergère devenue illustre guerrière à dix-huit ans, Jeanne d'Arc, conduisait ses soldats à l'église, puis à la victoire. Les Anglais l'ont brûlée, mais la gloire de son nom vivra aussi longtemps que la France, autant que l'éternité. Bientôt peut-être les soldats de la France, de l'Europe et du monde entier pourront dans leurs prières publiques, joindre le nom de Jeanne d'Arc à celui du soldat Maurice.

Dans une lettre musulmane tombée entre les mains d'un croisé, il était dit : « La Ville Sainte sera détruite cette année, les débris du Calvaire seront jetés au fond des mers. » — « Adorateurs du Christ, s'écrie Arnulf de Roches, quelle réponse voulez-vous faire ? prenez le temps de

réfléchir, délibérez mûrement sur la résolution que vous inspirera cette sacrilège audace. —

A ces mots, l'orateur fut interrompu par les cris unanimes : ( Point de délai, notre résolution est prise, nous combattrons pour le Christ, pour sa loi, pour ses saints. Si nous mourons, c'est la gloire, c'est l'éternelle vie dans les cieux. Mille fois la mort plutôt que de laisser impunie la provocation barbare des infidèles. » Les soldats se confessent, communient et, sous leurs coups, l'armée ennemie se fond comme la cire exposée au feu (1).

A la vue de Paris et de la France dans les larmes et le sang, les Vendéens disent aux tyrans qui règnent sans foi et sans Dieu : « Pas d'esclavage, nous voulons la liberté d'aller à la messe, au confessionnal, à la Table sainte, au ciel avec notre Credo, l'image du Sacré-Cœur, une croix et une épée, nous serons vainqueurs ou martyrs.

C'est ce qui a fait dire à Napoléon, grand appréciateur de la gloire militaire : « La Vendée s'est montrée un peuple de géants. » « Les soldats français qui nous font le plus de mal. écrivait un colonel prussien, sont ceux que nous avons vus agenouillés sous la main du prêtre avant le combat. » Comme on félicitait un soldat resté calme et impassible à la prise de sébastopol malgré les

(1) Rist. de VEgl. (Darras), 25 vol. p. 95.

balles et la mitraille qui tombaient semblables à des flocons de neige, « Quoi d'étonnant? répondit-il, j'avais communié ce matin. »

Que penser après cela de ceux qui veulent remplacerle Credo à la vie éternelle par le Credo au néant? « Monsieur l'abbé, disait un soldat mourant sur le champ de bataille, écrivez à ma mère que son fils a courageusement rempli ses devoirs de soldat et de chrétien ; dites-lui qu'il a donné son sang à la patrie et son âme à Dieu.

« Dans le Credo au néant, eût-il trouvé une pensée pour le consoler, lui et sa pauvre mère? Oh!

non, le tigre qui tue et dévore est moins à craindre que l'impie qui prêche à nos soldats le Credo de l'abrutissement. 0 France ! nous t'aimons, et parce que nous t'aimons, nous ne nous lasserons jamais de demander pour les officiers et les soldats l'amour de Dieu, avec lequel tant de héros ont su si bien vivre et si bien mourir.

UN" SOLDAT AVEC DIEU

« Me voilà dans la caserne, complètement dépaysé, au milieu d'un monde nouveau pour moi.

J'avais le cœur bien gros quand je suis parti, malgré le courage affecté dont je m'étais armé.

Le dernier regard jeté sur le toit paternel et sur le clocher de l'égliseavaitété voilé par les larmes, et les indifférents, lisant sur mon visage le dé-

sarroi de mon âme, semblaient me reprocher d'oublier un instant que le service auquel j'étais appelé est une noble mission. Ils avaient raison de blâmer mes larmes, mais j'avais raison, moi aussi, d'être triste. Oui, je le sais, et je m'en souviendrai toute la vie. il est grand l'honneur de défendre la patrie en danger, il est beau le métier de soldat ; mais je suis chrétien, ma famille est chrétienne, et avant d'entrer dans la caserne, je savais quels grossiers blasphèmes mes oreilles seraient condamnées à entendre. Il n'y a pas une heure que je suis ici et j'en ai fait la douloureuse expérience. Je pourrai du moins leur fermer les oreilles de mon cœur ; j'en prends l'engagement et, ce matin, je promettais à Dieu de rester aussi chrétien jusqu'à la fin de l'année, que je l'étais avant et même plus encore.

« Hier soir, avant de m'endormir, je me suis agenouillé auprès de mon lit, comme si j'avais eu au-dessus de ma tête le crucifix de ma petite chambre, pendant que les camarades débitaient leurs histoires assaisonnées de blasphèmes. Je m'attendais à une avalanche de quolibets ; même d'injures; des chuchoteries ont répondu seules à ma simplicité. Qui sait? Ils se sont peut-être souvenus qu'autrefois ils ne s'endormaient jamais sans prier Dieu. Me voyant de nouveau à genoux, sans s'adresser à moi, ils ont fait tomber la conversation sur la prière, ils l'ont décla-

rée bonne, mais seulement pour les femmes et les curés. C'est égal, j'aime mieux ressembler aux femmes et aux curés, qu'à ces hommes dévoyés et ignorants qui avalent comme un verre de vin le tas de bêtises et de mensonges que leur débitent chaque jour les journaux. Il faudra lutter, eh bien 1 je lutterai.

« J'ai rencontré aujourd'hui à la chapelle, un autre volontaire venu sans doute pour implorer les mêmes grâces que moi. Nous sommes sortis ensemble, avons fait connaissance, car nous ignorions nos noms et nous voilà une paire d'amis. Il connaît un autre camarade également chrétien ; nous serons donc trois à nous soutenir par nos exemples. Enfin, voici l'année achevée, ce soir je reprendrai ma place au foyer paternel.

Quelle joie, lorsque mon père me serrera dans ses bras, mon père dont j'ai gardé intact le nom etl'honneur! Quelle joie, quand ma mère, m'embrassant sur le front, plongera dans mes yeux un regard dont je n'aurai pas à redouter la profondeur! Quelle joie, lorsque père, mère, frères, sœurs, nous irons tous ensemble remercier Dieu et la Sainte-Vierge de m'avoir gardé chrétien comme avant, chrétien plus qu'avant (1) ! »

Un soldat qui rentre dans sa famille avec une blessure mortelle ne donne pas autant de cha-

(1) Revue de la Presse, 1880

grin que celui qui. parti plein de foi, rentre avec l'incrédulité. Le malheureux ! il n'ira plus à l'église entendre le Dominas vobiscum, le Sursum corda ; mais il ira au cabaret et ailleurs où le plus souvent se tient un langage presque infernal, où l'on tourne en dérision les mystères de la foi, la sainteté de la morale ; où s'entendent les propos les plus ignobles et les plus impies, où l'on va jusqu'à nier Dieu. Hélas! un homme sans Dieu est bientôt sans respect, sans amour filial. Les cheveux blancs d'un père, les larmes d'une mère ne disent plus rien à son cœur dur comme un rocher. « Accusé, dit le magistrat à un jeune homme sans Dieu, que faites-vous? » — « Le désespoir de ma famille. » Oh ! elle serait bien longue et épouvantable l'histoire des désespoirs dont la cause première a été le cœur d'un jeune homme revenu de l'armée avec le Credo au néant. Au contraire, si le Credo catholique était aimé, chanté par tous les soldats, les familles seraient rassurées et la France aurait pour sa gloire et pour ses frontières des défenseurs qu'elle n'aura jamais avec le Credo de l'abrutissement.

CHAPITRE VIII

DIEU AVEC LES RICHES

Des hommes, animés d'un esprit infernal, ont écrit : « La première révolution n'aurait pas dû laisser un séul château, un seul parc, un seul domaine (1). ) La propriété, c'est le vol (2). » — Bourgeois, nous serons de nouveau maîtres de la place. nous faucherons vos tètes, fussent-elles couvertes de cheveux blancs. Pour vos femmes et vos filles, nous n'aurons que la mort, la mort jusqu'à ce que votre race ait disparu pour toujours (3). ) — « A bientôt, messieurs les bourgeois, vous serez pendus à des gibets énormes.

[1) Guide du peuple, p. 26.

(2) Proudhon.

(3) Le citoyen B.

vous y resterez au soleil, à la pluie, jusqu'à complète pourriture de vos cadavres (1). »

Si la propriété est un vol, vous devez renoncer à l'héritage des ancêtres ; vous ne pouvez pas, avec vos économies, bâtir une maison, une chaumière, acheter une terre, une vigne, un petit coin au cimetière pour y dormir en paix à l'ombre de la croix. Arrière, l'horrible doctrine des communards, que le bon sens aussi bien que la foi repousse et flétrit !

Les riches, assurément, ne sont pas tous ce qu'ils devraient être, humbles, chastes et géné-

reux. L'Evangile nous en montre un dont le cœur ne s'élevait pas plus haut que sa cave. Il jouissait ; aux portes de son palais, Lazare, couvert de haillons et de plaies avait faim. En souffrant sans murmure: Lazare se prépara au bonheur éternel et parfait, pendant que le mauvais riche se préparait pour lui-même l'éternelle mendicité d'une goutte d'eau dans un sépulcre de feu (2).

« Malheur aux riches (3) à dit encore l'Évangile, mais seulement à ceux qui ne font pas un saint usage des biens qu'ils ont reçus de la divine Providence. Par elle-même, la richesse n'a été et ne sera jamais un crime devant Dieu ; il n'a jamais dit et ne dira jamais : la propriété, c'est le vol.

(1) Le qui vive, publié à Londres.

(2) Saint Luc. xvi. 20-24.

(3) Id. vi. 24.

Si la Bible nous montre des pauvres parmi les amis de Dieu, elle nous montre aussi des riches et des rois. Abraham était riche, Job était riche, David, Salomon étaient riches. Le Fils de Dieu, qui naquit dans une étable, qui travailla dans la maison d'un ouvrier, qui dormit sur une pierre dans le désert, mangea et dormit aussi dans le château de Béthanie. Il n'a pas dit à ses hôtes Marthe, Marie et Lazare : vous êtes riches, donc vous ne valez rien pour mon cœur et pour mon ciel.

Le denier de la veuve peut avoir une valeur que l'or du riche n'a pas, mais le Sauveur ne repoussa pas les Mages, ni leurs présents. Ils sont donc mal venus, ils sont privés de raison ceux qui ne voudraient sur la terre ni bourgeois, ni nobles, ni rois, car dans les palais on voit souvent plus de vertus que dans les ateliers et dans les chaumières.

LE RICHE AVEC DIEU

Dans le château de ses pères, à l'armée, à la cour, à Besançon, comme ambassadeur, le jeune comte Louis, frère de saint François de Sales, vit semblable à un novice dans son couvent. Le péché lui parait si odieux qu'il voudrait l'exiler de toute la terre et le reléguer dans l'enfer qui est son centre. « Chrétien, se disait-il, serais-tu assez lâche pour effacer en toi l'image de ton

Dieu ? Devenu époux et père, Louis redoublait de zèle pour tout ce qui est vrai et bien. Il se prescrivait, à diverses heures de la journée, des exercices de piété, disant à cette occasion qu'un soldat de Jésus-Christ doit souvent prendre le mot d'ordre de son adorable capitaine pour n'être jamais surpris par l'ennemi. Chaque dimanche, on voyait monsieur le Comte se rendant à l'église au milieu de ses enfants et de ses domestiques qu'il édifiait par ses paroles et mieux encore par ses exemples. C'est ainsi qu'en écoutant, qu'en suivant ce noble père de famille, tous aimaient à l'accompagner à la messe, aux vêpres, au confessionnal, à la Table Sainte, vers Dieu, vers le ciel. Un homme violent et scandaleux lui avait voué une haine mortelle parce qu'il en avait été repris dans ses désordres. Cédant à un accès de fureur, il se jette sur lui les armes à la main. — « Es-t-il possible, lui dit le Comte, que vous vouliez m'ôter la vie pour avoir cherché à rendre la vôtre meilleure ? » Le malheureux demanda pardon et Louis de Sales, ne pensant plus à cette tentative criminelle, se réjouit d'avoir, par sa douceur, ramené une âme à Dieu.

Père des pauvres, il aimait à leur donner avec le pain matériel la nourriture, spirituelle, c'est-àdire les bonnes paroles de foi, de consolation et de conseil; et lorsque la vieillesse vint l'empêcher d'agir par lui-même, il chargea sa petite-

fille de la distribution de ses aumônes. Cette aimable enfant de cinq ans. comprit si bien l'esprit de son grand-père, qu'en parlant des pauvres, elle avait coutume de dire : « Laissez-moi assister nos meilleurs amis. » Dans tous les pays, particulièrement dans le nôtre, chaque siècle a fourni des bourgeois, des nobles qui, à l'exemple de Louis de Sales, ont été une seconde providence pour les pauvres. Evidemment, ils n'aiment ni Dieu, ni les pauvres, ni le bon sens, ceux qui répandent dans nos cités et nos campagnes ce cri barbare : A bas les nobles! à bas les bourgeois! à bas la J)rop¡'iété! vivent les communards, aujourd'hui, denwin toujours! Nous, aimant véritablement notre patrie, nous demandons pour les nobles, pour les bourgeois, pour les ouvriers et les pauvres les lumières de la foi, la paix d'une bonne conscience, l'amour de Dieu.

Roi selon le cœur de Dieu, David jeta un grand éclat dans le monde par ses vertus et par ses écrits qui sont comme l'histoire anticipée des humiliations, des souffrances, de la mort, de la résurrection, du triomphe de Jésus-Christ et de son Eglise. Eloigné de Dieu par un instant de volupté et tombé dans la boue comme un simple mortel, le roi coupable se relève bientôt en s'écriant: « J'ai péché » ; ses larmes de douleur coulent en abondance et jusqu'à la fin du monde

les vrais pénitents répéteront le Miserere mei, Deus, sorti du cœur contrit de David.

Tant que Salomon aime le Seigneur, il brille également par sa sagesse, par sa science, par ses victoires et par le temple qu'il bâtit au vrai Dieu, comme une des merveilles de la terre; mais dès qu'il l'abandonne, le voilà qui se livre à des infamies qui souillent son âme plus encore que ses cheveux blancs. Le sage illustre devient un fou insigne, à genoux devant une idole à laquelle il demande gloire et bonheur.

Sous l'étendard de la croix. Constantin combat et triomphe. Les chrétiens sortent des catacombes, le Seigneur est chanté, exalté. Grâce à ce signe civilisateur de tous, des patriciens, des esclaves, des barbares apprennent qu'ils sont frères, créés par le même Dieu, destinés au même bonheur, celui du ciel.

Devenu à son tour adorateur du Dieu de son épouse, Clovis bat les Allemands et jette les fondements de notre grande nation. Assurément, sous le règne de nos plus saints rois, la terre n'avait pas cessé d'être une vallée de larmes ; il y avait des malheureux, mais ces malheureux étaient assistés et aimés comme ils ne l'ont jamais été sous le règne de Marat, de Robespierre et compagnie. Amis du Seigneur, les rois se sont toujours montrés amis des pauvres; ils les ont quelquefois même reçus dans leur palais, fait

asseoir à leur table, les servant de leurs mains royales, leur lavant les pieds, puis les congédiant affectueusement avec une pièce de monnaie. Devenus maîtres par la grâce du peuple les républicains sont loin d'avoir pour les malheureux la bonté de saint Louis. On ne verra jamais un in crédule laver les pieds du pauvre ; c'est un spectacle inconnu jusqu'à présent au monde. Le grand qui s'humilie aux piedsd'unpauvre c'est toujours celui qui dit avec lui : « Notre père qui êtes dans les deux, votre fils a reçu à son berceau des bergers et des mages; bergers et rois sont créés pour peupler le même ciel; ils doivent s'aimer en paroles et en actions. »

Là où règne le Credo au néant, le mot fraternité peut être écrit sur les drapeaux et sur les murailles, mais il est absent des cœurs, c'est un mensonge. Les gouvernants incrédules sont tous plus ou moins despotes, plus ou moins Néron.

Danton, Robespierre, Marat et autres, qu'ont-ils été sinon des Nérons français ?

Les incrédules sans place trrvaillent sourdement à arriver. Sous l'inspiration de Satan, ce premier révolté, ils préparent des révolutions, semant de mauvais journaux, de mauvais roman.s jusque dans nos campagnes. Pour s'élever et jouir, les incrédules voudraient tuer et princes et rois. Ils ont même assassiné en Amérique plusieurs présidents de République. L'orgueil, dit

l'Ecriture, veut toujours monter (1). Pour monter et jouir, les incrédules ne craindraient pas d'incendier Paris et de baigner leurs pieds dans le sang des victimes.

Oh ! heureuse la nation qui désire avant tout voir l'esprit de Dieu régner sur ceux qu'elle veut se donner pour maîtres !

UNE PRINCESSE AVEC L'ESPRIT DE DIEU

Petite nièce de saint Edouard, Marguerite donnaà l'Ecosse le spectacle de toutes les vertus.

Dès ses premières années, elle avait appris à mépriser l'éclat trompeur du monde et à en regarder les plaisirs comme un poison d'autant plus dangereux qu'il flatte en donnant la mort. C'était bien moins par sa rare beauté que par un assemblage heureux de toutes les qualités de l'espriL et du cœur, qu'elle s'attirait l'admiration de la cour.

Les honneurs qu'on lui rendaient ne portaient aucune atteinte à son humilité. Toute son ambition était de plaire à Dieu et elle ne trouvait de bonheur que dans l'amour divin qu'elle entretenait par l'exercice de la prière et de la méditation.

Aussi, lui arrivait-il souvent de lui consacrer des jours entiers. Elle voyait Jésus-Christ dans

1) Proverbes.

la personne des pauvres, et saisissait toutes les occasions de les servir, de les consoler et de pourvoir à leurs divers besoins.

Malcolm, touché de tant de vertus, la demanda en mariage. Marguerite y consentit. Elle fut couronnée reine d'Ecosse, à l'âge de vingt-quatre ans, en 1070. Quoique le roi eût des moeurs peu polies, Marguerite, par sa conduite pleine de respect et de condescendance, se rendit bientôt maîtresse de son cœur. Elle en profita pour faire fleurir la religion et la justice, pour procurer le bonheur des peuples et inspirer à son mari les sentiments qui en ont fait un des plus vertueux rois de l'Ecosse. Elle adoucit son caractère, cultiva son esprit, polit ses mœurs et l'embrasa d'amour pour la pratique des maximes évangéliques.

Le roi était si charmé de la sagesse et de la piété de son épouse que non-seulement il lui laissa l'administration de ses affaires domestiques, mais qu'il suivait encore ses avis dans le gouvernement de l'Etat. Marguerite, au milieu du tumulte qui règne plus ou moins dans une cour, savait néanmoins conserver le recueillement de son âme et la prémunir contre les dangers de la dissipation.

Une parfaite exactitude à faire toutes ses actions en vue de plaire à Dieu, l'exercice continuel de la prière, la pratique constante du renoncement à soi-même étaient les principaux moyens qu'elle employait à se maintenir dans la sainteté. L'éten-

due de son génie ne le cédait point à l'éminence de ses vertus. On admirait, en effet, même en pays étrangers, sa prudence qui pourvoyait à tout, son application aux affaires publiques et privées, son ardeur à saisir toutes les occasions de rendre heureux ses sujets.

Devenue mère, nourrice, institutrice, Marguerite montra à ses enfants tout ce qu'il y a de vide dans les choses du monde comme ce qu'il y a de grand dans les choses de Dieu. Les personnes vicieuses n'avaient aucun accès à la cour ; la vertu seule était un titre de recommandation. Le ciel et la terre admiraient l'inépuisable charité de la reine pour les pauvres; aussi les revenus ne suffisaient-ils pas à la multitude de ses aumônes, car elle donnait souvent ce qui était destiné à ses besoins. Paraissait-elle en public, c'était un cortège de veuves et d'orphelins, de malheureux qui recouraient à elle comme à une mère. Elle ne renvoyait jamais ceux qui l'imploraient sans les avoir consolés et assistés.

Rentrée dans son palais, elle le trouvait rempli de pauvres auxquels elle lavait les pieds et qu'elle servait de ses mains. Elle avait coutume de ne se mettre à table qu'après avoir donné à manger à neuf orphelins et à vingt-quatre vieillards indigents. Souvent, surtout en Avent et en Carême, le roi et la reine distribuaient, le genou en terre, à trois cents pauvres la même nourriture qui

paraissait sur leur table. Malcolm servait les hommes et Marguerite les femmes. Marguerite visitait encore très-fréquemment les hôpitaux où les malades ne pouvaient se lasser d'admirer son humilité, son extrême bonté pour eux. Afin de trouver le temps nécessaire à vaquer à toutes ces œuvres de charité, elles se levait de grand matin et se refusait tout amusement. En Carême et en Avent, elle se levait à minuit, allait à l'église pour l'office, et, de retour dans sa chambre, elle lavait les pieds à six pauvres qui l'attendaient, leur donnait ensuite une généreuse aumône, puis se reposait une heure ou deux. A son réveil, elle se rendait à la chapelle où elle entendait plusieurs messes basses indépendamment de celle qui se chantait au chœur. Outre cela, elle avait encore des heures marquées pour la prière dans son cabinet. Les larmes qu'elle versait dans ce saint exercice, témoignaient hautement de sa grande ferveur ; enfiii elle ne mangeait que pour ne pas mourir de faim. L'illustre pénitente pressait souvent son confesseur de lui signaler ce qu'il y avait de répréhensible dans ses paroles et ses actions ; il lui semblait qu'il était trop indulgent à son égard. Son humilité lui faisait désirer des remontrances qui désolent les autres. Tous les ans, elle faisait deux carêmes, chacun de quarante jours ; l'un avant Noël, l'autre avant Pâques. Elle pratiquait alors des austérités extraordinaires,

récitait journellement les petits offices de la Sainte-Vierge, de la Sainte-Trinité et des mort-s.

Le dernière maladie de Marguerite dura au moins six mois. Pendant ce temps, le roi son époux voulut, malgré son avis, se mettre à la tête de son armée dans la guerre contre le Northumberland, mais il y trouva la mort ainsi que son fils Edouard.

Elle venait de recevoir le saint Viatique lorsque son autre enfant Edgard arriva de l'armée. —

« Comment se portent le roi et Edouard, » lui demanda-t-elle ?— Le prince craignant d'augmenter le mal de sa mère, lui répondit qu'il se portaient bien. « Je sais ce qu'il en est, répliquat-elle. » Elevant alors les mains au ciel : « Dieu Tout-Puissant, dit-elle, je vous remercie de m'envoyer une si grande affliction dans les derniers moments de ma vie. J'espère qu'avec votre miséricorde, elle servira à me purifier de mes péchés. »

Quelques jours après, elle rendit sa belle âme à Dieu.

N'ayant plus ni lafoides chrétiens, ni seulement le bon sens des sauvages, des hommes qui se disent amis du progrès, veulent même pour les filles des écoles sans Dieu. Vivant sous une législature qui rendrait obligatoire l'ignorance des grandes vérités de la foi, une pauvre fille saurait-elle se taire des béatitudes avec son travail, ses larmes, sa mort, ainsi qu'une fille de château avec son humilité,

sa modestie, son amour pour les pauvres ? Sous une brillante parure, dans un salon splendide, au bal, au théâtre, partout, une fille sans Dieu mendie des regards comme une pauvre malheureuse mendie à la porte du riche un morceau de pain. Dévorée par la fièvre des plaisirs plus brûlante que celle des marais, une fille de château n'a aucune force pour supporter les peines inséparables de la vie. Les paroles sont parfois bien dures pour son père, pour sa mère, et davantage pour les domestiques et les pauvres. On plaint le jeune homme qui demandera sa main. Avec Dieu, une épouse est un trésor; sans Dieu, c'est un fléau. Animée de l'esprit divin, une mère donnera tout le sang de ses veines à ses enfants ; mais avec l'esprit de Satan, cet homicide dès le commencement, une femme trouvera que son enfant est de trop dans ce monde et ira plus loin qu'une tigresse ; elle le tuera par le poison, ou avec une corde, ou avec une aiguille de bas pour lui percer le cœur ; tristes infanticides dont nos cours d'assises ont été épouvantées. En Russie, principalement, des femmes, des filles élevés sans Dieu, enrôlées dans le nihilisme, commettent des crimes qui font trembler le monde entier. 0 pères et mères 1 il vaudrait mieux livrer vos enfants aux vers de la tombe qu'à des écoles sans Dieu.

Des maîtres chrétiens, des livres chrétiens disaient à la jeune Marguerite : Tu viens de Dieu

tu es pour Dieu, tu retourneras à Dieu, il sera ton Juge, impossible de lui cacher une pensée, une parole, une action. Il a créé un ciel pour la vertu et un enfer pour le péché. Les révolutionnaires ont bien pu sous Louis XVI démolir la Bastille, ils ne démoliront jamais l'enfer. Il sera, après des mUliers de siècles, ce qu'il est aujourd'hui, un abîme d'horreur et de désespoir. Comme une fille de laboureur, la jeune héritière du château se place incontestablement sur la route de l'enfer si elle méprise, en matière grave, ce qu'elle doit à Dieu,à ses parents,aux domestiques, aux pauvres.

Elle peut, en se livrant un instant à de coupables voluptés, se préparer une honte, des souffrances et des remords éternels. Ces articles de foi catholique ont donné une grande reine à l'Ecosse, une grande sainte au ciel. Que serait devenue lajeune Marguerite si ses regards ne s'étaient jamais fixés sur un crucifix, sur un autel, sur une page du catéchisme ; si des maîtres sans Dieu lui avaient dit : « Fille de prince, ne recherche pas si tu viens de Dieu ou du hasard, si ton premier père a été un homme ou un singe, si ton âme est matière ou esprit, mortelle ou immortelle. Ne t'inquiète pas davantage s'il y a distinction entre le vice et la vertu, si la mort conduit au néant ou à une éternité heureuse ou malheureuse. » Elevée en cette doctrine aussi absurde qu'impie, devenue librepenseuse, Marguerite se serait servie de sa liberté

pour être mauvaise fille, mauvaise épouse, mauvaise mère, mauvaise reine et, en la couronnant, l'Ecosse n'eûtcouronné qu'une espèce de monstre.

0 mon Dieu ! faites régner chez les grands votre amour pour l'édification de ceux qui les entourent, pour le soulagement des pauvres, pour le bonheur de la patrie !

CHAPITRE IX

DIEU AVEC LES PAUVRES ET LES AFFLIGÉS

Le progrès dont nos libre-penseurs sont si fiers, cette prétendue égalité, objet chéri de leurs rêves creux, ne feront pas mentir ces paroles de JésusChrist : « Vous aurez toujours des pauvres parmi vous (1)» On entendra touj ours dans les cités, même les plus opulentes, ce cri de douleur : J'ai faim, j'ai froid ; un peu de pain s'il vous plaît, un peu de feu, des vêtements, un abri où reposer ma tête malade. Sous l'égoïstepaganisme, les travailleurs, les esclaves, les vieillards surtout, et les mourants étaient bien à plaindre. Après avoir usé leur vie au service de leurs maîtres, ils n'en recevaient pas

(1) Saint Matth. xxvi, 11.

toujours un regard de pitié, une parole d'adieu, un pauvre cercueil. Leurs cadavres étaient la proie des oiseaux ou pourissaient à la pluie, au soleil.

Mais sous le règne de Jésus, le Père des pauvres, nos vieillards, nos malades ont de vrais palais pour les loger, les plus grands docteurs pour les visiter, et pour les soigner celles que les musulmans appellent les anges de la France. A tous ces souffrants un homme de Dieu dit ce que le Pape disait dans une assemblée de cardinaux : « Le Seigneur soit avec vous ! oui, soyez avec lui, comme il veut être avec vous, vous trouverez en lui le plus tendre des pères, le meilleur des amis; encore quelques jours de patience dans vos souffrances et un poids de gloire éternelle vous les fera oublier au ciel (1). » Ils sont donc bien cruels les impies qui s'en vont à l'hôpital chercher, par leurs paroles sataniques, à enlever l'espérance à un pauvre mourant. Mieux eût valu pour lui tomber sous le fer de l'assassin 1 car, rien n'est plus triste que la mort d'un incrédule, comme rien n'est plus beau que celle d'un croyant.

Avec son espérance à la vie éternelle, l'esclave Blandine étonne par son courage héroïque et magistrats et bourreaux, et sa mémoire sera toujours vivante dans la cité lyonnaise. Dieu merci 1 Il est

(1) Saint Paul, 2« aux Corinth. iv. 17.

encore une foule de domestiques qui préfèrent se parer de la modestie pour Jésus-Christ au désir de plaire au monde. Blandines modernes, elles pourraient dire comme leur illustre modèle : « Il ne se commet point de crimes parmi nous ; nous aimons à remplir nos devoirs envers Dieu, envers nos maîtres, envers les enfants qui nous sont confiés. » C'est le dévouement de quelques domestiques lyonnaises qui a donné naissance à l'une des œuvres les plus admirables de nos temps, la Propagation de la Foi. Elles commencèrent par dire un Pater et un Ave chaque jour et à donner un sou par semaine. Ces prières et ce sou acquérant une grande valeur devant Dieu, furent le grain de senevé qui produisit l'arbre magnifique et aux mille rameaux de la Propagation de la Foi : œuvre éminemment catholique à laquelle des millions d'infidèles doivent la vérité, le Baptême, l'Eucharistie, l'Eglise et le Ciel.

DOMESTIQUES APÔTRES

On ne lira pas sans plaisir les paroles suivantes : « La pensée de la mort ne faisait sur moi qu'une impression légère et je vivais comme si je ne devais jamais mourir. L'apôtre qui a éclairé mon esprit et converti mon cœur, est un ange que j'appellerai ma domestique, ma cuisinière. Mon

père et ma mère m'avaient fait donner une brillante éducation. J'avais hérité d'eux des terres, des vignes, un château, mais avec cela j'oubliais mes devoirs de chrétien et marchais àl'abîme. J'y serais certainement tombé sans la douceur, sans les prières et les larmes de ma domestique. Elle a été l'instrument béni dont Dieu s'est servi pour donner à mon âme lumière, paix et bonheur. »

Dans la ville de Blandine, une pieuse fille servait une famille recommandable à tous égards, mais chez laquelle les principes religieux avaient peu d'autorité. Tout entier à son commerce, le maître de la maison vivait en dehors de la foi.

C'était pour la sainte fille un grand sujet de douleur. Mille fois déjà, elle avait parlé à Dieu de ce maître si bon pour elle, mais si éloigné de lui.

L'excès de travail et peut-être d'autres excès, donnèrent naissance à un cancer intérieur qui répandait autour du commerçant une odeur telle, qu'après peu de jours d'une inutile résistance, sa famille et ses amis ne purent l'approcher qie rarement et en prenant les plus grandes précautions. Seule, la pauvre servante ne fuyait pas.

Tout entière à son devoir, elle allait, venait, disposait tout selon les prescriptions, avec une activité et un calme qui frappaient les parents et les rares visiteurs du malade. Elle n'avait que deux pensées : soigner son maître, sauver son maître.

Les semaines s'écoulaient sans mettre en défaut

sa vigilance et son dévouement. Les gardes se refusant à continuer leur tâche, elle seule ne se plaignait pas. Son maître, plein d'admiration pour son zèle, s'étonnait de la voir toujours empressée, souriant au milieu de tant de fatigues. Il n'était pas moins surpris de la voir consacrer le peu de temps de relâche prier Dieu.

a: Marie, lui disait-il, je n'ai pas besoin de vous en ce moment, ne priez pas si longtemps, allez vous reposer. » — « Je me repose, répondait la sainte fille, soyez bien calme, je me repose. » Et elle priait avec une nouvelle ferveur pour la conversion de celui qui ne pensait encore qu'à la terre à laquelle la mort allait bientôt l'arracher.

« Marie, je me sens mal, lui dit-il un jour, je n'ai peut-être que quelques jours à vivre, tout le monde redoute de m'approcher, vous seule êtes restée près de moi, parlez ; mon enfant, que puisje vous donner pour votre récompense ?» — « Ah 1 monsieur, répond Marie, tombant à genoux, les yeux baignés de larmes, Dieu ne vous dit-il rien ? » Le moribond se lève à demi : « Je commence à comprendre, reprit-il, allez me chercher un prêtre, votre récompense est au ciel (1). »

Frappé des paroles de l'Evangile : « Vœ divitibus. malheur aux riches (2) », un jeune Anglais

(1) L'abbé Postel, Vie des saints domestiques.

(1) Saint Luc. vi. 24.

se dit : « Les richesses de mes pères pourraient me faire perdre celles du ciel, eh bien ! je serai domestique. » Devenu berger chez un cultivateur et sachant qu'il est toujours sous les regards de Dieu, Vastaï montre une obéissance sans pareille.

une fidélité et une exactitude parfaite. Les épreuves les plus terribles le remplissent de joie et de bonheur. Non content de ce qu'on le charge de faire, il va au devant des désirs de ses maîtres

Sa charité pour les pauvres était si grande qu'il leur donnait de sa nourriture et de ses vêtements.

Il ne ressemblait en rien aux domestiques de nos jours dont l'argent va au cabaret. Le cabaret reçoit tout, et il ne reste pas une obole pour une pauvre et vieille mère. Si Vastaï ne pouvait donner ni argent, ni pain, il donnait toujours de bonnes paroles qui font tant de bien à ceux qui souffrent.

Bien qu'occupé toute l'année aux rudes travaux des champs, lui qui avait été élevé dans le luxe et la délicatesse, il se livrait de plus à des pénitences volontaires et rigoureuses, telles que le jeûne, le froid, la chaleur, la privation du sommeil. La prière du cœur sanctifiait toutes ses actions. Vastaï mourut au milieu d'une prairie où il travaillait. Son tombeau devint célèbre par les faveurs que Dieu daigna distribuer aux pèlerins accourus de tous les points de l'Angleterre et même des pays étrangers (1). Les plus grandes

(1) L'abbé Postel, Vie des saints domestiques.

dames de Paris et celles qui brillent le plus par l'intelligence, par la beauté, par la fortune et par le cœur n'oseraient, assurément, rêver un tombeau glorieux comme celui de la bergère Germaine Cousin. Pauvre fille d'un humble village, mais fidèle amante de Notre-Seigneur, elle a fait avec Dieu et Dieu a fait avec elle des choses merveilleuses. Tirons-en une page : « La solitude, la souffrance, la pauvreté, voilà ce que Germaine rencontra à son entrée dans la vie. A peine était-elle née qu'on s'aperçut qu'elle était percluse d'une main et qu'elle avait au cou des tumeurs scrofuleuses, double infirmité incurable. Sa mère ne l'en aima que davantage et mit tous ses soins à tourner son cœur vers Dieu, vrai consolateur des affligés. Les premiers noms queGermaine apprit à prononcer furent ceux de Jésus et de Marie. Son plus grand bonheur était de se mettre à genoux, joignant ses petites mains, pour que sa mère lui fit répéter le Notre Père et le Je vous salue, Marie. Dieu, qui ne ménage pas les épreuves à ses saints, enleva la bonne et pieuse mère à Germaine, âgée seulement de cinq ans.

Laurent, son père, se remaria, mais au lieu d'une seconde mère, la pauvre malade trouva un bourreau dans la nouvelle épouse. Cette dure et méchante femme, loin de s'attendir sur les souffrances et les infirmités de l'enfant, la prit alll contraire en dégoût, en haine, la maltraitant en

toute rencontre et de toutes manières. Dès que Germaine eut un peu grandi, la marâtre lui mit une quenouille en main avec une tâche qu'elle exigeait rigoureusement. Elle l'envoyait chaque matin dans la prairie garder un troupeau de moutons. Patiente et résignée, Germaine partait avec un morceau de pain, sans laisser échapper la moindre plainte, que le temps fût beau ou mauvais. Sa consolation était de répéter les prières que lui avait apprises sa bonne mère. Cependant, Laurent Cousin, son père, qui était chrétien, voulait qu'elle suivît les catéchismes de la paroisse. A cette nouvelle, Germaine éprouva une joie plus grande que si elle eût reçu un trésor. Elle arrivait toujours la première, ne perdait pas un mot d'explication ; aussi devintelle bientôt le modèle de toutes ses compagnes.

Durant le jour, au milieu de son troupeau et, tout en filant sa quenouille, elle cherchait à se rappeler et à bien comprendre ce qu'elle avait étudié, et reprenait l'une après l'autre les prières qu'elle savait.

Comment redire sa joie et son bonheur, lorsqu'on lui annonça le beau jour de la première communion ? Elle s'y prépara par un redoublement de ferveur et surtout par le plus grand soin à bien faire sa confession. Avant donc de commencer son examen de conscience, elle pria la Très Sainte-Vierge et son ange gardien de lui

venir en aide. A la voir à la porte du confessionnal, vous l'eussiez prise pour une grande pécheresse, tant elle montrait d'humilité et de contrition. Elle accusa dans un ordre parfait, tous les péchés commis ou qu'elle croyait avoir commis, sans que son confesseur eût besoin de l'interroger.

Après sa confession, elle vint devant l'autel remercier le Seigneur du pardon qu'il lui avait accordé, puis alla se jeter aux pieds de son père et de sa marâtre pour leur demander aussi pardon de toutes les peines qu'elle aurait pu leur causer. La belle mère, ne fut-ce que pour se conformer à la coutume, ne put lui refuser la robe blanche de la première communion. Oh ! que la nuit parut longue à la petite Germaine 1 comme elle attendait impatiemment le jour ! Avec quelle sainte ardeur, l'heure venue, elle se rendit à l'église. Le monde, voyant cette chétive et maigre enfant, avait pitié d'elle, mais Jésus allumait dans son cœur des désirs de plus en plus brûlants. Voilà enfin qu'elle possède son Dieu : elle se croit au ciel. « Vous êtes tout à moi, dit elle à Jésus, et je suis toute à vous. Envoyez-moi maintenant de nouvelles épreuves, des peines et des souffrances autant que vous voudrez, rien ne me séparera de votre amour. »

Toutes ces choses ne devaient pas lui manquer.

En effet, la piété et les sentiments affectueux

de Germaine qui auraient dû attendrir et gagner le cœur de la marâtre ne firent que l'aigrir et l'irriter davantage contre cet ange terrestre. Depuis sa première communion, il lui fut interdit de s'asseoir à la table commune. La mauvaise femme la relégua sous un escalier et lui donna pour reposer la nuit quelques fagots de sarments. A l'aube du jour, en hiver comme en été, Germaine recevait sa ration de pain pour la journée et partait avec son troupeau et sa quenouille. Laurent Cousin, son père, ne partageait pas intérieurement les sentiments hostiles de sa femme, mais par faiblesse, et peut-être aussi pour conserver la paix du ménage, il n'osait lui résister. Il avait tort.

Toutefois, si Dieu semblait abandonner l'humble et pauvre bergère à la brutalité de sa marâtre, il lui réservait d'ailleurs des consolations qui la dédommageaient largement des rigueurs dont elle était l'objet. Germaine goûtait dans la prière des douceurs ineffables. Elle était sans cesse avec Dieu, et Dieu lui donnait sans cesse ses tendresses. La tradition rapporte qu'on la vit souvent prosternée au pied d'une croix érigée près de l'endroit où elle menait son troupeau. C'est dans cette posture, entourée de ses brebis, que les peintres la représentent ordinairement. Sa dévotion à la SainteViferge faisait ses plus chères délices ; aussi lorsque la cloche du village sonnait Y Angélus, son visage

s'illuminait, et sans faire aucune attention au lieu où elle se trouvait, la pieuse Germaine se prosternait la face contre terre pour saluer Marie avec l'archange Gabriel. On la vit encore souvent s'agenouiller dans la neige, au milieu de la boue, et le Seigneur, en récompense de sa piété, faisait que ni la neige, ni la boue ne laissaient trace sur ses vêtements.

Malgré toutes ces consolations, elle éprouvait une privation qui lui coûtait plus que tout ce qu'elle endurait de la part d'autrui, c'était celle de ne pouvoir assister au divin sacrifice. Elle se tournait bien vers l'église, quand elle entendait sonner la messe, pour s'unir d'intention au prêtre, mais elle ne goûtait qu'imparfaitement le bonheur qu'elle aurait eu d'approcher de l'autel.

Le soin de son troupeau ne lui permettait pas de s'éloigner. Les loups étaient nombreux dans la forêt voisine, ils auraient pu lui enlever quelques agneaux ; puis, le troupeau, n'ayant plus le même guide, se serait facilement éloigné et aurait causé des dégâts dans les champs d'autrui. Toutes ces considérations retenaient Germaine. Le Seigneur, touché des tourments de cette âme si languissante d'amour, ne voulut pas tarder à combler ses vœux.

Un jour, entendant comme de coutume la cloche retentir, la pieuse bergère se sent tout à coup inspirée; elle prend sa quenouille, la plante en

terre et, ayant rassemblé autour ses moutons, elle se dirige vers l'église pour répondre à l'appel de son Dieu qui parlait à-son cœur. Après avoir assisté à la sainte messe et satisfait ainsi sa piété, elle revint auprès de son troupeau qu'elle trouva à la même place. Tous les moutons étaient couchés autour de la quenouille, pas un ne manquait ni ne s'était écarté. Ce qu'elle fit alors, Germaine continua de le faire, toute sa vie, et chaque fois qu'elle revenait du saint sacrifice de la messe, elle retrouvait tout son troupeau autour de la houlette. Il lui fallait pour se rendre à l'église, traverser le ruisseau du Courbet, chose facile en temps ordinaire, mais impossible lorsque les pluies le changeaient en torrent. 0 prodige, dont les habitants de Pibrac furent plus d'une fois les heureux témoins 1 De même que la mer rouge ouvrit un passage aux Hébreux, de même le Courbet divisait ses eaux frémissantes à la vue de la servante de Dieu, qui le traversait ainsi sans péril. Et pour fermer la bouche à la marâtre qui ne cessait de l'accabler d'injures à cause de l'abandon journalier que Germaine faisait du troupeau afin d'aller à la sainte messe, le Seigneur s'en chargea lui-même en le tenant dans l'état le plus prospère, car personne dans la contrée n'avait des brebis plus fécondes et des agneaux plus beaux que ceux de Laurent Cousin.

Quel bonheur pour notre bergère quand venait le dimanche ! Selon la pratique vraiment chré tienne du pays, les troupeaux, ce jour-là, ne sortaient pas des étables, par respect pour la loi divine. Germaine en profitait donc pour donner pleine satisfaction à sa piété. Le matin, après avoir reçu son morceau de pain, elle se rendait à l'église, où elle passait la journée entière, nourrissant son âme des instructions qu'elle avait entendues et surtout de l'adorable Eucharistie qui était donnée chaque dimanche. Ah 1 le soir, en venant prendre son gîte sous l'escalier, comme elle se sentait fortifiée contre les mauvais traitements de sa marâtre ? La pauvre enfant ! elle éprouvait encore une autre privation, celle de ne pouvoir faire l'aumône autant qu'elle aurait voulu. Plusieurs fois elle partagea avec les pauvres sa tranche de pain et pour perfectionner sa souffrance, elle ramassait les morceaux de pain gâté, ou pourri, égarés dans la ferme ; elle les mettait dans un panier, puis s'en nourrissait. La marâtre, toujours acharnée contre elle, qui l'épiait dans tous ses mouvements, crut cette fois, l'avoir prise en défaut, et être en droit de lui administrer une violente correction. Le lendemain donc, au moment où Germaine conduisait son troupeau, voilà que s'armant d'un gros bâton, elle court sur elle en jetant de grands cris.

A ces vociférations, les voisins accourent pour

voir et peut-être pour protéger la pauvre enfant.

En leur présence, la mauvaise femme ouvre le panier de Germaine. 0 prodige ! au lieu de morceaux de pain qu'elle croyait y trouver, ce sont des fleurs odoriférantes qui paraissent fraîchement cueillies, bien que l'on fût au milieu de l'hiver et que la neige couvrit toute la campagne.

A cette vue, la marâtre se retire toute confuse pendant que les témoins de ce miracle, saisis d'admiration, vont le publier partout. Germaine, jusque là méprisée et maltraitée, devient l'objet d'une vénération générale. La marâtre elle même dut changer de dispositions à son égard ; le père voulut qu'elle quittât le réduit, et qu'elle eût désormais sa place à la table commune. La sainte bergère refusa ces faveurs ; elle pria son père de la laisser sous l'escalier où elle avait été confinée.

Après l'avoir ainsi sanctifiée par l'humilité et les souffrances, Dieu la retira de ce monde alors que les hommes devenus plus équitables, commençaient à rendre à sa vertu les hommages qu'elle méritait. Un matin, son père ne la voyant pas sortir comme à l'ordinaire, alla l'appeler sous l'escalier, elle ne répondit pas. Il entra et la trouva morte sur son lit de sarments. Elle avait trente-deux ans. La nuit même de sa mort, deux religieux abrités sous les ruines d'un vieux château virent passer et se diriger vers la ferme

deux jeunes filles vêtues de blanc. Quelques instants après elles reparurent ayant au milieu d'elles une fille aussi vêtue de blanc et couronnée de fleurs. Etonnés de cette vision, les deux religieux pensèrent qu'une sainte venait de mourir.

Au point du jour, ils entrent dans le village et demandent s'il y a un mort; On leur répond négativement, car on ignorait encore que Dieu eût appelé à lui la pauvre bergère. A la nouvelle de sa mort, le peuple entier voulut voir la sainte, et ses funérailles furent un triomphe. (1) » La corruption ayant respecté le corps de Germaine, et une série de miracles incontestables démontré sa sainteté, le Vicaire de Jésus-Christ a pu nous la donner à vénérer et invoquer : « Sainte Germaine, priez pour nous. » Ce cri, parti de Rome, a retenti dans l'univers. Pibrac est une célébrité. Dans une châsse ruisselante d'or et de lumière on vénère un corps qui était revêtu d'un habillement de bergère et d'incurables infirmités. A Pibrac, les riches et les grands de la terre se prosternent devant ce corps, qui sans murmurer, a su trouver sa nourriture dans un morceau de pain et son sommeil sur des sarments, sous un escalier ténébreux.

L'immortelle vierge de Pibrac a été guidée

(1) M. Martin, ancien vicaire général d'Avignon, protonctaire apostolique. Son Catéchisme en action, p. 209.

vers la véritable grandeur par sa pieuse mère, par son curé, par le Christ, amis des enfants, par l'Esprit-Saint qui se plaît dans les âmes innocentes et pures. Que serait devenue Germaine si quelque Paul Bert s'était emparé de son âme pour y tuer la foi ? La pauvre enfant était' infirme; elle voyait dans son père une grande faiblesse de caractère, dans sa belle-mère une grande méchanceté. Si le ciel avait été sans sourire pour la jeune fille, que serait-elle devenue ?

Je n'en sais rien; mais ce que je sais bien, c'est que nous ne dirions pas : « Sairtfe Germaine, priez pour nous. »

CHAPITRE X

DIEU AVEC CEUX QUI SOUFFRENT

Depuis le péché originel notre terre n'est plus qu'une vallée de larmes. Tous les enfants pleurent avant de sourire. Ils pleurent dans les châteaux aussi bien que dans les chaumières. Si toutes les larmes versées par les enfants étaient réunies, elles formeraient une rivière bien large et bien longue. Plus que l'enfance peut-être, la jeunesse a des jours de grande tristesse. Sous un beau ciel de printemps voici que des points noirs s'élèvent, grandissent, l'orage se forme, le tonnerre gronde et la grêle ravage tout, blés et vignes, jusqu'à faire pleurer les pauvres cultivateurs. Ainsi en est-il pour la jeunesse : dans des âmes de quinze ans, de vingt ans, sous un beau ciel comme celui de la première communion, un souffle de tempête

se forme, grandit, emporte tout, ne laissant qp H des ruines de la paix, de la joie et du bonheued On portait Jésus-Christ, on porte Satan ; on étwtè!

sur la route du ciel, on est sur celle de l'enfolai Comment ne pas pleurer ? On pleure, on sent id qu'il y a de plus amer dans les larmes ; parfolil même on se tue. Satan dit alors à Jésus-Chris;an ton ami est à moi pour l'éternité.

Les filles d'Eve, en grand nombre, rêvent Joa bonheur en rêvant un époux. Hélas ! bien souvei:QTÉ et bien vite elles s'aperçoivent qu'elles n'orio'a épousé que le malheur. Les petites économioimc sont mangées ; plus rien pour acheter un peu cb us] bois, de pain. Elles ont entendu le cri déchiraûtïaBi « Maman, j'ai faim, » quelle vie pour une pauvrr¡[J mère 1 Que deviendrait-elle si on lui avait appririqqj à croire que les regards de Dieu ne s'abaisseniôga pas sur ceux qui pleurent, qu'il est impossible d b 9I se faire une béatitude avec des larmes ?'J.

L'époux qui se plait avec le Seigneur n'oublitildu jamais les promesses faites au pied de l'autel, aux; 1 jour du mariage. Près de lui. son épouse est tou-uoJ jours la bien-aimée. Il lui donne avec joie l'ar-ia'] gent nécessaire au ménage et ce qui vaut encore JIOD plus, ces bonnes et saintes paroles qui font dujb i bien au cœur. Mais l'époux qui a fait un dieu de3b 1 son ventre, préfère le cabaret à l'église, il achèteaàér l'ivresse et. de retour à la maison, il n'a que des eeb imprécations et des blasphèmes à donner a laJÜ £

[ nh du pain et des caresses à sa femme, heuoii9 encore si elle ne reçoit des coups et quelil sMs la mort. Oh ! oui, il y a des mères qui Jugent souvent plus longtemps que Monique.

Jusant qu'elles aiment, refuse de quitter l'erHloptour lajvérité, le cabaret pour l'église, l'injoq i pour l'honneur, Satan pour Dieu. Un jour, ofîîmfant dit à sa mère : « Vous êtes assez oq te pour faire une morte D et il la tue. Que nbmdraient donc ces épouses et ces mères si o 9me cennaissaient le chemin de l'église où se El »e la source de eonsolations qui surpassent cœmment toutes celles qu'on pourrait rencônBfJ.ans le plus beau palais du monde ? Ah 1 la u'b d'un palais est souvent ouverte aux plus [ gales misères, parfois au désespoir qui mène )f)ioiicide. Là où Dieu règne, le désespoir n'en•gms; avec l'humilité, avec l'esprit de pau> 39 et de souffrances, on est toujours sur le ib nin de l'éternlle gloire.

) èvvé de ses biens, de ses enfants, livré aux gnoons de ses amis, aux insultes de sa femme, eq 9'é par les vers, Job sur son fumier est plus wp 1 que Salomon sur son trône. Il sait que son tfqimpteur est vivant, que dans la poussière du JJsau, il portera un principe de résurrection, d"ICilortalité et de gloire (1). Cette espérafcice le .Jnsnt.

x doob, xix, 25.

Il y a peu de malheurs, il faut l'avouer, comparables à celui d'un scélérat qui, ayant perdu l'honneur, la liberté, le droit à la vie, attend sous les verroux le bourreau qui doit bientôt l'exécuter. Quelques instants auparavant paraît le prêtre. Que lui dit-il ? ce qu'il dit aux enfants de la première communion, aux pieuses filles de Vincent de Paul ; ce qu'il dit aux évêques, aux cardinaux, au Pape : que le Seigneur soit avec vous ! Mon ami, mon frère ! le Seigneur soit avec vous 1 La justice humaine a dit son dernier mot ; à votre tour, dites adieu à tout, même à votre cachot, vous allez mourir ce matin. Dieu, c'est la miséricorde infinie. Laissez-le entrer dans votre espritpour l'éclairer, dans votre cœur pour le convertir. Dites : j'ai péché, et moi, au nom de Dieu, je dirai : je vous absous, et la route de l'échafaud deviendra pour vous la route du ciel où vous chanterez éternellement avec les élus le cantique de la reconnaissance et du bonheur : Misericordias Domini in œternum canlabo (1).

Peuvent-ils donc se' croire amis des malheureux ceux qui disent à ces infortunés qui n'ont ni pain, ni vêtements, ni abri : la terre est tout, le ciel n'est qu'un rêve creux. Impossible de vous faire des béatitudes avec votre pauvreté,

(1) Psaume LXXVVHI, 2.

vos larmes, votre agonie, votre mort. C'est une chimère que l'espérance de revoir ceux que vous pleurez. Pour l'homme comme pour la bête, la mort est le retour au néant.

Non, le néant désiré par les libres-penseurs ne viendra jamais. On ne t'ait pas mentir l'Evangile ni la foi de tous les peuples. On ne détruit pas l'immortalité de l'âme, les jugements de Dieu, l'enfer. On ne tue pas Dieu, en disant dans un cabaret, ou dans un salon, sur un trône, sur un lit de mort : Je crois au néant. Mais tuer la foi, l'espérance chrétienne dans un enfant, dans un pauvre, dans un malade, c'est un assassinat qui dépasse en cruauté tous les autres. « J'aimerais mieux, dit saint Thomas de Villeneuve. avoir tué mille hommes, que d'avoir donné la mort à une âme. » Comme dans le ciel, il y a dans l'enfer différentes places. On peut donc tenir pour certain que les premières places seront occupées par ceux qui écrivent, qui vendent, qui achètent, qui lisent ou font lire les journaux et romans impies et obscènes et surtout par ceux qui éprouvent une grande joie à remplacer chez un malheureux la foi par l'incrédulité, Dieu par Satan. Aux yeux de Dieu, une parole de foi a plus de valeur qu'un morceau de pain, qu'une pièce d'or donnés aux pauvres, car Dieu est Charité (1). :Heureux

(l) Saint-Jean, iv, 8.

donc les hommes, heureuses les femmes qui, à l'exemple de Jésus-Christ, passent sur la terre en semant des bienfaits dont le premier est la foi !

À Paris, près d'un pauvre ouvrier malade, une dame cherche avec un grand zèle à soulager les misères du corps et plus encore celles de l'âme.

Cette pauvre âme avait vécu sans les lumières et les consolations de la foi. Ne connaissant pas Dieu, elle ignorait même être sous le joug de Satan et que ce dernier l'entraînait vers le noir abîme. La pieuse dame lui montre dans Dieu un Créateur et un Père, dans Jésus-Christ un Sauveur, dans l'Eglise une mère, dans le ciel une patrie. Or, pour le ciel il faut des vertus. — « Je n'ai que des péchés, dit l'ouvrier. » — « Ditesles au prêtre. Près d'un malade le médecin dit souvent : Je ne puis rien ; mais près d'un pécheur qui s'humilie et se confesse, le prêtre est un autre Jésus-Christ, son pouvoir est en quelque sorte infini ; il peut briser toutes les chaînes, faire descendre le pardon où il n'était jamais descendm.

Tant que dans un mourant il y a encore quelques soupirs, le prêtre peut les diriger vers le ciel. ) — « Vos paroles me font du bien, mais je n'ai pas fait ma première communion. » - « Vous la ferez ; vos eoixante-cinq ans ne sont pas un obstacle. Celui qui a pour les enfants une tendresse de prédilection, ne repousse pas les

vieillards. » — « Priez un prêtre de venir me voir. » L'âme et le corps sont guéris. Il peut aller à l'église, y faire la première communion. Dans ses yeux et dans ceux de sa bienfaitrice il y avait des larmes de bonheur.

Paris serait bientôt une angélique cité si l'amour de Dieu régnait dans les âmes. On y serait en sûreté, la nuit comme le jour, dans ses rues ; on n'y entendrait pas un blasphème, on n'achèterait pas de poignard pour tuer son frère. Sous les regards du Seigneur qui a un ciel pour les bons, tous les Parisiens voudraient être bons, les riches, les ouvriers, les pauvres. On appellerait bienheureux ceux qui pleurent, ceux qui meurent dans l'amour de Dieu (1).

(1) Apoc. xiv. 13.

CHAPITRE XI

DIEU AVEC LES NATIONS

Aussi bien que les familles, les nations, pour être heureuses, ont besoin de Dieu. Dieu seul peut rendre les chefs capables de bien commander et les sujets capables de bien obéir. Dieu seul peut dire aux pauvres, aux riches, aux ouvriers, aux patrons : « La paix soit avec vous (1) !

Aimez-vous en actions comme en paroles (2) ».

Dans une nation, où tout serait sans Dieu, écoles, magistrature, armée, gouvernement; où les prêtres n'auraient plus la liberté de bénir un berceau, un mariage, une tombe, on aurait beau

(1) Saint Jean. xx. 19.

(2) Le même. m. 18.

afficher sur les monuments publics les grands mots : Egalité, Fraternité, il n'y aurait que des cœurs orgueilleux, haineux, que des tyrans et des victimes comme en 93, époque lamentable où des voix plus infernales que françaises, criaient : Dieu de Clovis, de Charlemagne, de saint Louis, de Jeanne d'Arc, Dieu du ciel, vous n'êtes rien, nous sommes tout. On vit des folies, des cruautés qui feraient rougir les sauvages. Aux cabarets, aux clubs, aux théâtres, sur la place, une foule de petits Néron chantaient : Vive la liberté, alors que des charrettes pleines conduisaient à la guillotine ce que la France avait de plus honnêtes gens. Et ce rebut de la société, se réjouissant à la vue du sang innocent, osait dire à des prostituées : venez, le temple s'ouvrira devant vous ; placées sur l'autel du Christ, vous recevrez ce que le Christ a reçu de nos pères : des fleurs, de l'encens, des adorations. A bas le ciel ! vive l'enfer !

Les sanglantes horreurs de 93 ne font pas toujours peur. Les ennemis de Dieu et de la France voudraient revoir un Danton, un Robespierre,un Marat, hommes d'impiété et de sang : mais en général nos persécuteurs d'aujourd'hui voudraient vaincre autrement que par la main du bourreau. Le prêtre peut encore dire le Domxnus vobiscum à l'église, mais dans beaucoup de villes il ne peut donner ce souhait de paix et de

bonheur sur les places publiques, ni dans les casernes, ni dans les asiles des vieillards, ni dans les hôpitaux et même, dans certains hôpitaux, faut-il encore une permission du directeur pour que le pauvre moribond puisse recevoir le viatique des élus.

Assurément, si nos impies étaient parfaitement libres, ils déchireraient bien vite, pour les jeter au vent. toutes les pages du catéchisme. Ils ont pour ce petit livre une haine satanique. Ah 1 c'est que le catéchisme dit en termes clairs et précis aux enfants, aux jetines gens, aux parents, aux vieillards, aux riches, aux pauvres, à tous, ce qu'il faut croire et pratiquer. Le catéchisme !

c'est l'abrégé de l'Evangile. J'ai connu un ancien président du tribunal dans le département de l'Ain, qui repassait le catéchisme tous les mois.

Sur le lit où il allait bientôt mourir, l'illustre écrivain et sénateur Littré lisait le catéchisme et y trouvait des lumières et du bonheur qu'il n'avait pas trouvés dans tous ses livres profanes.

Peu avant sa mort, le jurisconsulte Troplong disait : « Après avoir beaucoup lu, beaucoup étudié et beaucoup vécu, lorsqu'approche le moment de la mort, on reconnaît que la seule chose vraie est le catéchisme. »

Vouloir donc des écoles sans catéchisme, sans Dieu, c'est vouloir de grands malheurs pour les enfants, pour la famille, pour la nation. Ecoutez

Mgr d'Aoste : « L'enfant qui n'entend jamais prononcer à l'école, les noms de Dieu, de JésusChrist, du ciel, de l'enfer, ira-t-il volontiers à l'église ? Prêtera-t-il une oreille docile à la voix de son pasteur et de ses parents chrétiens ? Ne donnera-t-il pas plutôt raison à son instituteur ?

Ne pas parler de Dieu à l'enfant, pendant quatre ou cinq ans, c'est lui faire croire qu'il n'existe pas, ou qu'on n'a pas besoin de lui. Mais que serace s'il y a connivence funeste entre la maison paternelle et l'école, si le nom de Dieu est blasphémé dans les deux endroits ? La jeunesse a tant de peine à conserver le trésor de la vertu au milieu même des meilleurs exemples ! Comment résistera-t-elle à l'entraînement des passions qui non seulement n'auront plus de frein, mais seront encore encouragées par ceux qui devraient les combattre ! (1) Que deviendra la société composée d'individus qui mettent leurs convoitises à la place de la loi ; la force brutale à'la place de la justice et du droit? « Celui qui n'a point de religion, dit Montesquieu, est un animal terrible qui ne sent la liberté que lorsqu'il déchire et dévore JI (2). En effet, que pourraient tous les livres si le livre par excellence, le catéchisme est méprisé, rejeté ? C'est la libre-pensée, puis

(1) Mandement en 1878.

(2) Montesquieu. Esprit des lois.

l'anarchie partout dans la nation. « 0 ma patrie, disait Sophocle, aux applaudissements de tout le peuple athénien, ne souffre pas qu'on te ravisse ta gloire d'honorer les dieux 1 Celui qui n'en sent pas le prix, touche aux bornes de la folie. )

Et cependant les dieux d'Athènes étaient impuissants, tandis que notre Dieu est le Créateur de toutes les choses visibles et invisibles, du ciel et de la terre, de toutes les merveilles qu'ils renferment. Le Christ, qu'il nous a envoyé, aime les Francs, peut-on dire encore, et lesFrancs aiment le Christ. C'est par lui que la France est devenue la reine du monde pour avoir répondu à sa mission de Fille aînée de l'Eglise. Elle n'a perdu son auréole de gloire, sa suprématie sur les autres nations que lorsqu'elle a laissé s'obscurcir le flambeau de la foi et abandonné ses vieilles traditions de justice, d'honneur et surtout de piété filiale envers l'Eglise catholique qui l'avait faite si grande et si belle.

Pour les nations comme pour les familles et les Individus, le Christ est la voie, la vérité et la vie (1). Chercher le bonheur loin de lui, serait ehercher le jour dans la nuit, la vie dans la mort, le ciel dans l'enfer. France, comme les autres peuples, tu crains des monnaies fausses, des billets de banque faux, crains davantage les amitiés

(1) Saint Jean. xiv. 16.

fausses, les journaux, les romans qui te tuent en te faisant rire. Tes véritables amis sont ceux qui te disent ce que te disaient les premiers Apôtres: Le Seigneur soit avec vous ! Dieu avec une nation, c'est la paix dans ses villes, la sécurité dans ses frontières, la fertilité dans ses champs. Un riche avec Dieu, c'est une providence pour les malheureux. Sous un gouvernement avec Dieu, les magistrats rendent la justice comme saint Louis, sous le chène de Vincennes ; et les soldats sont autant de chevaliers sans peur et sans reproche, qui vont à l'ennemi, armés du signe de la croix et meurent avec joie pour l'honneur de la patrie. Souviens-toi, ô France, que tu as mérité d'être appelée le plus beau royaume après celui du ciel. Que deviendrais-tu avec le Credo au néant?.

CHAPITRE XII

DIEU AVEC LES MOURANTS

Notre siècle est [un[siècle de progrès en négation. On[me^des[ vérités éclatantes comme le soleil ; on; nie la^ beauté de la vertu, la laideur du péché. Paris glorifie des blasphémateurs que Sodome eût bannis. On nie la spiritualité, la liberté, l'immortalité de l'âme. Le Parisien qui pense ainsi n'estj'qu'une brute semblable à celle qui mange du[foin, n'est qu'une machine qui s'use en attendante d'être brisée pour toujours. Ayant l'intelligence dans la nuit, le cœur dans la boue, il est des médecins, des avocats, des astronomes qui ne savent pasjlire dans les astres la gloire de Dieu. A leurs yeux, la marche d'une montre prouve un ouvrier, celle des astres ne prouve

rien. Fiers de la plus sotte, de la plus humiliante incrédulité, ils s'écrient : Pourquoi espérer un ciel, craindre un enfer? Pourquoi le Pape, les évêques, les prêtres nous répèteraientils encore leur Dominas voMscum ? Dieu n'est pas (1). Oui, notre siècle est un grand siècle de négation. Toutefois, il n'a pas nié la mort, ni la marche de l'humanité vers elle. Sur un chemin de fer, on entend souvent ce cri : dix minutes.

vingt minutes d'arrêt. Sur le chemin qui mène à la mort, au jugement, à l'éternité, il n'y a point d'arrêt possible. On marche le jour, la nuit dans l'adversité, dans la prospérité ; on marche dans une église, au confessionnal, à la Table sainte; on marche au café, au bal, au théâtre. La terre ne porte que des vivants qui marchent et des morts qui ne marchent plus. On craint pour sa tête, des cheveux blancs ; pour son visage, des rides ; pour son sang, les glaces de la vieillesse. On voudrait bien s'arrêter à 30 ans, à 40 ans, à 50 ans, mais une voix impérieuse crie à nos grands messieurs, à nos grandes dames : marchez toujours, marchez comme vos domestiques, comme vos pauvres ; marchez vers la vieillesse, vers l'agonie, vers ce moment suprême où il faudra dire adieu à tout ce que vous aimez ici-bas.

Poussière organisée, poussière vivante, marche

(1) Ps. XIII. 1.

vers le cimetière où la poussière morte se désorganise ! Après une marche plus ou moins longue, on s'arrête pour mourir. La mort n'anéantit pas, elle sépare. Séparé de son âme, le corps est un objet d'horreur qu'on se hâte de descendre dans une tombe sur laquelle on ne va pas longtemps prier et pleurer. N'ayant rien reçu de la terre, l'âme n'aurait rien à lui rendre. Etre spirituel, intelligent, image du Souverain Etre, elle vivra comme lui éternellement.

En enterrant leur cher Abel, Adam et Eve n'enterraient pas son âme, ils le savaient bien.

Comme à eux, le Credo à l'immortalité de l'âme a donné force et courage aux patriarches, aux prophètes, aux martyrs, à tous les amis de Dieu.

Job a dit : « La vie de l'homme est un combat (1). » L'âme donc, qui pense à sa dignité, à sa durée sans fin, est toujours vaillante et comme assurée de la victoire. Son corps vient-il à se révolter ? L'âme, éclairée par la foi, le châtiera rudement à l'exemple de saint Paul.

Elle se dira : l'humilité est le chemin de la gloire.

je ne veux pas tomber comme Lucifer. Elle ripondra à la volupté: si je succombais à tes infamies qui ne durent qu'un instant, j'aurais pour punition une tombe de feu durant l'éternité. 0 mon corps, chargée de faire ton bonheur, tu me

(1) Job. vu. 1.

béniras un jour de mes rigueurs et moi de ton obéissance. Après la résurrection qui sera brillante pour tous deux, nous nous réj ouirons ensemble dans l'éternelle patrie du bonheur !

Avec ces sentiments de foi et d'espérance les adieux des mourants et de ceux qui les pleurent sont bien moins tristes. Aussi saint Paul appelle-t-il la mort un gain (1), parce qu'elle nous met en possession de Dieu et de son ciel. Sainte Thérèse la demandait de tous ses désirs. —

« Magistrats, s'écriait une jeune martyre, prenez ma vie, laissez-moi ma foi, mon Dieu. » Quelques instants avant d'expirer, un enfant de quatorze ans essuie les larmes de sa mère, lui disant : « Pourquoi tant pleurer? Je vais au ciel, je prierai pour vous, pour mon père, pour mes frères et mes sœurs. » Oh! qu'ils sont cruels ceux qui, par leurs paroles et leurs exemples, tuent l'espérance chrétienne même dans une maison où il y a un jeune enfant mourant, une jeune épouse, une jeune mère! Le médecin? oui, disent-ils; mais le prêtre, non. Aussi, est-ce à cette doctrine athée que la société doit le dégoûtant spectacle de ces enterrements appelés civils, qu'il conviendrait mieux d'appeler enfouissement de la bête.

La mort qui tue l'incrédule tue du même coup son Credo au néant. Après son dernier soupir,

(1) Saint Paul aux Phil. i. 21.

Dieu est là, ses jugements sont là, l'éternité est là. Comme nous nous sommes trompés ! s'écrient alors les impies : la vérité était bien dans l'Evangile. dans l'Eglise catholique. Elle était bien chez nos serviteurs et chez ceux que nous appelions le petit monde. Assurément elle n'était pas dans les livres abominables dont ils nourrissaient et salissaient leur esprit et leur cœur. Et les voilà pour des millions et des milliards de siècles à crier comme le mauvais riche : Crucior in hâc flammû, que je souffre dans ces flammes (1) !

En route vers l'enfer qui est le grand théâtre de la justice de Dieu, les impies jouissent quelquefois en ce monde d'une espèce de bonheur qui scandalise les âmes faibles. On les voit aux fêtes de la Bastille plutôt qu'à celles de l'Eglise ; on les entend crier : « Le clergé, voilà l'ennemi t" Puis, ils deviennent députés, sénateurs, ministres ; ils voudraient, semble-t-il, se faire rendre les honneurs divins. Patience ! ils s'apercevront bientôt qu'ils ne sont que de simples mortels.

Leurs douleurs, leurs remords, leurs désespoirs donnent de grandes scènes à la terre. Encore vivant, l'impie Antiochus ressemble à un cadavre livré aux vers et à la pourriture. Blessé sur un champ de bataille, Julien l'Apostat jette

(1) Saint Luc. xvi. 24.

quelques gouttes de son sang au ciel, avec ce cri de rage : Galiléen ! tu as vaincu. » « 0 ciel 1 que tu es beau! et je ne te verrai jamais », s'écrie Luther mourant dans le désespoir. L'odieux insulteur de Jeanne d'Arc, dans une fête organisée en son honneur, à Paris, avait pu dire dans l'enivrement de son orgueil, comme dans celui de ses insensés admirateurs : « Français, vous voulez donc me faire mourir de plaisir ? » Attendez : voici le revers de la médaille.

MORT DE VOLTAIRE

Ce grand blasphémateur et ce grand libertin, çet être inqualifiable qui osait traiter d'infâme Notre-Seigneur Jésus-Christ, a plus tremblé devant la mort que tous les scélérats devant la guillotine. Déchiré de remords au souvenir de tous ses sacrilèges et de toutes ses infamies, il demande un prêtre. Le prêtre arrive ; mais, ô justice de Dieu 1 Le passage lui fut barré par les élèves de ce grand maitre en libertinage d'esprit et de cœur. « Imaginez-vous, rapporte M. Trochin, protestant, son médecin, tout ce que la rage et la fureur ont de plus terrible, et vous n'aurez qu'une faible image de la rage et de là fureur de Voltaire à ses derniers moments. Il serait à souhaiter que tous les incrédules de Paris se fussent trouvés là; le beau spectacle

qu'ils auraient eu ! (1) Assurément, si les circonstances de la mort de Voltaire étaient bien connues et bien méditées, ses livres auraient peu de lecteurs ; on n'admirerait plus cette figure avec son rictus satanique. Comme Antiochus.

Voltaire a tremblé, a eu peur de la mort, mais il n'avait pas le vrai repentir de ses crimes et des maux causés à la société. Sans être impie comme le patriarche de Ferney, on peut se préparer pour la fin de sa vie de cruels regrets. Un secrétaire de François Ier. au lit de la mort. dit à ceux qui l'entouraient : « J'ai fait écrire près de quatre mille rames de papier pour Sa Majesté de France et je ne suis pas sùr d'avoir employé une bonne demi-heure au service de Dieu qui m'appelle. Quelle sottise a été la mienne ! »

MORT D'UN RÉPROUVÉ (2) Un homme avait fait, toute sa vie, profession de ne rien croire. Se voyant à l'article de la mort, il demanda, par différentes fois à sa famille en pleurs : Quelle heure est-il ? — Dix heures. Une heure après, même demande et même réponse. Pour la troisième fois, quelle

(1) Particularités sur la mort de Voltaire, par l'abbé Narel.

(2) Le Catéchisme en exemples.

heure est-il ? — Minuit. Voici donc, s'écrie-t-il d'une voix qui glace d'effroi tous les assistants, voici l'heure et le moment où va commencer ma malheureuse éternité. En achevant ces mots. il se retourne et expire. Oh ! qu'elle est vraie cette parole : Mors peccatoruni pessima (1). Tout navrant qu'est ce spectacle, il est plus navrant encore lorsqu'il a lieu dans une famille vraiment chrétienne auprès d'un enfant mourant qui repousse, malgré ses prières et ses larmes, le prêtre, la confession, le pardon de Dieu et le Viatique des élus. Son corps mort est encore là, mais son âme, où est-elle? Quel chagrin pour des parents pieux !

Assistons maintenant à une mort dans le Seigneur.

DERNIERS MOMENTS DE LA VICOMTESSE DE COISLIN RACONTÉS EN UNE LETTRE

Mariée le 8 octobre 1845 au vicomte Charles deCoislin, Elisabeth-Marie Augereau était accouchée très-heureusement d'une fille, le 11 janvier 1847, à six heures du soir. Les médecins déclarent la fin prochaine de la mère et le mari en fut instruit. A sept heures, comme il lui parlait de prier ensemble : e, Oui, mon ami, cela me don-

(1) Ps. XXXII. 22.

nera pout-être de la force, je suis bien fatiguée, prie tout haut, je te suivrai. » Ils disent ensemble l'acte de contrition qu'elle lui fit répéter en le reprenant lorsque l'émotion lui fait altérer le texte. Peu après, elle lui dit : « Je suis donc bien malade, mon Charles, je vais te quitter. » Son mari lui demandant pardon des peines qu'il aurait pu lui causer : « Comment ! répond-elle, c'est à toi plutôt à me pardonner mes vivacités.

Tu m'as donné pendant seize mois un bonheur parfait. Seize mois ! c'est bien court; que la volonté de Dieu soit faite 1 » Elle cherchait ellemême à consoler le vicomte par ces paroles : « Mon bon ami, ne me dis plus ces choses, tu m'empêcherais de penser à Dieu. Je voudrais bien voir l'abbé Bermer. » Puis, elle se mit à prier. L'abbé Bermer arriva. Il était extrêmement affecté et déclara que l'attitude et les paroles de sa pénitente le remuaient beaucoup. Il lui avait demandé comment elle se trouvait, près de Dieu ? « Oui. dit-elle ; mon père, tout de suite, je vais mourir, donnez-moi l'absolution, et. aussitôt après, « me l'avez-vous donnée pour tout le passé? Oui, mon Dieu ! je vous demande pardon de tous les péchés de ma vie. » Quand son malheureux père entra avec le clergé, la mourante, ayant quelque chose de céleste dans le regard, lui dit : « Je vais rejoindre ma sœur Caroline, morte le 4 janvier 1835. » — « Je n'ai pu, mon

enfant, venir te soigner, j'avais peur de mon émotion; mais j'étais souvent près de toi. » « Je le sais, mon cher père, pardon de toutes les peines que je vous ai faites ; vous avez contrarié mes sentiments, je vous en remercie. Vous m'avez choisi le mari qui seul pouvait me rendre heureuse ; mon Charles a fait mon bonheur.

C'est à vous que je le dois, gardez-le près de vous. » — Puis, à son mari : « Charles, mon ami, je t'aime tant ! je suis contente de te laisser un gage de notre amour. » Avant l'ExtrêmeOnction. « Je meurs, tant mieux! si j'eusse vécu plus longtemps, j'aurais eu plus de chance d'offenser Dieu. !) - A monsieur le Curé de l'Abbaye-aux-Bois : « Que je suis heureuse de vous voir ! vous m'avez fait faire ma première communion; si je n'y ai pas apporté toutes les dispositions nécessaires, vous allez m'aider à en demander pardon à Dieu et à bien faire la dernière. priez pour moi. » — « C'est à vous de prier nour vos compagnes du catéchisme. » - « Je pous le promets. > Sur sa demande, son beaufrère lui apporta sa fille qu'elle bénit au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle redit ellemême la formule des prières de l'Extrême-Onction et présenta ses membres défaillants. Comme il y avait à craindre qu'elle ne pût recevoir le Saint-Viatique, « Mon Dieu, dit-elle, ne pourraije communier encore une fois? priez, mon père.»

- Puis : «Ah! ne craignons rien,, je suis calme. »

- « On dira le Confiteor pour vous. » - « Non.

je le dirai moi-même. » Après la communion.

« Que je suis heureuse ! » - Son père lui parle des effets des sacrements : « Si ta vie était utile à ta fille. » — « Je lui laisse mieux que moi. »

Il insiste. — « Mon sacrifice est fait, je laisse m on petit ange à mes parents qui m'ont si bien élevée. On redescendait le crucifix : « Oh ! laissezle moi. c'est celui qui m'a sauvée. Il vient de monsieur le Curé, il me sera précieux à ma dernière heure. » Elle voulut remercier de nouveau le docteur Cruveilhier.—«Je souffre beaucoup, je suis bien faible. » — Tu prieras pour nous, pour notre petite fille, lui dit son mari. « Priez Dieu qu'il lui donne les vertus qui manquent à sa mère. Charles, tu donneras môn portrait à notre ange, quand elle aura grandi. — « Tu es déjà dans le sein de Dieu » disait le père — « Priez pour que j'aille au ciel, et là-haut je prierai pour vous tous. » Et elle demandait au prêtre de ne pas cesser de prier. « Charles, embrasse-moi pour la dernière fois, je t'emporte dans mon cœur. Adieu, ma bonne mère ! que je vous remercie de vos bons soins ! adieu, mon bon père !

adieu Adolphe, mon frère ! adieu, monsieur l'abbé Mésière, qui me soutenez de vos prières !

adieu, ma chère amie ! (1) 0 Jésus ! ayez pitié

(1) La gouvernante de sa fille.

de moi ! » Ce furent ses dernières paroles. Et on arrose de larmes la précieuse relique qu'une sainte âme vient de quitter. On a vu la béatitude dans la mort : beati mortui qui in Domino moriuntur! (1) Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur !

Sublime leçon ! Le jour où les larmes coulent plus abondantes et plus amères sur les restes d'un être bien aimé, ce jour est appelé par l'Eglise pour ses enfants, les amis de Dieu, jour de naissance. Et pourquoi ? parce que mourir dans le Seigneur, c'est naître à la véritable vie, à la véritable gloire, à la véritable félicité. En effet, si au moment de la messe du Requiem en face du cercueil qu'entourent parents, amis, fidèles, un ambassadeur céleste venait leur dire : « Celui que vous pleurez est au ciel. » comme aussitôt on ferait disparaître la tenture funèbre ! Quel concert de reconnaissance au Père qui est dans les cieux ! Comme des larmes de joie remplaceraient les larmes de tristesse ! Comme chacun baiserait avec un pieux respect ce cercueil qui renferme un saint ! On n'aurait rien de trop beau pour l'orner et la paroisse serait fière de posséder un tombeau glorieux.

Eh bien, tel est aux yeux de la foi, ce qui a été

(1) Apoc. xiv. 13.

préparé aux fidèles serviteurs de Dieu. Le charpentier Joseph, le laboureur Isidore, la bergère Germaine Cousin sont arrivés là, où n'arriveront jamais les esclaves du monde, qui auront préféré briller dans ses salons, sur ses théâtres, dans ses fêtes et ses assemblées.

CHAPITRE XIII

LOIN DE DIEU, C'EST L'ENFER

A son dernier soupir, l'incrédule devient croyant pour toujours. Jeté par la mort au tribunal de Dieu, il entend cette sentence terrible : « Retirez-vous de moi, maudit, allez au feu éternel. » Sentence sans appel. Pensez-y bien, vous aussi, indifférents ou lâches dans le service de Dieu. Une fois jugés, plus de miséricorde ; les choses saintes, l'intercession de la Vierge, des anges, tous les secours qui vous étaient possibles ici-bas, ne le seront plus ; vos larmes devinssent-elles des rivières, seront inutiles. Voyons ea 'quelques mots les tourments de l'enfer.

Toute vie infernale est écrasée par le souvenir passé, par la douleur du présent et par le

regard sur l'avenir. Et d'abord, par le souvenir du passé : La mort ne tue pas la mémoire. En mendiant une goutte d'eau, le mauvais riche se rappelle le luxe dont il a joui dans son palais et sa dureté envers Lazare. Le sensuel se rappelle le saucisson qu'il faisait servir sur sa table le VendrediSaint, comme les autres jours ; il se rappelle l'abus des liqueurs et les tristes choses faites dans l'ivresse. Il sait que son ventre dont il faisait son Dieu est au cimetière, livré à la corruption, aux vers, à la poussière. La mort ne tue pas la mémoire : je suis là parce que je n'ai pas voulu sanctifier le dimanche, faire la communion pascale ; j'avais peur de la vérité et c'est pourquoi je n'allais pas à la messe. J'ai préféré nourrir mon esprit et mon cœur de lectures impies et obscènes plutôt que de lectures utiles et pieuses.

Je suis là, se dit une jeune mondaine, parce que, avec mes vingt ans, ma toilette et mes sourires, je mendiais au bal et aux promenades, des regards, des adorations, comme une pauvresse mendie un morceau de pain dans les rues. Je suis là, parce que j'ai dit au démon de l'impureté, donne-moi le bonheur. Ma vie a été une honte pour ma famille; mon enfer est encore plus enfer parce que j'y ai entraîné de petits enfants qui suivaient le Christ sur la route du ciel. Non, la mort ne tue pas la mémoire. Ecoutez dans l'enfer

des écrivains, des orateurs, des peintres sculpteurs s'écrier : nous sommes là pour n'avoir travaillé que pour l'argent, que pour la gloire. Nous avons insulté la robe des moines, des prêtres ; nous avons écrit, nous avons crié : plus de catéchisme ; tout doit être civil ; éducation, mariage, sépulture ; à bas la foi ! Vive la libre-pensée !

L'Académie nous a donné des palmes pour nos infâmes romans, pour nos tableaux et nos statues lubriques; Dieu nous a donné l'enfer. L'enfer nous torture de la manière la plus cruelle parce que nous avons dit à Paris, à la France, à l'Europe, à l'univers entier : il n'y a point d'enfer. Ah ! si du moins, le feu qui nous dévore pouvait dévorer les livres et les tableaux que nous avons laissés sur la terre. Hélas ! il ne le peut pas et voici que le mal qu'ils font dans les chaumières, dans les ateliers, dans les châteaux retombe sur nous avec un poids de plus en plus écrasant.

DOULEURS DU PRÉSENT

Le corps, séparé de l'âme, peut être déchiré, broyé, brûlé sans ressentir aucune douleur.

Séparée de son corps, l'âme, au contraire, conservant son immortalité, sent plus vivement en quelque sorte, la joie ou.la douleur. Qui pourrait

nous faire comprendre la douleur d'une âme recevant au tribunal du souverain Juge cette sentence terrible : « Eloignez-vous de moi, allez au feu éternel! 1J Etre séparé de Dieu !. c'est-âdire, n'avoir plus de Dieu, sinon un Dieu ennemi, un Dieu vengeur. Celui qui dit à un élu Viens, je serai moi-même ta récompense (1), car je n'ai rien de plus grand et de meilleur à te donner que moi-même, dit au réprouvé : Retire-toi de moi. je n'ai rien de plus fort et de plus désespérant à te donner dans ma colère qu'une séparation éternelle. Dieu n'est plus à moi, je ne suis plus à lui !. Dieu n'est plus pour moi, je ne suis plus pour lui !. Dieu n'est plus dans moi, je ne suis plus dans lui !. Dieu me repousse en qualité de père, d'époux, de bienfaiteur et me demeure en qualité de vengeur 1. Impossible icibas de nous faire une idée exacte de la douleur de cette séparation, parce que nous ne voyons Dieu qu'à travers ses merveilleuses créations. Il faudrait, pour en juger, être monté au troisième ciel comme saint Paul ; il faudrait avoir vu cette beauté divine toujours ancienne, toujours nouvelle. Tout au moins, il faudrait en avoir reçu quelques caresses anticipées comme les Catherine de Sienne, les Rose de Lima, les Thérèse, les Marguerite-Marie, les François d'Assise, les

(1) Gen. xv. 1.

Dominique, les Alphonse de Liguori. les Benoit Labre, les Vianney et tant d'autres. Mais un réprouvé qui voit s'échapper ce bonheur au-dessus de tout bonheur imaginable, ce bonheur qu'il lui était si facile d'acquérir en suivant les enseignements de l'Eglise !. ce bonheur qu'il a perdu si bénévolement. et pourquoi? Pour satisfaire son sot orgueil, pour une petite vengeance, pour un plaisir dégradant, pour une pièce de monnaie 1.

Oh ! non, il n'y a pas de désespoir comparable à celui-là, pas de douleur plus vive, pas de remords plus accablant, plus intolérable que celui de la perte éternelle de Dieu. La seule pensée de cette vérité est pour le réprouvé un enfer affreux.

Méditée ici-bas, comme elle en sauverait de ceux qui marchent au noir abîme !

La guerre de 1870 a jeté plus de trois cent mille de nos soldats sur la terre étrangère. Là, ils pleuraient comme les Hébreux sur les fleuves de Babylone. Ne sont-ils pas encore plus malheureux ceux qui, dans les cachots, privés de liberté, de lumière et quelquefois de pain, attendent le bourreau pour la toilette fatale? Quels moments aussi que ceux des martyrs dans la glace, sur le gril ardent, ou sous la griffe et la d3nt des bêtes féroces ! Mais qu'est-ce que tout cela en comparaison du cri infernal et incessant : « Crucior in hâc flammâ ! que je souffre dans ces flammes! » Le feu de la terre est un bienfait

divin, il sert à combattre les ténèbres, le froid, la crudité des aliments. Sous la puissance du feu, l'argent, le fer, le bronze s'amollissent, les rochers se brisent. Grâce à quelques gouttes d'eau vaporisées sur un brasier, on voit de puissantes machines fonctionner dans nos cités, d'énormes wagons sillonner la France, l'Europe, le monde entier.

En créant le feu de l'enfer, Dieu n'a eu qu'un but. celui de punir les révoltes angéliques et humaines, et ce feu intelligent qui brûle toujours le damné sans le consumer, le brûlera non pas un jour, un mois, un an, mais éternellement.

Oh ! si on méditait ce mot d'éternité !. Quand un damné aura rép andu autant de larmes qu'il en faudrait pour r emplacer tous les fleuves, toutes les mers du monde, n'en versât-il qu'une chaque siscie, il n'aura pas plus avancé après des millions et des millions d'années que s'il commençait seulement à souffrir; et quand il aura recommencé autant de fois qu'il y a de grains de sable sur les bords des mers, d'atomes dans l'air et de feuilles dans les forêts, tout cela ne lui sera compté pour rien. 0 éternité ! qui pourrrait te sonder ?

Mais, disent certaines gens, comment Dieu peut-il punir un péché d'un instant par une éternité de peines ? Il est trop bon. Sans doute il est bon et même trop bon, car c'est sa bonté qui

arrête le bras de sa justice, des années entières, avant de punir le pécheur, lui laissant le temps de revenir à lui. Enlevez la crainte de l'enfer parmi les hommes et vous verrez bientôt la société devenir un champ de brigandages, de meurtres, d'horreurs de toute espèce. Dieu est aussi juste que bon, il doit punir en Dieu comme il récompense en Dieu, d'une manière infinie. Il n'y a qu'un esprit malade ou un cœur gâté pour lui demander raison de sa conduite. Elle n'est pas moins grande l'erreur pour ne pas dire la folie de ceux qui disent : Puisqu'un seul péché mortel mérite l'enfer, un, deux. trois de plus ou de moins ne sont pas une grande affaire pour l'autre monde. Sans parler de cette malice diabolique à offenser davantage un Dieu fait homme et mort pour nous, ils oublient bien vite, les insensés, que Dieu étant infiniment juste, double, triple, décuple, centuple les peines selon le nombre et la malice des péchés à l'égard des damnés.

Cette vérité, un peu méditée, convertirait bien des âmes.

La grande pensée de l'enfer est une source de t victoires pour tous ceux qui sont tentés dans le cloître, dans le monde. Dans une tentation violente, chacun devrait s'écrier avec un pieux solitaire : « Eh bien ! chair de péché, chair voluptueuse, comment pourrais-tu supporter l'ardeur des flammes éternelles 1 » Après sa longue et rude

vie apostolique, après avoir prêché la miséricorde de Dieu. après avoir mis sur la route du ciel des milliers de Juifs et de païens, le grand Paul a pèur d'être lui-même sur le chemin de l'enfer et pour cela il châtie sévèrement son corps (1).

Après des œuvres de pénitence qui surpassaient parfois celles des Antoine et des Pacôme, l'illustre pénitent d'Ars, Jean-Baptiste-Marie Vianney ne demandait qu'une chose à son évêque, la permission d'aller dans la solitude pleurer sa pauvre vie et se préparer ainsi à la mort et aux jugements de Dieu.

Satan et les amis de Satan voudraient tuer la pensée de l'enfer parce qu'elle peuple le ciel. Celui, en effet, qui jette un regard sérieux sur les abîmes, sur les souffrances, sur l'éternité de l'enfer, ne dira jamais : la messe est trop longue, la confession trop pénible, les pénitences prescrites par l'Eglise trop sévères ; j'aime mieux avec le démon quelques jours de plaisirs. Oh ! lorsqu'on sent son cœur rempli de la pensée de l'enfer, comme on est fort dans les combats de la vie !

Un jeune homme ne craint pas d'è.tre appelé dé vot, clérical, jésuite ; il n'aura peur, ni de l'exil, ni de la mort ; il ne craint qu'une chose, le péché qui conduit à l'enfer. Avec la crainte du mal, avec l'espérance du ciel, Jeanne d'Arc con-

(1) Saint Paul, 1er épit. aux Corinth. rx. 27.

serve l'humilité, la chasteté au milieu de ses triomphes, et sa mort sur le bûcher de Rouen a été un des plus beaux spectacles dont l'histoire garde le souvenir.

Un aveugle de corps n'est jamais donné pour guide à un enfant. Or, par un des plus grands abus de la raison, des pères et des mères ne craignent pas de confier à des aveugles spirituels, à des incrédules ce qu'ils ont de plus cher au monde, l'âme de leur enfant. Ils se rassurent pour avoir lu ou entendu que le mot d'enfer ne doit plus être prononcé à l'école afin de ne pas retarder la marche de l'humanité vers le progrès, vers sa complète indépendance. Etrange aveuglement !

La négation de l'enfer ne détruit pas l'enfer. Il existe et son existence est une terreur salutaire, partout où il y a une raison saine. Un des plus grands génies de France et du monde. Bourdaloue, s'écriait : « Je crains l'enfer souveraine-' ment, je le craindrai constamment, et plaise au ciel que je le craigne efficacement !

« Je le crains souverainement, parce que ma crainte doit être proportionnée au sujet ; je le craindrai constamment et pour ne jamais perdre cette crainte, je la renouvellerai sans cesse par la méditation et par une vue fréquente des jugements de Dieu. Tant que je vivrai en ce monde, quelques vertus que j'aie pratiquées, je ne saurai

jamais avec assurance, si devant Dieu, je suis digne de haine ou d'amour (1). si je mérite ses récompenses éternelles ou ses vengeances. Quand même j'aurais lieu d'être en paix sur le passé et sur le présent, au milieu des peines qui m'environnent et après les chutes si étonnantes dont on a été plus d'une fois témoin, je ne pourrais jamais me répondre de l'avenir, et dans cette double incertitude, ma plus sûre sauvegarde sera la vigilance et la crainte. En craignant je dois agir, je dois me corriger, me perfectionner.

« Tels sont mes sentiments, puissent ils ne jamais sortir de mon esprit ! Si l'impie les traite de faiblesse et de timidité superstitieuse, je préférerai ma faiblesse à sa prétendue force: il rira de ma simplicité ; moi, j'aurai pitié de sa folie. Lorsqu'il ne craint point ce qu'ont redouté tant p d'hommes mille fois plus sages et plus instruits que lui, je le trouve bien téméraire de s'exposer si légèrement et de sang-froid à une éternelle réprobation. » C'est ainsi que saisi de la crainte de l'enfer, un célèbre orateur s'écriait avec le prophète : « Seigneur, ne perdéz pas mon âme avec les impies (2). » J FRUIT D'UNE MÉDITATION SUR L'ENFER

Au commencement du deuxième siècle vivait à Héliopolis, en Sicile, une jeune personne nom-

(1) Eccl. ix, 1.

(2) Psaume xxv. 9.

mée Eudoxie qui menait une vie scandaleuse. Un jour, un prêtre, qui s'appelait Germain, passant par cette ville, vint loger chez les parents d'Eudoxie parce qu'ils étaient chrétiens. A minuit, il se leva pour réciter le saint office qui ce jour-là contenait la description des peines de l'enfer.

Comme il le récitait à haute voie. Eudoxie, dont la chambre était voisine, prêta l'oreille et put en entendre la plus grande partie. Le silence de la nuit, la profondeur des ténèbres, le calme parfait de la nature et surtout la grâce de Dieu qui se fit sentir à son cœur, opérèrent tout à coup dans Eudoxie un changement extraordinaire. Elle commença par réfléchir sur ses désordres et sur les supplices de l'enfer, qui seraient infailliblement les siens si elle ne changeait de conduite.

A peine le jour eût-il paru qu'elle se leva et alla trouver le prêtre étranger pour lui faire part de sa résolution. Le pieux voyageur l'encouragea et lui dit : « Je regrette beaucoup d'être obligé de partir bientôt, mais faites-vous instruire par un des prêtres de la paroisse, il vous baptisera et vos péchés seront effacés et oubliés. » Eudoxie le fit et eut le bonlîeur de souffrir le martyre pour la gloire de Dieu (1).

(1) Acta sanctorum.

CHAPITRE XIV

DIEU AVEC LES ÉLUS

Loin de Dieu, l'éternité c'est l'enfer ; près de Dieu, c'est le ciel. Ami du Dominus vobiscum, le monde te dit peut-être : « Où est ton Dieu ? Que fait-il pour toi ? A 20 ans, à 40, à 60 ans, tu as toujours fait le signe de la croix comme un enfant de la première communion, aimé comme lui Je catéchisme, l'Evangile, la prière, la messe, la confession et la Table Sainte* Chez toi, le nom et le jour du Seigneur ont toujours été respectés.

Il t'avait dit : « Sois humble, sois chaste, et tu l'as été ; ne murmure pas, et tu n'as pas murmuré. Tes mains n'ont pas été souillées par le vol, tes lèvres par le mensonge, ton cœur par un

désir- impur. Un berger reçoit d'un homme un petit salaire ; toi, qu'as-tu reçu de ton Dieu ?

Regarde, tu es pauvre, ignoré, et ton voisin qui blasphème comme un démon est peut-être membre du conseil municipal, maire, sous-préfet, préfet, député, sénateur et quelque chose de plus.

Chez l'incrédule, prospérité, honneurs, plaisirs ; et toi, croyant, tu ne sais peut-être pas où trouver un abri pour ta vieillesse et un morceau de pain.

Où est donc ton Dieu ?

Ami du Dominas voMscum, reste, comme les martyrs, inébranlable dans ta foi ; entends ce cri d'une âme dont le corps est encore dans la chambre mortuaire : Crucior in llâc flammû, que je souffre dans ces flammes ! Sur la terre, rien n'est plus effrayant que la prospérité sans Dieu, que les honneurs et les plaisirs sans Dieu. Un peu plus tôt, un peu plus tard, la mort frappe à la porte du bourgeois et du riche aussi bien qu'à celle du laboureur et du pauvre, et les heureux de la terre deviennent les malheureux de l'éternité. Ami du Dominas voMscum, pour vous peut-être, plus que pour les autres, la terre est une vallée de larmes ; vous souffrez beaucoup dans votre corps et dans votre âme, vos parents, vos amis sont incapables de vous consoler, si en core par leurs procédés ils n'augmentent pas vos peines ! Courage ! quelques jours, quelques mois de plus et la mort sera là. On dira à votre âme :

Partez, âme chrétienne ! (1) Et la voilà qui partavec une beauté que n'ont pas les fleurs et les étoiles. Qu'est le bonheur de saint Pierre au Thabor près du bonheur d'une âme qui s'écrie ; Je suis au ciel, dans le sein de mon Dieu et pour l'éternité !

Le ciel, c'est Dieu lui-même se donnant en récompense. En recevant Dieu, un berger reçoit plus de lumières que ne peuvent en avoir ensemble tous les savants de la terre. Ils font, la plupart du temps, plutôt la nuit que le jour dans les âmes. Les écrits parisiens ressemblent ordinairement à de gros nuages empoisonnés, qui se répandent sur la France et sur l'Europe. La clarté de la foi et celle du bon sens disparaissent dans nos campagnes ; on cesse de se faire des béatitudes avec la prière et le respect aux lois divines. La nuit se fait et quand elle est bien noire, on préfère le cabaret à l'église, la Marseillaise au Gloria in excelsis, l'erreur à la vérité, le vice à la vertu.

Dès lors, c'est la nuit infernale et on refuse, à la mort, la paix du Seigneur, 1 eDominus vobiscwn.

Qu'il en est autrement de ceux qui sont restés fidèles aux enseignements de l'Evangile ! La lumière divine pénètre leurs âmes au sortir du monde plus que le soleil du midi ne saurait pénétrer un vase du plus pur cristal. Au ciel, les

(1) Prières du rituel.

bienheureux peuvent se dire : « Nous sommes les enfants d'un jour sans nuages et sans fin (1). »

Dans l'enfer, les maudits maudissent aussi les personnes et les choses qui les ont éloignés de Dieu. L'avare maudit l'argent; l'ivrogne, le vin, les liqueurs. Dans l'enfer, beaucoup de réprouvés maudissent le corps qu'ils ont trop aimé, trop paré ; ils maudissent ce ventre dont ils ont fait un Dieu, même le Vendredi-Saint. Ils maudissent les courts et coupables plaisirs qu'ils ont goûtés au bal, au théâtre, dans ces conversations assaisonnées de blasphèmes, de propos infâmes ; ils maudissent le poison qu'ils ont acheté en achetant un mauvais petit livre, un mauvais roman, un mauvais journal. La vie est dure en enfer. Les maudits et les maudissants voudraient pouvoir écraser et anéantir Celui qui les punit, et dans leur rage impuissante, ils voudraient pouvoir s'écraser et s'anéantir eux-mêmes. Les malheureux ! Ils vivront toujours par ce qu'ils sont condamnés pour toujours.

Au ciel, les bons bénissent. Ils bénissent Dieu la Père qui les a créés, Dieu le Fils qui les a rachetés et Dieu le Saint-Esprit qui les a sanctifis. Ils bénissent la Très Sainte-Vierge dans laquelle ils ont trouvé une étoile, un refuge, une

(1) Ir. Thass. v. 6.

mère. Ils bénissent les anges et les saints, qui ont été leurs guides et leurs protecteurs dans les sentiers de la vie. Au ciel, les enfants disent à leurs parents : « Soyez bénis, ô bon père, ô bonne mère ! d'avoir fait de votre maison une école du bon Dieu, en nous apprenant bien nos devoirs.

envers lui, envers vous, envers le prohain envers nous-mêmes. »

Au ciel, saint Louis, roi de France, bénit les énergiques paroles de sa mère : « Mon fils, je vous aime beaucoup, mais j'aimerais mieux vous voir mourir à mes pieds que de vous voir commettre un péché mortel. » Augustin dit à Monique : « Mère, l'éternité ne sera pas trop longue pour bénir vos prières et vos larmes ; sans la seconde vie que vous avez demandée et obtenue pour moi, votre Augustin ne serait avec sa science et sa gloire qu'un grand malheureux,pleurant éternellement son orgueil, son hérésie, son libertinage. O mère, cette couronne qui brillera éternellement sur mon front de pénitent et de pontife, je vous la dois, après Dieu. 0 vous, que ma parole et mes écrits ont conduits au séjour de l'éternelle gloire, aidez-moi à bénir ma mère.

Sans ma mère, ma parole, mes écrits, mes exemples auraient donné à l'enfer beaucoup de victimes parmi lesquelles vous seriez peut-être. »

Au ciel, c'est un père qui s'écrie à son tour : « Sois béni, mon enfant, ma fille 1 malgré ma

réputation de savant, j'étais bien sot; je niais les grandes vérités admises par les plus beaux génies du monde ; je niais la création, la Rédemption, l'immortalité de' l'âme. Je saluais dans un singe l'origine de l'humanité, et dans le néant sa destinée. Ton cœur, habité par l'Esprit-Saint a fort souffert de mes blasphèmes et de ma vie bestiale. Enfant, tu as bien prié, bien pleuré pour ton pauvre père. Tes prières, tes larmes, ton angélique douceur ont fait sur moi une impression plus grande que n'auraient pu provoquer les plus illustres prédicateurs de la capitale. Près de toi, mon bon ange, j'ai appris à connaître, à aimer ce que tu connaissais et aimais : Dieu, la prière. l'Eglise et ses sacrements. Je suis ton père ; tu es mon apôtre, après le Christ mon Sauveur ; ce que je t'ai donné vaut infiniment moins que ce que j'ai reçu de toi. Fille bien-aimée, merci ! mille fois merci de l'éternel bonheur que tu as préparé à ton père ! En bénissant Dieu, je n'oublierai jamais de te bénir. »

Au ciel, l'époux bénit son épouse, et l'épouse bénit son époux. Ensemble, ils bénissent le jour où ils ont commencé à s'aimer en Dieu et pour Dieu ; ils bénissent le temps consacré à la prière, les peines et les épreuves supportées avec une sainte résignation , les soins vigilants donnés à l'éducation de la famille. De là-haut, ils bénissent leurs enfants et petits-enfants qui font

revivre sur la terre leur nom et leurs vertus. Voici sur le ciel quelques pages intéressantes : autant sont foudroyantes les paroles de la malédiction : Allez au feu éternel ! autant celles de la bénédiction sont remplies de suavité et d'amour : « Venez les bénis de mon père, possédez le royaume qui vous est préparé depuis le commencement du monde (1). » Si les premières nous donnent, en quelque sorte, la mesure de la colère de Dieu envers les réprouvés, les secondes nous donnent la mesure de sa bonté envers les élus.

Qu'est-ce donc que le royaume du ciel ? C'est le chef-d'œuvre de Dieu Tout-Puissant en magnificences, en libéralités pour ses amis. C'est le lieu de toutes les délices, le royaume éternel, le palais divin, le séjour des saints, où régnent une paix et un bonheur éternel et sans mélanges. Le ciel.

c'est l'assemblage de tous les biens sans aucun mal. « Quiconque sera victorieux, nous dit JésusChrist, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme après la victoire que j'ai remportée moi-même, je suis assis avec mon Père sur son trône (2). » « Le ciel, s'écrie saint Bernard, c'est la satisfaction de tous les désirs, où rien ne se trouve de ce que vous ne voulez pas. et où se trouve tout ce que vous voulez (8). » Et après

(1) Saint Matth. xxv, 34.

(2) Saint Jean, Apoc. III. dL.

(3) Saint Bernard. Sermon sur le ciel.

tout cela, on peut dire qu'on n'a rien dit, parce que saint Paul qui a vu le Ciel avec ses merveilles, ne savait que répéter : « L'ceil de l'homme n'a rien vu, son oreille n'a rien entendu et son esprit rien conçu qui soit comparable aux biens que Dieu destine à ses amis (1). » Qu'est-ce donc enfin que le ciel? C'est Dieu lui-même, faisant la félicité des élus, selon sa parole donnée à Abraham : « Je serai ta récompense magnifique (2). »

Si la pensée de l'enfer est capable d'arrêter et de convertir le pécheur, comme la pensée et l'espérance du ciel doivent encourager et fortifier le juste dans la persévérance ! Dieu étant infini, le ciel est donc un bonheur infini pour l'esprit, le cœur et le corps de tous ceux qui auront vaillamment combattu les combats du Seigneur. Que l'homme est insensé de vivre comme s'il n'y avait point d'enfer et point de ciel ! Si déjà sur la terre les moindres caresses de Dieu mettaient ses saints hors d'eux-mêmes, à les faire s'écrier avec saint Paul : « Je surabonde de joie dans mes tribulations (3) » et saint François Xavier, au plus fort de ses travaux: » Assez, Seigneur, votre amour dévore ma poitrine ; Seigneur, c'est assez, ma faible nature ne peut plus soutenir ce torrent de délices sans tomber dans une défaillance

(1) Saint Paul, 1" aux Corinth. n. 9.

(2) Genèse, xv. 1.

(3) Saint Paul, 2* aux Corinth. vu. 4.

mortelle, réservez pour la vie future vos tendresses paternelles (1). » Que sera-ce donc au ciel, quand il se découvrira tout entier à ses amis.

ouand ils le verront face à face et non plus à travers les créatures, qu'il ouvrira tous les trésors de sa bonté pour en remplir l'immense capacité de leur cœur, l'immense capacité de leur esprit?

Oui, nous le verrons tel qu'il est, sans nuage, dépouillés de nos ténèbres, éclairés de sa propre lumière ; oui, nous verrons, nous contemplerons, nous admirerons, nous adorerons cette beauté infinie, cette sainteté sans tache, cette sagesse profonde, cette Providence si aimable qui nous aura conduits par la main, cette inaltérable bonté qui nous a portés dans ses bras. Nous verrons.

nous bénirons ce doux Sauveur qui nous donnait tant de consolation et d'amour dans la sainte Eucharistie ; nous le verrons dans son corps glorieux qui ravit la Cour céleste ; nous le verrons avec nos cœurs revêtus de sa gloire.

Nous verrons la Vierge immaculée, notre bonne mère Marie, qui nous a enfantés au pied de la croix, dans son immense tendresse ; nous verrons tous les Anges et les saints qui applaudissaient à nos efforts, qui intercédaient sans cesse pour nous.

Avons-n ous tout dit en disant qu'au ciel nous

(1) Vie du saint.

verrons Dieu dans toutes ses perfections ? Non, certes, ce n'est là que le premier degré du bonheur, que le commencement. Nous l'aimerons de toute l'ardeur, de toute cette force que donnera cette vue béatifique. C'est bien alors que l'âme, s'écriera comme saint Augustin : «■ J'ai soif de vous voir, Seigneur, vous êtes la source de vie, désaltérez-moi, ô Dieu vivant ! (1) » Nous l'aimerons sans jamais nous rassasier, nous le louerons sans jamais nous lasser (2) et plus nous l'aimerons, plus nous voudrons l'aimer. Si déjà ici-bas, dans l'exil, nous goûtons les charmes de l'amour divin avec tant de douceur au banquet eucharistique, que sera-ce dans ces extases de l'amour dans le ciel, où, puisant sans cesse dans son cœur notre aliment et notre amour « nous serons enivrés, dit le prophète, des plus pures délices, où il nous abreuvera lui-même du torrent de ses divines voluptés (3). » Il y a davantage encore : en voyant Dieu et en l'aimant, nous serons semblables à lui, nous assure le disciple bien-aimé. « Nous savons, dit-il, que lorsque Dieu se montrera dans sa gloire, nous lui ressemblerons, parce que nous le verrons tel qu'il est (4). » Et pour que notre amour soit parfait,

(1) Saint Augnstin, Cité de Dieu.

(2) Le même.

(3) Ps. xxxv. 9.

(4) Saint Jean. lre épit. m. 2

que notre bonheur soit au comble, nous le posséderons ce Dieu de notre âme avec l'assurance de ne le perdre jamais ; nous le posséderons dans la plénitude et nous pourrons lui dire avec l'Epouse du Cantique des Cantiques : IL J'ai trouvé mon Bien-Aimé il est à moi et je ne crains pas qu'il m'échappe (1). » Enfin, nous nous abîmerons délicieusement en lui ; nous nous plongerons tout entier dans l'immensité de ses amabilités avec une ardeur toujours nouvelle et un désir toujours rempli, sans nous détourner un seul instant de la contemplation de ses ineffables grandeurs. Le ciel sera donc une fête éternelle, un festin éternel, un royaume éternel dont Dieu est l'ordonnateur, l'hôte, le fondateur, qu'il a préparés de toute éternité, et en Dieu, c'est-à-dire d'une manière infinie.

Après cela, qui ne voudrait du ciel? qui ne prendrait le monde en dégoût et en mépris, avec ses joies trompeuses, ses honneurs fugitifs, ses biens périssables, ses promesses mensongères ?

On convient facilement de tout cela ; mais ils sont peu nombreux les chrétiens qui travaillent pour le ciel, qui marchent d'un pas inébranlable et sans s'arrêter aux bagatelles de la terre vers cette patrie des enfants de Dieu. On veut bien aller au ciel, mais sans se gêner, sans se passer des douceurs dé la vie ; on veut aller au ciel.

(1) Cantique des cant. ni. 4.

mais sans souffrir, sans se purifier par les saintes rigueurs de la pénitence, sans rompre avec ses mauvaises habitudes, avec un monde dépravé et corrompu. On oublie trop vite que Jésus-Christ n'a ouvert le ciel que par la passion la plus douloureuse, par la mort la plus cruelle, par l'effusion de tout son sang, Quoi ! sous un chef couronné d'épines, vous voudriez monter au ciel par un chemin couvert de lleurs ? Non, non. Pour aller au ciel, il faut auparavant passer par le Calvaire, c'est-à-dire par les épreuves.

Car il ne s'agit pas seulement du désir pour aller au ciel, il faut l'action. Le ciel est une récompense, il faut la mériter par le travail ; c'est une couronne, il faut combattre pour l'obtenir ; c'est une conquête, il faut se faire violence pour la gagner : « car. a dit le Seigneur, le royaume des cieux souffre violence, et il n'y ,a que les violents qui l'emportent (1). »

Ayons donc du courage 1 à l'exemple du grand saint Paul, animons-nous, excitons-nous en montrant ce beau riel à notre âme. ( Courage.

mon âme, tes tribulations ne sont que d'un moment, tandis qu'un poids de gloire éternelle t'est réservé pour récompense (2). » Dans ces dispositions, nous pourrons dire, à l'heure de la mort, avec saint Martin à ceux qui voulaient le tourner

(lrSaint Mattk. xi. 12.

(2) Saint Paul. 2e aux Corinth. iv. 17.

de côté pour qu'il souffrît moins : Laissez-moi, laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre ; ne m'empêchez pas de considérer la route que mon âme doit tenir pour aller s'unir à son Dieu (1) » « Créés pour être des saints, vivons donc en saints, c'est-à-dire, conservons-nous dans l'amitié de Dieu, en restant fidèles à nos promesses du baptême, c'est-à-dire en vivant selon les exemples et les maximes de JésusChrist. C'est à ce prix qu'est la couronne de la sainteté dans le ciel (2). »

SAINT FULGENCE

Quoique saint Fulgence fût comblé d'honneurs.

il ne perdit jamais de vue le ciel. Le ciel était l'unique objet de ses désirs. Un jour, il entra dans la ville de Rome au moment où l'on faisait une réception magnifique au roi Théodoric. Le monarque était placé sur un siège richement décoré. Il était environné du Sénat, de ses grands officiers et de la cour la plus nombreuse et la plus brillante. Costumes superbes, musique ravissante, rien ne manquait à la fête. Un spectacle si imposant fixa un instant l'attention de Fulgence, mais la foi le détachant bientôt de la terre

(1) Vie du saint.

(2) Petites Conférence* ivr la religion. 2' vcl. pages 244 à 251.

pour l'élever vers le ciel, il se dit à lui-même : Si Rome terrestre avec de pauvres et faibles mortels, apparaît si belle et si splendide, que sera-ce de la Jérusalem céleste ! Et si en cette vie périssable les hommes entourent d'un tel éclat les partisans du mensonge et de la volupté que sera-ce au ciel si Dieu lui-même déploie toute sa puissance afin de procurer le bonheur à ceux qui ont mérité d'y avoir une place par leurs vertus ? Cette pensée l'attacha de plus en plus à l'accomplissement de tous ses dev oirs.

Comme saint Fulgence, marchons toujours au flambeau de la foi ; avec elle nous resterons avec Dieu. Dieu ! c'est la source vivante et infinie, où tout chrétien peut trouver tout ce qu'il lui faut de lumière pour ne pas s'égarer ; de force, pour ne pas tomber. Combattre avec Dieu, c'est vaincre ; souffrir avec Dieu, c'est se préparer des béatitudes, et mourir dans Dieu, c'est entrer dans l'éternelle vie.

TABLE DES MATIÈRES

PAGES LETTRE A Mer L'ÉVÊQUE DE BELLEY. 5 ApPROBATION. 7 AVANT-PROPOS. 9

CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

LES DONS DE DIEU

Dons surnaturels et naturels. — Le grand don par excellence, Notre-Seigneur Jésus-Christ 19

CHAPITRE 1

DIEU AVEC LES ENFANTS

L'enfant sous le Paganisme. — L'enfant sous le Christianisme. — Langage d'un petit lifrre-penseur. — La petite sans Dieu, en cour d'assises. — Protestation énergique d'un dépnté contre les écoles sans Dieu.

Belles paroles d'une enfant avec Dieu. — Françoise d'Amboise. — Le pieux berger de l'Auvergne.

L'enfant de l'ouvrier, sa charité. — La petite fille ramenant son père au devoir. — Un petit ange au chevet d'un mourant. 31

CHAPITRE II

DIEU AVEC LES JEUNES GENS

PAGES Ce qu'est la jeunesse sans Dieu. — Son langage impie.

— La Fête-Dieu. — Les libre-penseurs sur l'Eucharistie. — Leurs discours à la jeunesse. — Les résultats funestes. — Testament d'une jeune libre-penseuse — César et la jeune fille. — Dieu avec le berger Benezet. 47

CHAPITRE III DIEU AVEC LES FIANCÉS

Sainteté du mariage. — Causes des mariages malheureux.

— Conditions d'un bon mariage. — Mariage malheureux. — Paroles remarquables sur le mariage.

Modèle de mariage chrétien 63

CHAPITRE IV DIEU AVEC LES ÉPOUX

La prière nécessaire à tous. — Particulièrement aux époux. - La femme qui prie est un trésor. — Exemple.

— Devoirs des époux. — Ce qu'était la femme avant Jésus-Christ. — Ce qu'elle est devenue par lui.

Paroles de Saint Paul. — L'époux paresseux.

L'époux impie. — L'époux avare. — Modèle d'époux chrétien, saint Isidore. — Devoirs des épouses.

L'obéissaifce. — La douceur. — Exemples. — L'activité 78

CHAPITRE V

DIEU AVEC LES PÈRES ET MÈRES

Dignité de la paternité et de la maternité. — Soins physiques à donner à l'enfant. - Les soins moraux.

4,a mère libre-penseuse. - Langage de la mère

PAGES chrétienne. — Devoirs des parents: l les bons enseignements. — Science dangereuse.— Mort d'un enfant sans Dieu. — Science utile. —Science nécessaire.

2° Bons exemples. — 3° Surveillance. — 4° Correction.

— 5° Prière. — Prière du soir en famille.

Tableau. 116

CHAPITRE VI

DIEU AVEC LE CÉLIBAT

Excellence du célibat. — Son dévouement à soulager les misères humaines. — Les Sœurs. — Lettre touchante d'un officier sur les Sœurs de charité.

Témoignage des mahométans eux-mêmes. - Des protestants américains. — Des médecins républicains. — Les Frères. — Dévouement des Frères à l'école et aux ambulances. — Le Clergé. — Le Clergé, soleil des âmes. — Son action bienfaisante dans la société. — Paroles du Père Lacordaire.

Le Clergé plus ami du peuple que Voltaire. — Le Clergé nécessaire au monde pour y perpétuer le règne de Dieu. — Les Missionnaires. — Les Missionnaires porteurs de la civilisation avec la foi aux peuplades sauvages. — Départ d'un Missionnaire. — Les Moines.

— Les Moines, anges gardiens de la société par leurs prières. — Conservateurs de la vraie science en Europe. — Modèles d'agriculture aux cultivateurs.

Paroles de Msr l'Evèque de Besançon sur le grand Anthelme. — Paroles du R. P. Monsabré sur la mission des religieux. 155

CHAPITRE VII

DIEU AVEC LES SOLDATS

Clovis, Charlemagne, saint Louis, Turenne, Bayard, Jeanne d'Arc. — Les Croisés. — Les Vendéens.

Un soldat avec Dieu, lettre. — Ce qu'est le soldat sans Dieu. 181

CHAPITRE VIII

DIEU AVEC LES RICHES

PAGES La richesse, don de Dieu, est une obligation de plus à le bien servir. — Le riche avec Dieu. — Louis de Sales. - Bonheur des pèuples sous les rois chrétiens. - Une princesse avec l'esprit de Dieu.

Réflexions. 188.

CHAPITRE IX DIEU AVEC LES PAUVRES ET LES AFFLIGÉS

Les pauvres et les affligés sous le paganisme. — Ce qu'ils sont sous l'Evangile.—L'héroïque Blandine.Les domestiques lyonnaises, fondatrices de l'Œuvre de la Propagation de la Foi. — Les domestiques, apôtres de leurs maîtres. — Vastaï, ou le riche anglais, se faisant valet de ferme pour assurer son salut dans la pauvreté. — La bergère GermaineCousin, modèle de patience dans les peines et les humiliations :., 203

CHAPITRE X

DIEU AVEC CEUX QUI SOUFFRENT

La souffrance, conséquence du péché originel. — La souffrance attachée aux flancs de l'humanité. — La souffrance dans l'incrédulité. — Dans la foi et l'espérance. — Job sur son fumier. — Le prêtre, auprès du prisonnier. — La grande dame de Paris dans la mansarde de l'ouvrier malade. 219

CHAPITRE XI

DIEU AVEC LES NATIONS

Une nation sans Dieu. — Avec Dieu. — Coup d'œil sur 93. — Conduite des persécuteurs du jour. — Leur

PAGES haine pour le catéchisme. — Témoignage de Littré et de Troplong sur ce livre admirable. — Paroles de M. d'Aoste.- Sophocle aux Athéniens.— L'auteur à la France. 226

CHAPITRE XII

DIEU AVEC LES MOURANTS

Notre siècle, grand siècle de négation. — La mort seule échappe aux coups de son incrédulité. — Pourquoi la mort est douce aux croyants. — Saint Paul, sainte Thérèse. — L'enfant mourant consolant sa mère.

Déception à la mort. — Désespoir. — Antiochus et Voltaire. — Mort d'un réprouvé. — Sainte mort de la vicomtesse de Coislin 232

CHAPITRE XIII LOIN DE DIEU, C'EST L'ENFER

Tourments de l'enfer. - Souvenir du passé. — Douleurs du présent. — Douleurs du feu. — Douleurs plus cruelles : la séparation de Dieu. — Douleurs par la pensée de l'éternité des peines. — Le grand Bourdaloue sur l'enfer. — Fruit d'une méditation sur l'enfer.

- Vive émotion du comte Orloff. 245

CHAPITRE XIV DIEU AVEC LES ÉLUS

L'impiété railleuse. — Confiance du juste à la mort, son entrée au ciel. — En enfer les malédictions ; au ciel les bénédictions. — Qu'est-ce que le ciel ? Paroles de saint Paul, de saint Bernard. — Saint Fulgem^1 -S5ë

Nancy, imprimerie aint-Epvre. — Fringnel et Guyofc.

NANCY. INî ! SAINT-XI'VU R. I-T.INGNFJ. KT (il'YOT.

Le Seigneur soit avec vous ! ou Testament spirituel d'un curé à ses paroissiens (2e édition) / par Dubouis,... (2025)

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